Bruno Guillot, ancien imam salafiste : « Soyez fiers d’être chrétiens ! » - France Catholique
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Bruno Guillot, ancien imam salafiste : « Soyez fiers d’être chrétiens ! »

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© Karl Raymund Catabas / unsplash

Bruno Guillot, ancien imam salafiste : « Soyez fiers d’être chrétiens ! »

Bruno Guillot, ancien imam salafiste : « Soyez fiers d’être chrétiens ! »

Devenu Soulayman et imam salafiste, Bruno Guillot a abandonné l’islam en redécouvrant la foi catholique. Il raconte sa conversion dans un livre. Et alerte sur l’islamisation de l’Europe, favorisée par la déchristianisation. Entretien.
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© Anthony Quittot

Comment expliquez-vous votre conversion à l’islam à l’âge de 15 ans ?

Bruno Guillot : Mes parents d’ascendance française et de tradition catholique n’ont pas rempli leur rôle en matière d’éducation. Mon père en particulier était absent. Je n’ai reçu aucun héritage religieux ou spirituel, et j’ai souffert de ce que je ressentais comme un manque d’affection. Par ailleurs, mon père a brisé mon rêve de devenir footballeur professionnel en ne croyant pas en moi alors que ce projet était à l’époque réalisable. J’ai alors nourri pour lui de la haine, et j’ai été attiré par l’aspect « familial » de la religion musulmane. Deux camarades marocains, qui partagent ma passion du foot, m’ont invité chez eux à Charleroi et j’ai été touché par l’accueil chaleureux que l’on m’a d’emblée réservé. Ma conversion a été très rapide après un passage dans une mosquée. J’ai été sensible à la dimension de la « oumma », la communauté musulmane qui, en apparence, se veut extrêmement soudée, puis au prosélytisme islamique qui est présent chez les musulmans de tout bord, enfin par l’encadrement de la pratique qui occupe chaque aspect de la vie quotidienne du musulman.

Vous avez passé cinq ans en Arabie saoudite. Vous y avez été choqué par les Français convertis qui criaient leur haine de la France. Restait-il au fond de votre âme quelque chose de chrétien, car votre père vous avait transmis malgré tout l’amour de son pays ?

Oui, je le pense sincèrement. Les choses dites inconsciemment ou enseignées peuvent avoir un impact indélébile sur nous et cet événement en est la preuve. L’amour de mon pays coulait dans mes veines et cela était sans conteste le travail inconscient de mon père.

Comment s’est opérée votre découverte du christianisme ?

La paix dont mon père a témoigné au moment de sa mort alors qu’il souffrait d’une tumeur au cerveau m’a profondément bouleversé. Il s’était rapproché du catholicisme, mais je n’étais pas venu à l’hôpital pour constater son amitié avec le Christ. Bien au contraire ! J’espérais qu’il lui reste un peu de temps à vivre pour le convertir à l’islam et lui éviter l’enfer, comme à tout infidèle ! Cependant, toutes mes certitudes sont tombées lorsque je l’ai entendu prononcer le nom de Jésus et afficher le plus beau des sourires alors qu’il était sous morphine. J’avais l’impression que le Christ était à ses côtés. J’ai cependant mis plusieurs années à me convertir car il n’est pas aisé de se détacher du salafisme – l’islam des « pieux ancêtres ». Mais il y avait au fond de moi comme un roulement de tambour obsédant. J’avais fait le pèlerinage à La Mecque, j’avais étudié en Arabie saoudite pour devenir prédicateur, j’avais converti des centaines d’athées, d’agnostiques et de chrétiens mais le témoignage de mon père avait plus de poids que tous les discours sur l’islam ! Pourquoi ? Parce qu’il le donnait au seuil de la mort. Plus d’orgueil possible, une sérénité déconcertante à un moment que nous craignons tous ! Je croyais que le « mécréant » ne pouvait quitter ce monde que dans d’atroces souffrances et dans le doute. J’ai ressenti la force de la foi de mon père et cela a été extrêmement perturbant pour le salafiste que j’étais. Le père sans qualités que j’imaginais était devenu un héros courageux, revenu à Dieu avant sa maladie, et à la foi aussi grande que les montagnes.

Vous avez alors cherché dans l’islam la véracité des propos tenus sur le Christ et notamment sa Crucifixion…

Mon intention n’était pas de trouver le Christ mais de reprendre mes notes d’autrefois sur la figure de Jésus, « Issa » dans le Coran, afin d’islamiser au mieux les Européens. Au fur et à mesure de mes recherches, ma compréhension a changé et ma vision s’est approfondie, jusqu’à remettre en cause l’authenticité du Coran sur le sujet. Mon intellect et mes convictions étaient noyées dans une compréhension nouvelle, une perspective différente, ce que je nomme la vision spirituelle ! Je suis alors troublé par le verset 157 de la sourate 4 : « Ils n’ont ni tué ni crucifié – le Christ –, ce n’était qu’un faux-semblant. Et ceux qui ont discuté sur son sujet sont vraiment dans l’incertitude. » Je comprends d’une manière fulgurante autant qu’involontaire que ce sont les musulmans qui sont dans l’incertitude puisqu’ils ne peuvent dire quelle est l’identité de l’homme crucifié à la place du Christ. Je suis aussi interpellé par le témoignage des Apôtres qui évoquent un homme ressuscité. Si le Christ est ressuscité, c’est donc qu’il est passé par la mort !

