Une marche à contre-courant des idées reçues - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Une marche à contre-courant des idées reçues

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C’est en traînant les pieds que j’ai été voir le film « La Marche » sortie en salle le 27 novembre. Le film commémore les 30 ans de la marche pour l’égalité et contre le racisme entre Marseille et Paris, surnommée la « marche des Beurs » ; c’est en effet, cette même marche qui a suscité 1 an plus tard la création de SOS racisme, inaugurant ainsi l’idéologie de l’antiracisme, au nom de laquelle toute remarque sur le comportement des minorités ou question sur l’identité nationale et l’intégration sont discréditées d’entrée de jeu depuis 30 ans.

C’est dire si je partais avec un a priori négatif contre une histoire qui ne pouvait que servir le sectarisme d’une gauche morale plus insupportable que jamais. Or contre toute attente, le film s’attache à restituer les faits, et pas du tout à cautionner une histoire revisitée par nos idéologues. Dès les premières images, un kaléidoscope nostalgique d’actualités du début des années 80, sur fonds de chansons de Gérard Lenormand et de Charles Trénet, démontre que l’époque était bien moins anxiogène et surtout beaucoup plus libre que la nôtre. Faut-il rappeler que des Coluche,Thierry le Luron, Desproge sévissaient sur des antennes sur lesquelles ils seraient très probablement interdits aujourd’hui.

Seconde surprise, le fédérateur du projet est un prêtre, chose impensable aujourd’hui et ce sont les paroisses qui servent souvent d’étapes aux marcheurs : la question religieuse bien moins prégnante dans une société où la laïcité se comprenait encore comme le respect des religions existantes, et n’avait pas encore été récupérée par les intégristes de tout poil. Autre découverte : le nom de « marche des beurs » est une invention des journalistes qui ont dénaturé une démarche qui n’avait rien de communautariste – elle ne réunissait d’ailleurs pas que des arabes.

D’ailleurs, il n’est pas anodin qu’aucun marcheur ne s’associa de près ou de loin à la création de SOS racisme ; mais à l’époque François Mitterand régnait à l’Elysée et il était bien trop intelligent pour laisser échapper une telle occasion de récupération politique pour redorer un blason qui se ternissait déjà.

Le film en lui-même, en ne gommant pas les tensions inhérentes à tout groupe d’autant plus vraies qu’il faut affronter la fatigue, l’incompréhension et l’hostilité des autres, donne de la chair à une belle histoire qui gagne à être redécouverte. Rien que pour cela, et malgré des maladresses, La Marche est une réussite qu’il serait dommage de ne pas soutenir.