Une belle leçon de liberté - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Une belle leçon de liberté

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Plutôt que d’instituer des cours de morale pour les écoliers qu’ils risquent de ne percevoir que comme un pensum de plus à subir, je conseillerais aux enseignants de les emmener au cinéma et de leur faire lire quelques livres ; cette semaine par exemple, ils pourraient tous aller voir le très intéressant Hanna Arendt, qui a le double avantage de leur montrer à quoi sert la philosophie et quels sont les inconvénients et les avantages de penser par soi -même, en s’affranchissant de tout préjugé ; à ce propos, les membres du Syndicat de la magistrature y apprendraient aussi peut-être les dangers de l’idéologie quelle qu’elle soit.

Le film a l’intelligence d’avoir choisi de ne traiter que quatre années de la vie de la philosophe juive allemande, celles qu’elle consacre comme envoyé spécial pour le New Yorker au procès d’Adolph Eichman à Jérusalem, alors qu’elle-même vit et enseigne aux USA avec son époux, lui-même philosophe. Alors qu’elle est elle-même une victime du nazisme qui l’a forcée à fuir l’Allemagne, elle se place au procès comme une observatrice qui veut comprendre et faire comprendre pourquoi un homme en arrive à ordonner l’extermination de millions de personnes seulement parce qu’ils sont juifs.
C’est ainsi qu’elle élabore sa célèbre théorie de la banalité du mal, fondée à partir de son observation attentive d’Eichman.

Mais le film va plus loin en montrant le terrible revers qu’il peut y avoir à penser à rebours de son milieu culturel ; c’est ainsi qu’Hanna Arendt fut rejetée par tous ses amis, intellectuels juifs comme elle, à l’exception de son mari. Un film passionnant pour tous ceux qui veulent découvrir une philosophe majeure du XXe siècle, une pensée d’autant plus importante qu’elle a voulu l’appliquer au monde dans ses implications concrètes ; une femme exceptionnelle de par son honnêteté intellectuelle et son courage. La liberté s’éduque et a aussi un coût, mais elle est précieuse car elle est seule capable de rendre heureux ; c’est la belle leçon de ce film où l’amour dont témoigne Le couple formé par Hannah et son mari humanise un peu plus ce portrait qui aurait pu être si aride.

Un livre aussi à donner aux jeunes : Les mains du miracle, l’ouvrage que Joseph Kessel consacra au docteur Félix Kersten, masseur d’Himmler, et que les éditions Gallimard ont la bonne idée de rééditer en poche : une histoire incroyable, mais si typique de ce terrible XXe siècle, et qui donne encore à croire en l’homme, à condition qu’il soit ouvert à l’autre et libre de tout idéologie. Deux valeurs qui font depuis 2000 ans la force et la grandeur du christianisme.