Une nouvelle – et encourageante – forme de collégialité ? - France Catholique

Une nouvelle – et encourageante – forme de collégialité ?

Une nouvelle – et encourageante – forme de collégialité ?

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Un article d’un prêtre italien qui enseigne la théologie biblique, paru récemment dans L’Osservatore Romano, est un autre exemple de la façon dont la papauté actuelle semble regarder les prêtres et les évêques qui ne travaillent pas en étroite collaboration avec le pape.

Je n’ai jamais entendu parler de ce prêtre, Giulio Cirignano, mais, à l’évidence, il a quelque chose à dire par rapport à la situation actuelle. Ce bon père se fait clairement l’écho d’une attitude qui prédomine parmi les membres les plus proches de l’entourage papal lorsqu’il dit : « Le clergé retient les gens, alors qu’ils devraient plutôt être accompagnés en ce moment extraordinaire… L’obstacle principal… est constitué… par l’attitude d’une bonne partie du clergé, à tous les niveaux… une attitude, parfois, de fermeture sinon d’hostilité. » C’est devenu un refrain fréquent dans les propres commentaires du pape, i.e. que de nombreux membres du clergé sont rigides, fermés et hostiles à son enseignement novateur et à sa pratique. De toute ma vie, je n’ai jamais été témoin de ce genre d’hostilité venant du bureau du pape envers ceux qui sont censés être des collaborateurs dans la vigne du Seigneur.

J’essaie d’imaginer comment un tel harcèlement du clergé aurait été envisagé s’il s’était agi d’un pape soi-disant « conservateur ». Supposons que le pape Jean-Paul II ait utilisé ce genre de langage à l’égard des prêtres qui n’acceptaient pas son enseignement. Ce grand pape était tout sauf naïf, et il comprenait bien que de nombreux membres du clergé, y compris certains évêques et cardinaux, n’étaient pas en accord avec l’enseignement constant de l’église sur la contraception, les femmes prêtres, le divorce et le remariage. Pourtant, jamais, à ma connaissance, il n’a dénigré le clergé qui n’était pas d’accord avec lui. Ou bien j’essaie d’imaginer quelle aurait été la réaction de la presse mondiale, laïque et catholique, si on avait su, disons, que Jean-Paul II avait refusé une audience à un groupe de cardinaux qui rejetaient son enseignement sur la communion pour les divorcés et remariés dans Familiaris Consortio. Imaginez à quel point le monde laïque et catholique libéral aurait été outragé si ce pape avait traité ses propres conseillers de cette manière.

Et pourtant, le pape François semble être le pape « Téflon ». Peu importe ce qu’il dit ou fait par rapport à son clergé et ses cardinaux bien-aimés, cela ne semble pas affecter son image de pape compatissant, miséricordieux et ouvert. Peut-être est ce tout ce que nous pouvons attendre d’un monde où la vérité importe peu par rapport aux images. Mais il y a quelque chose d’intéressant dans cet article que je n’ai pas vu commenté ailleurs. Cet article particulier m’a confirmé, d’une manière détournée, certaines choses sur la réception des aspects les plus controversés d’Amoris Laetitia, et comment cela se rapportait à la notion de collégialité énoncée dans Vatican II.

Ce prêtre italien et les rédacteurs du journal du pape ont manifestement jugé nécessaire, ou du moins opportun, d’intimider à nouveau le clergé et les évêques pour ne pas s’être alignés sur le pape. Et pourquoi ? Peut-être cela semblait-il urgent parce que cette résistance n’était en fait pas insignifiante, mais qu’elle impliquait « une bonne partie du clergé, à tous les niveaux ».

Manifestement, l’urgence était liée au fait que cette résistance était assez répandue, et que quelqu’un, quelque part, espérait qu’une analyse intelligente par un théologien pourrait renverser cette tendance. Le fait que cette résistance soit la véritable affaire m’a frappé il y a quelque temps. Bien sûr, vous pouvez compter sur les suspects habituels comme la hiérarchie allemande, ou les évêques du pays du pape, ou d’un minuscule diocèse insulaire. Mais il n’en demeure pas moins que la grande majorité des hiérarchies ecclésiales locales reste silencieuse partout dans le monde et qu’un bon nombre d’évêques confirment ouvertement leurs fidèles dans la pratique traditionnelle de l’Église concernant la communion pour les divorcés et les remariés.

Ce silence est lui-même le vrai sujet. Il témoigne de l’urgence de la question. Le pape François, contingent dans l’Église universelle s’attendait à ce que les hiérarchies nationales s’alignent assez facilement. Pourtant, cette attente est elle-même quelque peu surprenante, étant donné, lors des deux synodes, la résistance ouverte à des pratiques novatrices telles que la communion pour les divorcés remariés dont les mariages n’avaient pas été déclarés nuls. Seules les manipulations du Synode et de ses résultats ont permis à ces innovations de faire leur chemin dans l’exhortation du pape. Mais les manipulateurs pensaient à l’évidence que l’obéissance aveugle l’emporterait une fois que le pape aurait parlé. Ce ne fut pas le cas. Et ce qu’indique réellement ce grand silence, c’est donc la collégialité au vrai sens du terme. Il semble que les évêques du monde ont un grand respect pour le bureau papal et hésitent à manifester publiquement des désaccords qui pourraient embarrasser le pape et saper son autorité. Un ami m’a dit que c’était un peu comme les fils de Noé couvrant la nudité de leur père ivre afin qu’il ne soit pas embarrassé.

Néanmoins, c’est tout simplement un fait que la grande majorité des évêques n’ont pas adhéré à l’interprétation des Allemands, des Argentins ou des évêques maltais. Ils n’ont pas non plus apporté un soutien enthousiaste à l’interprétation « officielle » du cardinal de Vienne Mgr Schönborn. Un des buts ecclésiologiques de la convocation de Vatican II était d’établir un certain rééquilibrage de l’enseignement sur la primauté papale dans Vatican I. Cet équilibre était, en fait, l’enseignement sur la collégialité, la relation officielle étroite de tous les évêques du monde avec le pape, et l’importance de la collégialité dans l’exercice des prérogatives papales. La manière dont cette collégialité s’exerce est complexe. Par exemple, les synodes sont un certain exercice de collégialité, mais ils n’épuisent pas les manières dont la collégialité peut avoir lieu. Nous avons désormais appris qu’un exercice de collégialité, peut-être pas envisagé par ce Concile, pourrait bien se produire par le silence face à un éventuel cas d’abus de la part du pape.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/07/27/a-new-and-encouraging-form-of-collegiality/

27 juillet 2017