Cette ville est une invitation au voyage mais, plus encore, elle provoque la réflexion et incite à la recherche historique. Bien sûr, comme presque toutes les villes de France, Colmar fut d’abord un haut lieu gaulois puis romain puis chrétien, mais ce bijou planté à la frontière de l’Allemagne est unique. On ne sait ce qu’il faut admirer le plus, des maisons multicolores aux colombages, de style gothique ou Renaissance, des églises ou des promenades sur l’eau.
Ce décor enchanteur pourrait cacher un trésor que seule l’histoire peut faire découvrir. Le voyageur qui va jusqu’au musée Unterlinden admirera le célèbre retable d’Issenheim, chef-d’œuvre de l’art germanique ou français, dont le réalisme contraste avec la douceur de vivre qui est la marque actuelle de Colmar. Les historiens se sont demandé pourquoi le Christ d’Issenheim avait la peau boursouflée, couverte d’ulcères et de bubons comme la peau des lépreux. C’est que ce retable était conservé dans le couvent des antonins, un ordre qui, pendant sept siècles, soigna gratuitement les malades atteints du mal des ardents, forme particulièrement horrible d’une peste qui frappait les populations et se manifestait en décompositions et gangrènes accompagnées de douleurs effroyables. Les antonins étaient une congrégation laïque, formée à l’origine d’hommes et de femmes bénévoles qui portaient secours aux malades, d’abord au moyen d’une relique de saint Antoine puis de soins prodigués autour de la vénération de cette relique.
Reconstruite dans l’espérance
Les dépliants touristiques vantent la paix et la tranquillité de ce joyau qui, pourtant, fut ravagé pendant des siècles par les guerres et les invasions, mais toujours reconstruit dans la ferveur et l’espérance qui en ont fait un emblème du bonheur de vivre. Ainsi le charme de la ville est lié à une histoire tragique qu’elle a su transfigurer. Aujourd’hui, il n’est question à Colmar que de bien-être, de gastronomie et de vins mais on ne peut oublier que cette richesse fut le fruit d’un dévouement, lui aussi unique aux malades et aux miséreux.
Colmar était une extrémité du royaume de France, mais c’est pourtant une vraie image de ce royaume : un jardin de joies et de délices mêlées aux plus magnifiques dévouements et sacrifices, où la Croix et la joie sont intimement liées. L’une ne se comprend pas sans l’autre et l’une ne va pas sans l’autre.
Colmar s’ouvre sur l’un des plus beaux jardins de l’Alsace où les vignes, aux pieds des montagnes, sont plantées entre des villages toujours vivants et pittoresques qui font la célébrité de la région.
Respect et vénération
Rien n’est peut-être plus différent de ce que les habitants appellent eux-mêmes « la France de l’intérieur » et pourtant rien n’y est plus uni puisque le grand honneur de cette ville et des villages qui l’entourent est de s’être dit, envers et contre tout, français. Les plus belles pages et les histoires les plus émouvantes du patriotisme se sont écrites ici. La pudeur veut qu’il n’en reste que les rires et les chansons, mais celui qui en scrute l’histoire sait ce qu’il en a coûté de larmes et de souffrances. On ne peut s’approcher de ces terres si attachantes sans un sentiment de vénération et de respect qui se mêle à la joie de vivre débordante de partout. C’est, en quelques kilomètres carrés, un merveilleux condensé du royaume de France.