Et Pie IX proclama l’Immaculée Conception - France Catholique
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Immaculée Conception. « Triomphez et régnez »

Le journal de la semaine

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Et Pie IX proclama l’Immaculée Conception

La proclamation du dogme de l'Immaculée Conception fut également une réponse à l’esprit révolutionnaire du XIXe siècle.
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© Pascal Deloche / Godong

C’est une nécessité urgente qui poussa Pie IX à promulguer l’Immaculée Conception, le 8 décembre 1854, avec la bulle Ineffabilis Deus : offrir au monde le contre-pied à la philosophie des Lumières. La catholicité française, qui attribue sa survie à Notre-Dame victorieuse des persécutions et des hérésies, avait d’ailleurs été la première à saisir comment la Révolution avait fait entrer le monde dans le dernier acte du drame commencé par les philosophes du XVIIIe siècle.

Ajout aux litanies de Lorette

Ainsi, c’est en France, après un déclin dû aux jansénistes et aux voltairiens, que le début du XIXe siècle voit un renouveau de la piété mariale, issu des milieux contre-révolutionnaires. Ses propagateurs ? Le Père Coudrin, fondateur de la Congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et Marie ; le bienheureux Père Guillaume-Joseph Chaminade, qui publie en 1801 le Manuel du Serviteur de Marie ; la bienheureuse Pauline Jaricot, proche de la Congrégation du Père Coudrin et dont le « Rosaire vivant » rappelle que le chapelet est l’arme par excellence des chrétiens contre l’Ennemi ; ou encore l’archevêque de Paris, Mgr de Quélen, dévot de Marie, soutien de la promulgation du dogme, qui avait arraché à Grégoire XVI l’autorisation perpétuelle de célébrer dans l’archidiocèse la fête de l’Immaculée Conception et ajouter aux litanies de Lorette « Reine conçue sans le péché originel ». Dans ce contexte, les apparitions parisiennes de la rue du Bac, du 27 novembre et de décembre 1830, où Catherine Labouré eut la révélation de la Médaille miraculeuse, convainquent l’archevêque de Paris – en raison de l’inscription : « Ô Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous » – de faire frapper et répandre la médaille au printemps 1832 sans en référer à Rome, et déclenche un mouvement international en faveur du dogme, cautionné par le Ciel grâce aux apparitions parisiennes et au nombre effarant de miracles qui s’ensuivent. L’attente des catholiques dépasse la France et l’on pétitionne, de partout dans le monde, pour demander la promulgation du dogme et l’ajout, à la préface de la messe de la Conception de Notre-Dame, d’une allusion à son immaculée conception. En 1834, 211 pétitions parviennent à Rome depuis, la France, l’Espagne, l’Italie, l’Amérique du Sud et les États-Unis.

L’élection de Pie IX

Il existait donc une attente des catholiques à laquelle le pape Grégoire XVI aurait pu donner suite s’il ne redoutait en France un réveil du jansénisme et du gallicanisme, ainsi que l’hostilité des libéraux et des pays protestants. Sa disparition, puis l’élection de Pie IX, en 1846, vont tout changer. Avant son élection sur le trône de saint Pierre, Mgr Mastai Ferretti était libéral et soutien de l’unité italienne. Mais, devenu Pape, il doit s’exiler de Rome en 1848, lors de l’insurrection contre la présence autrichienne au nord de l’Italie. Là, à Gaète, il appréhende l’ampleur de la révolte des sociétés chrétiennes contre Dieu. Dès lors, à ses yeux, aucune entente entre Lumières et catholicisme n’est plus envisageable. Durant son exil, le cardinal secrétaire d’État Luigi Lambruschini lui avait dit : « Très Saint-Père, vous ne pourriez mieux guérir le monde qu’en proclamant le dogme de l’Immaculée Conception. Seule cette définition dogmatique pourra rétablir le sens de la vérité chrétienne et tirer les intelligences des voies du naturalisme où elles s’égarent. »