Plus les jours passent, plus une petite voix me dit de relire les Évangiles. J’ai lu les Écritures des dizaines de fois ces dernières années mais j’en saisis complètement le sens lorsque je tombe sur la parole de Jésus adressée à Paul de Tarse sur le chemin de Damas pour persécuter les chrétiens : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » Dans une tentative désespérée pour rester musulman, je ferme tous mes livres et je me mets à prier en me disant : « Si je ne suis pas musulman, qui suis-je ? » Pour la première fois de ma vie, seize ans après ma conversion à l’islam, je décide de ne plus prier comme un musulman et de m’adresser à Dieu plus simplement par ces mots : « Seigneur, je te demande de me donner la force, la force de te connaître plus, de témoigner de ton existence et de ton œuvre pour nous à la Croix. Préserve-moi des événements qui m’attendent, fais de moi ton instrument pour la diffusion de ton amour dans le monde, guide ma famille à toi et attire-les comme tu m’as attiré. Je te remercie pour tout, pour ce que tu fais et pour qui tu es, Dieu d’amour, Saint, dans le nom de Jésus, Amen. » J’ai appelé Dieu pour la première fois « Père » et il s’en est suivi une paix indescriptible.

Dans votre livre, vous écrivez : « J’ai tout perdu en quittant l’islam mais j’ai tout gagné en suivant le Christ. » C’est-à-dire ? Vous êtes désormais menacé de mort…

Si le chemin pour venir au christianisme a été si long, c’est parce que j’avais l’étrange sensation d’être un prisonnier à qui on avait enlevé les chaînes mais qui n’osait pas reprendre sa liberté. À la sortie de l’islam, il y a eu effectivement des menaces. Ma tête a été mise à prix, j’ai trouvé de la mort-aux-rats dans ma boîte aux lettres, j’ai été traité avec virulence de mécréant et d’apostat. J’ai également ressenti de la tristesse et de la déception de la part de musulmans qui étaient sous le choc de mon nouveau choix. J’ai évidemment étudié les conséquences de ma conversion sur ma famille, avec une femme qui demanderait le divorce et mes deux enfants qui pourraient m’être enlevés. J’ai connu le chômage et un isolement à durée indéterminée. J’ai découvert que ce n’était pas l’amour qui ancrait les musulmans dans l’islam mais la peur. Pour toutes ces raisons, j’ai évité durant quelques mois de m’exposer. Avec ma récente médiatisation liée à la sortie de mon livre, ce serait un mensonge de dire que je ne crains rien ! Cependant, j’ai fait aussi la plus belle des rencontres : celle du Prince de la Paix, le Christ, et mes enfants sont au Seigneur. Depuis que j’ai reçu le baptême, je suis un homme comblé. L’amour du Christ m’a transcendé et m’a changé.

Pour vous, si l’islam gagne du terrain en Europe, c’est à cause de la déchristianisation ?

Sans conteste, oui ! Lorsque les racines profondes se déracinent, elles cherchent consciemment ou non un autre terrain fertile afin de s’enraciner et l’islam coche toutes ces cases. Nous avons l’impression dans l’islam de retrouver Jésus, Moïse et les personnages de la Bible, ainsi que leurs histoires respectives, un dogme en apparence plus simple et donc plus accessible. Par ailleurs, la pratique très encadrée, le manque de connaissance de l’histoire de l’Église et de ses Pères, la désacralisation du sacré et le manque de ferveur des dits croyants chrétiens sont des causes directes des conversions à l’islam dans nos sociétés.

Fort de votre passé de salafiste et de votre conversion au Christ, que dites-vous aux chrétiens pour contrer le vide spirituel de l’Occident ?

Soyez fiers de votre histoire, de votre patrimoine et de votre culture ! Fiers d’être chrétiens, fiers de l’histoire de l’Église, fiers de l’apport de celle-ci sur l’avancement de nos civilisations. Éduquez vos enfants avec ces principes, avec cet héritage digne d’un trésor incommensurable. Puisez dedans et vivez-le afin de le transmettre le plus honnêtement possible. Soyez de vrais chrétiens et pas seulement des êtres de « culture chrétienne ». 

Adieu Soulayman. Itinéraire d’un imam salafiste, Bruno Guillot, Éd. Nour Al Aalam, août 2025, 256 pages, 19,90 €.