Un nouveau souffle chez nos évêques ? - France Catholique
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Un nouveau souffle chez nos évêques ?

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Plus de 25 ans après le fameux « France, qu’as-tu-fait de ton baptême ? » de Jean-Paul II, une inflexion pastorale et un changement de ton semblent désormais émerger d’une majorité de l’épiscopat français. Les premiers propos de Mgr Vingt Trois, en tant que nouveau président de la C.E.F., illustrent en tout cas une assurance nouvelle, une parole plus incisive et une priorité explicitement missionnaire. Notre épiscopat serait-il animé par un nouveau souffle de Pentecôte ?

Fin octobre, le congrès catéchétique national Ecclésia 2007 (1) illustra à grande échelle combien l’Église de France est bel et bien en train de vivre une mutation salutaire : l’espérance est effectivement à l’œuvre lorsqu’on voit tant de baptisés mobilisés (7000 !) par une annonce plus diversifiée et constante de l’Evangile, par un témoignage plus crédible de la foi. Au travers de son parcours personnel (aux côtés du cardinal Lustiger durant près de 30 ans), de sa pensée, de ses orientations pastorales vis-à-vis des jeunes et des familles notamment, l’élection rapide du cardinal Vingt-Trois à la tête de la conférence épiscopale quelques jours plus tard confirme plus « officiellement » qu’une nouvelle page est en train de s’écrire avec un retour aux sources : avant toute chose, expérimenter et témoigner « de la joie et du bonheur de la foi » qui donnent « envie » à nos contemporains. (2)

Depuis son retour dans la capitale en 2005, l’archevêque de Paris revient régulièrement sur l’urgence de la mission de l’Eglise en se référant au testament missionnaire de Jean-Paul II qui souligne l’articulation de la foi baptismale avec l’évangélisation : « Celui qui a vraiment rencontré le Christ ne peut le garder pour lui-même, il doit l’annoncer ». (3) A partir de cette certitude, l’archevêque de Paris souligne l’impératif missionnaire pour chacun des baptisés, au risque sinon de révéler en cela notre propre doute envers l’Evangile, notre peu d’amour et de foi envers Jésus-Christ lui-même : « L’Eglise doit être missionnaire ou elle ne sera plus rien en ce monde (…) Comment pourrions-nous être vraiment attachés à Jésus-Christ et à son Evangile, si nous n’étions pas constamment préoccupés de partager la richesse que nous avons reçue ? (…) Faute d’entrer résolument dans cette mission d’annoncer la Bonne Nouvelle, nous nous exposons à ne plus croire qu’elle est vraiment bonne et à ne plus en voir la pertinence pour nous-mêmes. Une foi qui ne se propose pas et ne se partage pas est une foi qui se dessèche et qui n’intéresse plus, même les croyants.» (4)

L’élection de Mgr Vingt-Trois

Cette forte conviction, Mgr Vingt-Trois l’a partagée dès son élection à ses frères évêques (5) : « Intégrer les impératifs de l’évangélisation, qu’elle soit nouvelle ou ancienne, est une tâche permanente (…). La richesse de la Révélation accueillie n’est jamais un bien dont on pourrait jouir en repos ». C’est pourquoi, il souligne toute l’importance aujourd’hui d’un nécessaire approfondissement du Salut donné par le Christ, d’autant plus si certains baptisés s’avèrent « incertains, ou pire, honteux » de ce qu’ils reçoivent de lui : que serait alors notre crédibilité, surtout auprès des jeunes qui nous interpellent sur les raisons et l’utilité de la foi : « à quoi ça sert ?! ». En cela, il dévoile le véritable levier intérieur de l’évangélisation qui conduit le croyant à « s’engager sans crainte dans la mission (…) : si connaître le Christ, vivre du Christ, aimer le Christ est une richesse », comment peut-on vivre tranquillement et « prendre son parti que tant de nos contemporains puissent vivre à l’écart de cette richesse », alors que nous sommes « dans la certitude que Dieu veut le bonheur de l’homme » ?!… En écho à ces paroles, nous reviennent les cris du psalmiste – « le zèle de ta maison me dévorera » (Ps.66) – ou de Saint Paul : « malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile » ! Depuis quand n’avions-nous pas perçu un tel souffle rafraîchissant et inspiré au sommet de l’épiscopat français ?

