Un drame métaphysique - France Catholique
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Un drame métaphysique

Cette année est riche de quatre centenaires de haute littérature : La Fontaine (1621), Dante (1321), Flaubert (1821), et enfin Charles Baudelaire, né le 9 avril 1821. L’occasion d’interroger le rapport – complexe – de ce dernier à Dieu.

Charles Baudelaire et Dieu

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Portrait de Baudelaire, entre 1848 et 1849, Gustave Courbet.

Portrait de Baudelaire, entre 1848 et 1849, Gustave Courbet.

Musée Fabre, Montpellier

Ce n’est pas seulement un grand poète, c’est le poète qui est à l’origine de la poésie moderne. Un essai de Marcel Raymond le dit dans son titre : De Baudelaire au surréalisme (1952, Corti). Mais c’est aussi le premier de ceux qu’on a appelés les « poètes maudits ». On sait que le recueil des Fleurs du Mal fut, en son temps (août 1857) un scandale qui valut condamnation en justice à son auteur.

Fallait-il, dès lors, lui faire une place en ces pages ? Certainement pas pour rouvrir le procès de l’œuvre, ni de l’homme. Notre propos n’est pas de juger, mais plutôt de comprendre. Comment ce poète qui n’a jamais renié son appartenance à la religion catholique a-t-il pu faire une telle place à Satan dans son œuvre ? Esquisser un éclairage sur Baudelaire et Dieu ? De grands critiques chrétiens s’y sont exercés, – Charles Du Bos, Stanislas Fumet, François Mauriac, le poète Pierre Emmanuel, dans l’excellente collection « Les écrivains devant Dieu » (1967, Desclée de Brouwer) – sans aboutir à rien de décisif. Des trois vertus théologales manque à Baudelaire l’espérance. Sa religion est dépourvue de la Rédemption. La croix du Christ en est absente. La vie de l’homme reste garrottée sans recours par le péché originel. À sa mère, il écrit le 4 décembre 1854 : « Je crois que ma vie a été damnée dès le commencement, et qu’elle l’est pour toujours. »

D’où la tentation d’une rédemption inverse par l’appel à Satan. Cette brève analyse rejoint la note de Baudelaire dans son œuvre posthume, Mon cœur mis à nu : « Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan. »

Note qui éclaire la composition du recueil des Fleurs du Mal. Il y a la section « Révolte » – Le Reniement de saint Pierre, Abel et Caïn, Les Litanies de Satan – et, comme pour racheter ces blasphèmes, telles prières de la première section, « Spleen et Idéal » – titre qui reprend la double postulation –, comme celle qui achève le poème Bénédiction :

« Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance
Comme un divin remède à nos impuretés
Et comme la meilleure et la plus pure essence
Qui prépare les forts aux saintes voluptés !
Je sais que vous gardez une place au Poète
Dans les rangs bienheureux des saintes Légions,
Et que vous l’invitez à l’éternelle fête
Des Trônes, des Vertus, des Dominations… »

Ou la dernière strophe des Phares, autre poème des Fleurs du Mal, qui fait de l’art – Rubens, Léonard de Vinci, Rembrandt, Michel-Ange, Puget, Goya, Delacroix – non pas la part que nous prenons au salut du monde – pour Baudelaire la beauté ne sauvera pas le monde –, mais le témoignage de notre dignité.

« Car c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité. »

Retrouvez l’intégralité de l’article dans le magazine.