Chrétien irakien réfugié en France, Ashur Sarnaya a été tué au mois de septembre 2025 à Lyon, alors qu’il évoquait sa foi sur les réseaux sociaux. Un meurtre dont on a trop peu parlé, mais qui devrait interpeller tous les chrétiens.
Le 10 septembre 2024, à Lyon, Ashur Sarnaya, réfugié chrétien irakien de 45 ans, était en direct sur TikTok, partageant sa foi avec plusieurs centaines de spectateurs. Après avoir lu l’Évangile en araméen, il commentait les Écritures sous le pseudonyme « Ashur Love », incarnant ainsi la nouvelle évangélisation à l’ère numérique. Ce soir-là, un homme surgit derrière lui et le frappe mortellement au cou, sous les yeux des internautes, impuissants.
L’enquête a été confiée au parquet national antiterroriste. Un suspect, Sabri B. – 28 ans, de nationalité algérienne et en situation irrégulière – a été mis en examen pour « assassinat en relation avec une entreprise terroriste » et « association de malfaiteurs terroriste criminelle ». Il a reconnu avoir porté le coup mortel, tout en affirmant qu’il s’agissait d’un accident. Les analyses téléphoniques révèlent pourtant des connexions répétées au compte de la victime et des échanges avec des contacts liés à l’État islamique en Syrie. L’homme avait localisé sa proie avant de l’exécuter selon un mode opératoire qui rappelle les assassinats perpétrés par Daech.
Un martyre au sens théologique du terme
La tradition chrétienne définit le martyre par trois critères : la mort violente (mors), infligée par haine de la foi (odium fidei), et acceptée avec constance (patientia). Le cas d’Ashur Sarnaya répond à cette définition avec une clarté tragique. La violence de l’acte est incontestable : un homme en situation de handicap, sans défense, égorgé dans son fauteuil roulant. L’odium fidei se manifeste dans la préméditation : pendant des jours, l’assassin présumé a suivi les directs d’Ashur attendant le moment propice pour frapper un homme dont le seul « crime » était de proclamer l’Évangile. Quant à la patientia, elle s’incarne dans la persévérance d’Ashur. Dans l’une de ses vidéos, il confiait avoir reçu des menaces et demandait simplement qu’on le laisse « prêcher en paix ». Ce qu’a confirmé sa sœur : « Il avait reçu plusieurs menaces, notamment une photo prise devant notre immeuble. » Ashur connaissait le danger. Mais il a courageusement continué.
Ashur était membre de l’Église de l’Orient, improprement appelée nestorienne, issue des peuples de Mésopotamie, convertis au christianisme dès les premiers siècles. Le prophète Jonas fut envoyé à Ninive pour appeler à la conversion. Deux millénaires et demi plus tard, c’est au tour d’Ashur de prêcher la conversion par l’amour du Christ. Mais contrairement aux Ninivites qui ont écouté, notre génération l’a réduit au silence.
La mort d’Ashur nous interpelle
Ashur est mort pour avoir témoigné du Christ dans l’espace public numérique. Il avait fui les persécutions en Irak pour trouver refuge en France et y vivre sa foi en paix. Comme le dit Georges Yaramis, co-président du Conseil de coordination des chrétiens assyriens de France, ces chrétiens « persécutés en Irak pour leur foi » espéraient trouver en France la sécurité. Aujourd’hui, la communauté assyro-chaldéenne vit dans la peur. Madelin, la sœur d’Ashur, confie : « Je ne peux plus vivre ici, j’ai demandé à déménager. » Un réfugié religieux assassiné pour sa foi sur le sol français : voilà qui devrait bouleverser tout citoyen de bonne volonté.
Dès 2013, le pape François parlait de « l’œcuménisme du sang ». Il semble important que l’ensemble des Églises chrétiennes reconnaisse publiquement la dimension martyrielle de sa mort afin que son nom soit prononcé dans les églises et que son témoignage soit honoré.
Aux pouvoirs publics, il s’agit de qualifier ce crime comme motivé par la haine religieuse, afin que justice soit rendue. En parallèle, des mesures de protection doivent être renforcées pour les chrétiens d’Orient en France, particulièrement ceux dont le témoignage public les expose à des menaces.
À nous tous, chrétiens, cette mort adresse un appel à la conversion du regard : sommes-nous capables de voir dans un « influenceur » TikTok, en fauteuil roulant, un témoin authentique du Christ ? Sommes-nous prêts à sortir de nos cadres convenus pour reconnaître la sainteté là où elle se manifeste, même dans les formes les plus contemporaines ?
En 2025, en France, à Lyon, un nouveau martyr est tombé. Nous ne pouvons rester muets : si nous nous taisons, les pierres crieront.