Car la certitude que Marie, en vertu des mérites à venir de son Fils, a été, dès sa conception, préservée du péché originel affirme la réalité de celui-ci et la nécessité d’un Rédempteur pour réconcilier l’homme avec son Créateur et le sauver. Lucifer est donc le premier révolutionnaire, refusant de servir le Roi et voulant usurper sa place ; Marie, dans son humilité, se dit servante du Seigneur quand Gabriel lui annonce qu’elle concevra l’Incréé, ce qui fait d’elle « la nouvelle Ève », la Femme restaurée dans son innocence primitive, sourde aux mensonges du démon comme l’affirme la Genèse : « Voici que je mettrai une inimitié entre la Femme et toi, entre sa descendance et ta descendance. Tu essaieras de la mordre au talon mais elle t’écrasera la tête » (3, 15). Mais Marie, « forte comme une armée rangée en bataille » (Ct 6, 10), triomphe à jamais des pièges diaboliques. Aussi cela justifie-t-il le recours à elle dans le combat contre l’esprit révolutionnaire, dernier visage de la stratégie infernale.

Mais, pourquoi l’Immaculée Conception plutôt que l’Assomption comme Pie IX y a d’abord songé ? Parce que ce dogme réfute l’affirmation de Rousseau : « L’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt », qui nie le péché originel, et la Rédemption puisque l’homme sans péché n’a pas à être racheté. Ainsi libère-t-on l’humanité, capable, délivrée de la loi divine, de conquérir le bonheur matérialiste… L’Immaculée Conception, elle, affirme au contraire que l’humanité, depuis nos premiers parents, naît frappée d’une maladie génétique mortelle dont le Christ la sauve.

Un rayon de soleil

Pie IX forma à son retour à Rome une commission théologique internationale pour savoir s’il devait aller plus loin. Ses conclusions positives lui firent procéder à la consultation écrite de l’épiscopat catholique, auquel il envoya l’encyclique Ubi primum demandant son avis et l’importance de la dévotion mariale dans les diocèses. Ils ne furent que 57 sur 601, venant de pays protestants, à élever des réserves diplomatiques. Pie IX est donc sûr de satisfaire le peuple de Dieu quand le 8 décembre 1854 à Saint-Pierre il proclame urbi et orbi l’Immaculée Conception. Soudain, un rayon de soleil le baigne de sa lumière en dépit du ciel gris de ce matin d’hiver, miraculeux car en cette période de l’année, l’astre n’éclaire pas la chaire de la basilique, ce devant des dizaines de milliers de témoins. Dieu ratifiait Ineffabilis Deus, comme il le fit par la suite à Lourdes, en 1858, où la Vierge dit : « Que soy era l’Immaculada Counceptiou », « Je suis l’Immaculée Conception », revendiquant ainsi le premier de ses privilèges, ce que l’ignorante Bernadette, à qui Marie apparut, n’aurait su inventer… 

« Je fus si impressionné… »

« Quand je suis arrivé à la formule de la définition, Dieu a donné à la voix de son Vicaire une telle force et une telle vigueur surnaturelle qu’elle a résonné dans toute la basilique. Je fus si impressionné d’un tel secours divin que j’ai été obligé de m’interrompre un instant pour donner libre cours à mes larmes. De plus, pendant que Dieu proclamait le dogme par la bouche de son Vicaire, Dieu lui-même donna à mon esprit, une connaissance si claire, et si large de l’incomparable pureté de la Très Sainte Vierge que, abîmé dans la profondeur de cette connaissance qu’aucun langage ne peut décrire, mon âme resta inondée de délices inénarrables, de délices qui ne sont pas de la terre et qu’on ne peut éprouver qu’au ciel. Aucune prospérité, aucune joie de ce monde ne pourrait donner de ces délices la moindre idée ; et je ne crains pas d’affirmer que le Vicaire du Christ eut besoin d’une grâce spéciale pour ne pas mourir de douceur sous l’impression de cette connaissance et de ce sentiment de la beauté incomparable de Marie Immaculée. »

Pie IX aux religieuses de la congrégation du Bon Pasteur d’Angers,
cité dans Pie IX (éd. Lethielleux, 1960) de Pierre Fernessole.