Alors que notre pays connaît une crise institutionnelle inédite dans l’histoire de la Ve République, une rupture anthropologique d’une gravité inouïe se prépare, comme si nos plus hauts responsables n’avaient d’intérêt que pour cet attentat contre la vie. Faute de se donner les moyens d’assumer la conduite des affaires publiques, tout se passe comme si toute l’énergie de l’État se consacrait à rendre légale l’euthanasie. Avant de démissionner lundi, Sébastien Lecornu avait ainsi demandé que l’examen de ce projet soit inscrit à l’ordre du jour du Sénat. Nous saurons dans les prochains jours si sa chute entraînera l’abandon du texte… L’interdit de tuer est inscrit dans le décalogue biblique, mais il appartient aussi à l’ordre des lois non écrites, dont la tragédie antique atteste avec Antigone qu’elle constitue la sauvegarde de notre humanité.
Devant l’Assemblée, Catherine Vautrin, alors en charge de la Santé, a eu beau contester l’idée selon laquelle sa loi sur la fin de vie constituerait une rupture anthropologique et civilisatrice, elle n’a pu convaincre le personnel soignant qui s’oppose massivement à son projet. Pourtant, en 2004, au moment du débat sur la loi Claeys-Leonetti, la même Catherine Vautrin faisait partie des opposants à l’euthanasie active. Elle demandait alors de ne pas ouvrir « la boîte de Pandore des tentations eugénistes ». On ne voit pas pourquoi, en vingt ans, le danger qu’elle dénonçait se serait évanoui, alors que l’exemple de ce qui se passe à l’étranger, notamment chez nos voisins Belges, montre que toutes les limites que l’on prétendait dresser contre les abus ont été transgressées. Faut-il rappeler les avertissements de l’autorité spirituelle contenus dans la grande encyclique de Jean-Paul II Evangelium vitæ ? « Des choix considérés jadis par tous comme criminels et refusés par le sens moral commun deviennent peu à peu socialement respectables. La médecine elle-même, qui a pour vocation de défendre et de soigner la vie humaine, se prête toujours plus largement dans certains secteurs à la réalisation de ces actes contre la personne. Ce faisant, elle défigure son visage, se met en contradiction avec elle-même et blesse la dignité de ceux qui l’exercent. »
Venir au secours des malades
Une telle prise de position n’était pas seulement en cohésion avec les grands principes de la morale et de la tradition biblique et chrétienne. Elle était en relation avec le témoignage de la médecine contemporaine. Celui de Claire Fourcade, ex-présidente Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, aurait dû depuis longtemps faire réfléchir, tant elle reflète l’expérience de tous ses collègues, venus au secours des malades que l’on abandonnait à leur sort parce que les moyens modernes s’avéraient impuissants. Il ne s’agissait pas de se débarrasser de ces personnes dans le plus profond dénuement, mais au contraire, de les accompagner avec le plus d’attention possible. Apporter des soins et non les interrompre avec une piqûre fatale.
Emmanuel Macron a voulu se distinguer dans la continuité de ceux qui ont cru que les réformes dites sociétales constitueraient un bond en avant de l’humanité dans le sens de son émancipation. Mais ce qui apparaît de plus en plus nettement, c’est que loin de progresser, nos sociétés sont de plus en plus en voie de désagrégation, ayant choisi la culture de mort. Celle qui se découvre aujourd’hui avec un déclin démographique qui signe notre décadence avant notre disparition.