Dieu est un père vigilant - France Catholique
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Saint John Henry Newman
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Dieu est un père vigilant

Le Dieu de l’Ancien Testament n’est pas ce vilain démiurge auquel viendrait répondre la bonté du Père de Jésus. Mais c’est dans l’épreuve que l’on découvre son amour, comme le montre l’exemple de Moïse et d’autres.
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Moïse et le buisson ardent, Raphaël, musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg, Russie. © Pascal Deloche / Godong

Pour connaître le Père, il ne suffit pas de projeter, dans le ciel, une image paternelle idéalisée. Il faut passer par un long chemin de transformation pour être introduit dans la Vérité tout entière. De cette éducation, la vie de Moïse offre un exemple frappant.

Ce n’est qu’à la veille de mourir, dans le Deutéronome, qu’il parle pour la première fois de Dieu comme père : « Sache dans ton cœur que le Seigneur ton Dieu te corrigeait comme un père corrige son enfant ». Il reviendra sur cette vérité dans son chant final, chant qu’il lègue au peuple d’Israël comme ultime testament : « N’est-ce pas lui ton Père qui t’a créé… ? » (Dt 32, 6).

Un Père qui met à l’épreuve

La question de la paternité de Dieu s’était pourtant posée à lui dès l’aurore de son existence. Tiré des eaux par la fille de Pharaon, il reçoit d’elle le nom de « Mosheh », qui signifie notamment en égyptien « fils de… tel dieu ». De qui donc Moïse sera-t-il le fils ? Quel est le nom du Dieu qui n’est pas nommé dans son nom et qui devra être son père ? Une première réponse, sous forme d’énigme, sera donnée au Buisson ardent : « Je suis celui qui est » (Ex 3, 14). Mais ce n’est qu’après bien des péripéties – les plaies d’Égypte, la traversée de la mer Rouge, le don de la manne, la révélation au Sinaï, l’expérience du péché du peuple, de sa misère personnelle, etc. – que Moïse pourra reconnaître et affirmer la paternité de Dieu sur lui, à la fin de sa vie. C’est dans l’épreuve qu’il découvre son amour.

La correction paternelle qui ne cesse d’accompagner l’histoire du Salut n’a rien de despotique ou d’arbitraire. L’épreuve, au sens biblique, a une fonction de révélation des profondeurs du cœur : « Souviens-toi de tout le chemin que le Seigneur ton Dieu t’a fait faire pendant quarante ans dans le désert afin de t’humilier, de t’éprouver et de connaître le fond de ton cœur » (Dt 8, 2).

Depuis le jardin d’Éden, les fils d’Adam ont pris cette habitude de se cacher de Dieu par un instinct mortel. L’épreuve que le Père permet provoque justement ce mouvement inverse par lequel les cœurs de ses enfants, repliés sur eux, vont éclore devant lui et se révéler pour être transformés. Lorsque, après l’idolâtrie du veau d’or, Dieu se met en colère et dit à Moïse qu’il va détruire son peuple, les entrailles de Moïse sont comme remuées, et de son cœur jaillit cette prière que Dieu attendait pour se repentir du mal qu’il projetait : « Reviens de l’ardeur de ta colère, renonce au mal que tu veux faire à ton peuple » (Ex 32, 11-13). Moïse devient alors semblable au Dieu « tendre et miséricordieux » qui, par la suite, va se révéler sur le mont Sinaï.

Consolation réciproque

L’homme biblique, éprouvé au contact de Dieu, peut alors découvrir sa puissante bonté, et sa bouleversante tendresse : « J’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson tout contre leur joue » (Os 11, 4) ; tendresse parfois blessée, comme le sera le côté de son Fils crucifié, par l’ingratitude des hommes : « Mon peuple est accroché à son apostasie. On les appelle en haut, pas un qui se relève […]. Mon cœur en moi est bouleversé, ma consolation se consume » (Os 11, 7-8).

Dieu n’est certes pas impuissant à créer la nouveauté radicale sur les ruines du péché, mais il veut, pour le faire, se susciter des consolateurs qui trouveront grâce à ses yeux : Noé, Abraham, Moïse, David, Ézéchiel, Marie… Le Père qui console les hommes dans l’épreuve est aussi celui qui, par son Esprit, les rend capables de le consoler de cette « lassitude » que lui procurent leurs mauvais desseins, comme l’annonçait Isaïe (1, 14 ; 7, 13). Voilà l’œuvre que le Fils, en prenant chair de la Vierge et s’offrant à son Père dans un Esprit éternel, accomplira jusqu’à son terme.

Révélé dans un visage d’enfant

C’est en Jésus, dans la crèche de Bethléem, que le Père révèle son visage d’innocence. Qui voit cet enfant voit la fraîcheur enfantine de la bonté du Père. Déjà dans l’Ancienne Alliance, Dieu était comme occupé, à l’instar d’un bon jardinier, à prendre soin de la plus petite des réalités créées. Le Père, proche des tout-petits, prend soin des oiseaux du ciel et de la fleur des champs (Mt 6, 25-34). Celui qui veut le connaître doit redevenir tout-petit, comme son Premier-né qui, de toute éternité, se trouve dans son sein. C’est ici qu’il nous attend : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ? » (Jn 14, 2).