A lire ce discours de clôture de la réunion de la C.E.F., une orientation majeure se dessine : pour chaque baptisé, il est essentiel de revenir avant tout à cette rencontre personnelle et transformante du Christ (6) pour annoncer et témoigner de manière crédible du « seul Sauveur » (St Paul), afin de rejoindre tant de nos contemporains qui attendent de Le connaître et de L’aimer.

Pourtant, quel chemin parcouru pour en arriver là ! Rappelons-nous en effet : l’appel de Paul VI dans son encyclique sur l’évangélisation en 1975 (7) avait été reçue froidement en France, alors que ce texte fut la référence constante de Jean-Paul II dans sa conception de la « Nouvelle Evangélisation » proposée tout au long de son pontificat. Une première inflexion de l’épiscopat français fut perceptible, voici 10 ans, avec la « Lettre aux Catholiques de France ». Dès la fin des années 90, le renouvellement missionnaire (déjà expérimenté dans les « nouveaux mouvements ecclésiaux » depuis 1980 mais de manière souvent marginale) a commencé à se mettre en place et à se déployer dans des paroisses et certains diocèses, comme l’illustre – parmi bien des exemples – le développement constant des cours Alpha au plan national.

Ce renouvellement prendra une bonne génération sans doute ! Soyons patients, car, dans notre pâte humaine ecclésiale, il faut savoir là aussi « donner du temps au temps » : regardons par exemple l’expérience du Renouveau charismatique ou des Communautés nouvelles, qualifiés ironiquement à leurs débuts de désincarnés ou considérés avec dédain par l’intelligentsia catholique, mais dont l’apport est aujourd’hui reconnu par tous comme essentiel au renouveau spirituel et missionnaire de l’Eglise de France, particulièrement chez les jeunes.

C’est donc avec beaucoup d’espérance et même d’enthousiasme mais aussi de patience (voire de flegme et d’humour!) qu’il nous est nécessaire d’aborder le futur tel qui se présente désormais. L’attitude de Mgr Vingt-Trois semble à cet égard exemplaire : envisager l’avenir et l’action missionnaire avec joie et confiance mais sans fébrilité ni excitation, avec une grande lucidité, face aux combats de la foi et de la vérité qui nous attendent. La nouvelle ligne pastorale qui se dessine montera sans doute lentement en puissance sur 10, 15 ou 20 ans pour transformer et marquer en profondeur l’Eglise de France et son action apostolique : moins de pratique consensuelle ou politiquement correcte, plus d’engagement vigoureux et radical dans la mission, l’amour et le témoignage rendu à la Vérité, au nom de Dieu et de l’Homme, car « nous ne pouvons rester comme des chiens muets quant nous voyons se développer comme une instrumentalisation de la personne humaine » ! (8)
Le ton change donc effectivement ! Espérons en voir peu à peu les fruits concrets dans l’interpellation sans concession de la société et de ses différents pouvoirs, la recherche et l’enseignement théologique, la pastorale au cœur des communautés locales ou des mouvements, le renouveau spirituel et missionnaire des paroisses et des diocèses, les approches plus innovantes et créatrices de l’évangélisation, sans rien renier ni à l’annonce explicite du kérygme, ni au témoignage humble ou surprenant que peuvent revêtir l’amour et l’agir chrétien, si éloignés des bêlements médiatiques de la « people-charity ».


