Chrétiens de Terre sainte : fidèles, malgré l’angoisse - France Catholique
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Euthanasie : la fuite en avant
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Chrétiens de Terre sainte : fidèles, malgré l’angoisse

Pris en étau entre l’État d’Israël et une communauté musulmane encore forte, les chrétiens de Terre sainte tentent d’exister et de conserver leurs lieux de culte.
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Jérusalem. Les toits de la vieille ville et le mont des Oliviers. © Philippe Lissac / Godong

« Une minorité entre deux géants » : c’est ainsi que Sœur Marie-Bénédicte, bénédictine de Notre-Dame du Mont-Calvaire, à Jérusalem, résume la situation des chrétiens en Terre sainte.

Cet entre-deux délicat, la religieuse le vit concrètement. Installée depuis 1896 sur le mont des Oliviers, à l’endroit où le Christ est entré en agonie, la communauté s’inquiète pour son jardin, semé d’oliviers parfois millénaires et convoité par l’État. Leur terrain se trouve enserré entre un immeuble de colons juifs, qui arbore un large drapeau israélien, et le quartier musulman de Jérusalem Est. Et le son de la cloche qui rassemble la communauté pour les offices est largement couvert par l’appel du muezzin que les minarets répercutent jusqu’aux extrémités de la ville.

Le jardin des Sœurs, qui offre une vue imprenable sur la ville, pourrait être acheté par la municipalité, qui projette plus largement d’annexer l’ensemble de ces territoires de Jérusalem Est. Un drame pour ces religieuses qui entretiennent précieusement ces lieux chargés du souvenir du Christ. C’est sur cette colline en effet que Jésus aimait à se retirer, et c’est là qu’il a pleuré sur Jérusalem.

Les bénédictines du Mont des Oliviers se disent plus généralement « très inquiètes » du sort des chrétiens en Israël et en Palestine.

Nombreux militaires

Il suffit de faire quelques pas à Jérusalem pour sentir le contrôle exercé par l’État d’Israël sur la ville. Chrétiens et musulmans doivent se plier à l’autorité des nombreux militaires déployés dans les rues de la vieille ville. La célébration de la Vigile pascale aura une fois de plus montré aux chrétiens la fragilité de leur statut, obligés de se soumettre à de très nombreux contrôles et de respecter des horaires très précis pour parvenir jusqu’au Saint-Sépulcre. « Il y en a qui disent que c’est pour nous empêcher de célébrer… », murmure un fidèle. « C’est une démonstration de force », soufflait-on dans les rangs serrés des catholiques qui tentaient d’assister à la Vigile.

Un service d’ordre très contraignant, qui n’empêche pourtant pas les chrétiens d’être régulièrement victimes d’agressions. « On peut se faire cracher dessus », nous confie un carme. Dans la Ville sainte en effet, les agressions contre les chrétiens – et particulièrement contre les religieux – ont augmenté ces dernières années. 111 actes anti-chrétiens avaient été signalés en 2024. Or le site Religious Freedom Data Center – qui comptabilise les actes de violence à l’encontre du clergé, des édifices et des symboles religieux à Jérusalem et en Terre sainte – en a déjà recensé 44 pour les trois premiers mois de cette année…

Les difficultés des chrétiens de Terre sainte sont aussi économiques. La guerre a mis un coup d’arrêt aux pèlerinages et fragilisé l’économie des sanctuaires, des couvents et de nombreux chrétiens qui vivaient du tourisme. La crise se fait sentir à Jérusalem, mais plus encore dans les Territoires palestiniens, et notamment à Bethléem, totalement déserté par les pèlerins. Pour se rendre sur les lieux de la Nativité, il faut passer la frontière entre Israël et la Palestine, et franchir le haut mur qui sépare les deux États. De quoi décourager les rares pèlerins qui se rendent encore en Terre sainte.

« À Bethléem, 50 % de l’économie viennent du tourisme, donc quand il n’y a pas de touristes, c’est très inquiétant, regrette un commerçant. Les hôtels sont fermés, les fabricants d’objets religieux aussi. »

Pas d’emploi pour les jeunes

Nombreux sont les chrétiens palestiniens qui ont perdu leur travail à la suite du massacre du 7-Octobre perpétré par le Hamas. Depuis la guerre, l’autorisation de franchir la frontière pour aller travailler en Israël ne leur est que très rarement accordée. « Beaucoup de jeunes sont sans emploi et cherchent à partir », se désole Sœur Marie-Bénédicte, qui regrette que très peu de permis de travail soient accordés aux Palestiniens, auparavant nombreux à se rendre à Jérusalem pour travailler pour l’Église, dans les hôpitaux, les écoles et les monastères chrétiens.

La Terre sainte reste un lieu de souffrance, et la Passion du Christ continue d’être partagée par les fidèles qui vivent sur les lieux. Pourtant, malgré l’angoisse, la communauté chrétienne cherche à adresser un message d’espérance : « La situation est difficile, témoigne une sœur du monastère du Mont des Oliviers, mais nous voulons être des maillons d’espérance et de réconciliation, en particulier dans nos monastères. »

Le patriarche de Jérusalem
« L’église du calvaire »
«Nous sommes l’Église du calvaire. […] Il semble que nous suivions un chemin de croix qui n’en finit pas, hérissé d’épreuves constantes. » Grave message que celui adressé par le cardinal Pizzaballa, patriarche des catholiques de Jérusalem, le jour de Pâques, aux fidèles de Jérusalem venus assister à la messe de la Résurrection, au pied du Saint-Sépulcre.

Né en Italie, le cardinal Pierbattista Pizzaballa, 60 ans, est aujourd’hui la grande figure chrétienne du Proche-Orient, en sa qualité de patriarche de Jérusalem, que lui a conférée le pape François en 2020. Il compte près de trente-cinq années passées dans la Ville sainte. Depuis le début de la guerre et les massacres du 7-Octobre, le patriarche s’est affirmé comme une figure de paix, proposant même de se constituer otage en échange des enfants enlevés par le Hamas.

S’il ne cache pas son inquiétude à l’égard de la situation des chrétiens de Terre sainte qu’il compare à « un frêle esquif ancré à la vie, dans une mer de douleur et de souffrance », il tient à leur adresser un message d’espoir : « Même s’il semble que nous sommes encore sur la Via Dolorosa, nous savons cependant que la conclusion est là, à la rencontre du tombeau vide du Christ. Et cette certitude nous accompagne toujours. […] Il s’agit d’avoir la Foi, de croire fermement que Dieu guide l’histoire. »