Un cardinal venant de la persécution communiste albanaise - France Catholique
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Un cardinal venant de la persécution communiste albanaise

Traduit par Claude

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A la fin de l’Angelus et de la Messe du Jubilé Marial, le pape François a fait une annonce surprise: un nouveau consistoire se tiendrait le 19 novembre, la veille de la Solennité du Christ Roi et de la clôture du jubilé de la Miséricorde. Il a cité en même temps le nom de dix sept nouveaux cardinaux . L’accent mis sur la miséricorde et la « périphérie » est évident dans ce choix.

Son effort pour mettre l’emphase sur les dimensions universelles, plutôt qu’uniquement occidentales, de l’Eglise est claire, dans la mesure où la majorité des nouveaux cardinaux vient d’au-de-là de l’Europe: Afrique, Asie, Amérique du Sud et Océanie.

Par exemple, il cita Dieudonné Nzapalainga, Archevêque de Bangui, en Afrique Centrale, où le Pape François ouvrit la Sainte Porte de la cathédrale, marquant le début du jubilé de la Miséricorde. Puis il y eu Monseigneur Patrick D’Rozario, C.S.C., Archevêque de Dhaka (Bangladesh) et Monseigneur Maurice Piat, Archevêque de Port-Louis (Ile Maurice).

Mais parmi les quatre nouveaux cardinaux âgés de plus de quatre-vingt ans – en d’autre mots, des hommes qui étaient nommés en tant qu’honneur symbolique – le père Ernest Simoni, quatre-vingt huit ans était particulièrement digne d’attention. C’est un prêtre albanais qui a passé vingt-huit ans dans le goulag d’Albanie, et qui a enduré une des persécutions les plus féroces du vingtième siècle.

Un pays peu fertile et appauvri, l’Albanie est majoritairement musulman ; les catholiques sont en minorité, à peu près dix pour cent de la population. Il y a aussi quelques orthodoxes. En reconnaissant le père Simoni, le Pape François montre que, même en Europe, il y a des « périphéries » catholiques que l’Eglise n’a pas l’intention d’oublier.

Simoni est le second cardinal albanais à avoir souffert de la persécution. Le premier était le cardinal Mikem Koliqi, qui a survécu à trente huit années d’emprisonnement et de travail forcé,, et qui a été fait cardinal à l’âge de quatre vingt douze ans par le Pape Jean Paul au consistoire de 1994.

Durant son voyage de 2014 en Albanie, le Pape François était touché par l’engagement et le témoignage de foi de l’Albanie. « En se souvenant des décennies de souffrance atroce et de persécution violente contre les Catholiques, Orthodoxes et Musulmans on peut dire que l’Albanie était une terre de martyrs: beaucoup d’évêques, de prêtres, d’hommes et de femmes consacrés et de laïcs ont payé leur fidélité de leur vie » a dit le Pape François au cours d’une allocution.

La persécution en Albanie était particulièrement violente, même pour l’Europe de l’Est Communiste. Parmi les martyrs survivants qui étaient présents et qui ont accueilli le pape François, se trouvait le Père Ernest Simoni. Il fit un compte-rendu émouvant de ses presque trois décades passées dans les camps de travail albanais; le Pape François était visiblement ému.

Cela vaut la peine de rappeler l’histoire dans laquelle se situe son expérience personnelle. Le conflit entre l’Eglise catholique et l’état communiste en Albanie peut se diviser en trois périodes:

1. 1944-1948 quand le gouvernement terrorisa et persécuta les croyants et le clergé;

2. 1949-1967 quand le gouvernement essaya de « nationaliser » ou d’albaniser les religions dans le pays, et de fonder une Eglise Catholique Nationale Albanaise, semblable à l’Eglise Patriotique créée par la Chine communiste, alliée à l’époque de l’Albanie;

3. 1990 jusqu’à maintenant lorsque l’Eglise d’Albanie se réveille après des décennies de martyr et de persécution.

Le Père Simoni fut arrêté le 24 décembre 1963, juste après avoir célébré le Messe de Vigile de Noël dans le village de Barbullush, Shkodër. Quatre officiers de la police secrète albanaise (Sigurimi) vinrent dans son Eglise et lui présentèrent des ordres d’arrestation et d’exécution. Il se souvient : « Ils m’ont attaché les mains derrières le dos et ont commencé à me battre alors que nous marchions vers la voiture ».

Il a été emmené au centre d’interrogatoire et gardé en isolation totale, subissant des tortures insupportables pendant 3 mois de suite. Il était accusé d’enseigner sa « philosophie ». Il enseignait ses ouailles à « mourrir pour le Christ ». Durant trois mois d’emprisonnement et d’interrogatoires, ses persécuteurs essayèrent de le forcer à témoigner contre la hiérarchie catholique et contre ses frères prêtres, ce qu’il refusa.

Cette persécution a un lien intéressant avec l’Amérique. Une des accusation contre le père Simoni était qu’il avait célébré une Messe de Requiem pour le repos du Président Kennedy exactement un mois après la mort du Président catholique. Un journal trouvé dans la chambre du père Simoni où figurait une photo du Président Kennedy fut présenté à la cour comme preuve matérielle – d’une chose ou d’une autre.

« Par la grâce de Dieu, l’exécution ne fut pas effectuée » se rappela le père Simoni. Après le procès, il fut condamné à vingt huit ans de travaux forcés, travaillant d’abord dans les mines, et ensuite en tant que qu’ouvrier sanitaire et d’épandages publics jusqu’à la chute du régime communiste en 1991.

Le Père Simoni est le dernier des prêtres encore vivants, qui ont subi la persécution communiste en Albanie. Le fait que le Pape François ai été ému par son histoire et l’a maintenant fait cardinal, illustre, comme le fit Saint Jean Paul II qui encouragea en 2000 les célébrations pour le Troisième Millénaire Chrétien, que le pape actuel croit encore qu’il y a des injustices historiques dont il faut se souvenir – et corriger.

Comme le firent beaucoup de martyrs et confesseurs modernes, le père Simoni a pardonné publiquement à ses accusateurs fallacieux et à ses persécuteurs, et a prié pour eux de façon répétée. Dans une interview à Radio Vatican, après les nouvelles inattendues de Rome, il remarquât: « Je suis un serviteur indigne de l’Eglise, mais tout ce que j’ai fait est pour la gloire du Christ, de l’Eglise et du peuple albanais ».

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/10/15/a-cardinal-from-the-albanian-communist-persecution/

A propos de l’auteur : Ines A. MURZAKU

Ines Angeli Murzaku (http://academic.shu.edu/orientalia) est Professeur de l’Histoire de l’Eglise à Seton Hall University. Ses recherches extensives sur l’Histoire de la Chrétienté, du Catholicisme, des Ordres Religieux et de l’Œcuménisme ont été publiées dans de nombreux articles érudits et dans cinq livres. Dr Murzaku a souvent paru dans de nombreux media nationaux et internationaux: journaux, radio, interviews à la télévision et des blogs.