Changement de braquet pastoral

Oui, nos pères-évêques dans leur majorité semblent décidés à changer doucement mais sûrement de « braquet » pastoral, en chargeant sur leurs propres disques durs le logiciel ecclésial de la « Nouvelle Evangélisation » : non un nouvel Evangile, mais un simple et salutaire retour aux sources apostoliques des Actes et de Vatican II, impulsé magistralement par Jean-Paul II. Pour cela, nous comptons sur nos pasteurs pour nous former, nous entraîner, nous réveiller, nous exhorter… L’heure n’est donc plus à se voiler à ce point les yeux en affirmant que « l’Église de France ne va pas si mal » ! (9) C’était hier, cela paraît déjà bien loin aux regards de l’approche différente dont témoigne la nouvelle présidence, et pourtant de tels propos nous commandent de rester vigilants : beaucoup en effet ont été choqués car – croyant ou incroyant, pasteur ou simple baptisé – nous connaissons ou percevons la situation présente, l’image dépassée ou décalée de l’Eglise catholique en France vis-à-vis de nos concitoyens, la dérision ou la critique condescendante dont nous sommes si souvent l’objet dans la culture ou les médias, la chute constante des vocations, de la pratique et de la vie chrétienne dans nos sociétés depuis tant d’années, le si peu de fruits apostoliques et missionnaires de tant de nos pastorales, etc. Oser parler d’« une Eglise qui ne se porte pas si mal » est selon nous grave et relève au moins d’un certain aveuglement, mais une nouvelle page se tourne maintenant: soyons plein d’espérance et de foi en notre Eglise car l’Esprit du Seigneur en rien ne nous abandonne.

A la suite des premiers apôtres, le temps n’est-il donc pas à nouveau venu de témoigner et d’attester avec beaucoup d’amour mais aussi de conviction de « la » Vérité, auprès de non-croyants mais aussi de baptisés qui avouent eux-même dans leur immense majorité ne plus vraiment y croire ?! En effet, dans La Croix du 15/11/2007, il est précisé que seulement 6% des Français reconnaissent que leur religion est la religion « vraie » (10) ; or 68% se disent catholiques : c’est donc apparemment près de 95% des « catholiques » de France qui ne croient et ne confessent pas la foi au Christ comme « la » vérité de la Révélation divine ! Ce constat factuel est un vrai choc : Benoît XVI a mille fois raisons lorsqu’il souligne que le plus grand danger pour la foi et l’Eglise est le relativisme religieux et une foi chrétienne qui se résume à quelques valeurs humanistes et généreuses plus ou moins vagues.

Vers un bilan en vérité,
l’évangélisation en vue de la conversion ?

Le temps n’est-il pas donc pas venu où le président de la C.E.F. pourra bientôt dresser un bilan en vérité et sans concession de la situation, et de l’Eglise, et de la société, sans se soucier des réactions des lobbies intégristes de tout bord dont notre pays a le secret (11) ou de celles d’intellectuels qui dénigrent ou minent depuis si longtemps le renouveau spirituel et apostolique par leur discours éculé ou confusant, idéologique ou passe-muraille ?
Pour répondre aux défis de la situation présente, le temps n’est-il pas venu où nos évêques dans leur ensemble s’assigneront une priorité pastorale : celle de l’évangélisation et du témoignage explicite en vue de réelles conversions au Christ des baptisés et des non-baptisés, tant la méconnaissance de Jésus vivant et sauveur conduit des générations entières à la névrose et à la déprime, tant de jeunes au vide et à la désespérance, tant de couples et de familles à se déchirer si douloureusement malgré leurs attentes initiales de goûter un amour fidèle et un bonheur durable, et tant de nos paroisses et de nos communautés à se vider ? Il est temps qu’émerge au sein du Peuple de Dieu une véritable « révolution de la charité » (St Vincent de Paul) et une authentique compassion évangélique envers tant de souffrances humaines et existen­tielles, en réveillant largement le zèle et la foi authentique pour témoigner et annoncer « le » Sauveur à tous ceux qui l’attendent, sans bien souvent le savoir.

