Un catholicisme déchiré ? - France Catholique
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Un catholicisme déchiré ?

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« Entre l’échec politique et moral du fillonisme, la tentation lepéniste d’un nombre important de catholiques et l’arrivée d’une génération macroniste avec laquelle elle n’a pas su trouver de canaux de communication effectifs… l’Église catholique semble désorientée, tiraillée et, au risque d’insister, multifracturée. C’est grave, docteur ? Oui, c’est grave. » Il n’est pas trop tard pour réagir à cet éditorial de Jean-Pierre Denis dans La Vie (31/05/2017).

Même si on n’en partage pas exactement l’analyse, il n’est pas douteux qu’il pose une question pertinente. Ce n’est pas d’abord celle de la division des catholiques, du moins à mon sentiment, mais celle de la position particulière de l’Église comme institution et comme communion par rapport à une conjoncture marquée par la confusion.

Jean-Pierre Denis semble regretter l’attitude de l’épiscopat dans l’entre-deux-tours de la présidentielle. Je persiste, pour ma part, à en défendre le bien-fondé, tout en rappelant une distinction importante. Maintenir l’autonomie du spirituel et celle du temporel, en refusant une consigne de vote, ce n’est nullement s’interdire le rappel des principes sur les sujets qui fâchent. Bien au contraire, c’est sauvegarder l’autorité du spirituel dans son ordre. C’est parce qu’elle est indépendante du jeu des partis, que l’Église peut être entendue sur les questions éthiques et celles concernant le bien commun. Et c’est aux catholiques comme citoyens à prendre leurs responsabilités. Une Église se précipitant au secours de la victoire acquise d’un des deux candidats aurait abandonné son indépendance qui suppose une distance. Distance, au demeurant soigneusement respectée par le pape François, avec ses brèves remarques sur l’élection française, dont l’ironie marquait une différence d’ordre.

Il est bien entendu, par ailleurs, que cette distance n’implique aucun désintérêt pour les fractures qui fissurent la société française et, du même coup, l’opinion catholique. Depuis la Révolution française, les catholiques n’ont cessé d’être divisés.

Au moment de la guerre d’Algérie, le degré de tension inspira à l’abbé Jean-Marie Lustiger, alors aumônier des étudiants du Quartier latin, une initiative singulière : rassembler tous les protagonistes dans une même prière à Notre-Dame de Paris. C’est ainsi que l’on vit François Mauriac et Georges Bidault, ennemis résolus sur la scène politique, affirmer leur communion, grâce à l’Église, leur mère indivisible. « Qu’il me tarde d’être perdu dans cette foule de suppliants » écrivait l’auteur du Bloc-notes (Le Figaro 12/12/1960). Nous n’en sommes pas, fort heureusement, à un tel degré d’opposition entre chrétiens. Mais nous savons que l’Église-communion est notre recours et notre sauvegarde dans tous les moments critiques. Il nous faudra poursuivre cette réflexion, ne serait-ce que pour envisager ce que Jean-Luc Marion appelle « un moment catholique » 1.

  1. Jean-Luc Marion, Brève apologie pour un moment catholique, Grasset, 128 p., 15 €.