Afin de nous y encourager, accueillons donc le témoignage de deux pasteurs éminents de l’Eglise catholique :
– le Cardinal Ouellet, archevêque de Québec et primat de l’Eglise du Canada, a rendu un rapport lucide sur l’état alarmant de la vie chrétienne dans son pays, en soulignant l’urgence d’un plan évangélisateur majeur pour le Québec « avant qu’il ne soit trop tard » : il concentre pour ce faire tous les moyens de son diocèse dans une « Mission Diocésaine Nouvelle Evangélisation ». (12) Il a rendu par ailleurs récemment un rapport officiel critique vis-à-vis de la société et de l’Etat dans le rôle de dénigrement et d’irrespect de l’Eglise et de la foi catholique, et il sait interpeller avec vigueur et autorité les dirigeants politiques ou les ténors des médias.

– pour sa part, le Cardinal Bertone, le secrétaire d’État du Vatican (« n°2 » de l’Église après le pape) a appelé dernièrement à Fatima à la « rébellion » des chrétiens face aux « seigneurs de ce temps » qui « exigent le silence des chrétiens en invoquant les impératifs d’une société ouverte » et d’appeler l’Eglise et les chrétiens à la résistance explicite : « face à de telles prétentions, le minimum que nous puissions faire est nous rebeller avec la même audace que les Apôtres ».

Les temps changent vraiment, pas uniquement en France, et nous nous en réjouissons !

Foi et courage, dons de Dieu aux apôtres

Nos propres évêques ont porté à leur tête le cardinal Vingt-Trois, honorant en cela la mémoire et l’appel prophétique et constant du cardinal Lustiger pour un renouveau profond et missionnaire de l’Eglise de France au regard des défis qui sont les siens au seuil du XXIe siècle. Nos pasteurs semblent donc prendre la mesure de la situation très délicate de notre communauté hexagonale : y résident bien entendu de profonds motifs d’espérance (et la foi en Christ nous le commande), mais la situation actuelle est de plus en plus grave ; désormais, nos évêques semblent prêts à regarder toute la réalité en face, et à y répondre de manière plus pertinente.
Saint Paul lui-même n’a-t-il pas exhorté nos évêques le jour même de l’élection de leur nouveau président, alors qu’ils étaient rassemblés à la grotte de Lourdes aux pieds de Marie durant leur concélébration de l’eucharistie : le peuple de Dieu « prie continuellement pour vous afin que notre Dieu vous trouve dignes de l’appel qu’il vous a adressé ; par sa puissance …qu’il rende active votre foi » ; ce peuple vous « demande une chose : ne vous laissez pas effrayer » ! (13)

Avec l’Esprit-Saint, à nous tous de prier avec foi et d’encourager chaleureusement chacun de nos évêques afin qu’ils relèvent avec courage les nouveaux défis de l’Evangélisation : qu’ils osent – au nom de Dieu et de son Peuple – des paroles et des actes vrai­ment libres, forts, évangéliques, voire prophétiques. Lors de la dernière Cène, Jésus n’a-t-il pas exhorté ses apôtres : « Courage, j’ai vaincu le monde » ?! (14)

Alex et Maud LAURIOT PREVOST

(1) Malgré ses imperfections que nous avions soulignées dans un article précédent

(2) cf interview dans La Croix, 23/11/07

(3) §40 de la Lettre Apostolique « Au début du Nouveau Millénaire » – janvier 2001

(4) « Notre Mission à Paris » – 3/12/2005

(5) propos tirés du « discours de clôture » du 8 novembre 2007

(6) cf. la rencontre avec Nicodème : il faut « naître de nouveau, et de l’eau, et de l’Esprit » (Jn 3, 1-8)

(7) Encyclique « L’Evangélisation dans le Monde moderne »

(8) idem note 5

(9) Propos du cardinal RICARD, dans La Croix en date du 31 octobre 2007 à l’issue de son mandat de 6 ans comme président de la C.E.F.

(10) sondage réalisé en 1998 : la réalité est sans doute pire aujourd’hui !

(11) laïcistes, traditionalistes ou progressistes se rejoignent bien dans leur excès idéologiques bien stériles

(12) cf http://www.diocesequebec.qc.ca

(13) 1 The 1,11 à 2,2 – 2nde lecture de la liturgie dominicale du 4/11/2007

(14) Jn 16, 33

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