Tugdual Derville : « Le temps de l'homme... » - France Catholique
Edit Template
Van Eyxk, l'art de la dévotion
Edit Template

Tugdual Derville : « Le temps de l’homme… »

Copier le lien

Tugdual Derville vient de publier « Le temps de l’homme » (Paris Plon 2016, 307 pages) dont le sous-titre « Pour une révolution de l’écologie humaine » indique l’orientation. Co-initiateur du Courant pour une Ecologie humaine, l’auteur déploie, tout au long de l’ouvrage, le sens et la portée de cette notion qui constitue, à ses yeux, le grand défi du troisième millénaire afin d’assurer l’avenir du genre humain. Il s’agit d’un livre manifeste qui synthétise, rassemble et ordonne la pensée de l’auteur à l’issue d’une profonde réflexion nourrie d’une riche expérience dans le monde associatif avec A Bras ouverts sur le handicap, Alliance Vita sur la bioéthique et le Courant pour une Écologie humaine sur la bienveillance. A 54 ans, Tugdual Derville délivre une œuvre achevée, celle de la maturité.

L’écologie humaine, dont le nom commence à s’installer dans notre langage, reste malgré tout une notion abstraite et, à dire vrai, l’auteur n’en donne pas de définition même si le concept se précise au fil des pages de telle sorte que c’est à la page 246 que ressort sa formulation la plus complète « L’écologie humaine propose de reconnaître que [l’homme] est à la fois enraciné dans la nature, à commencer par la sienne, et tourné vers le mystère insondable des origines et du but ».

L’ouvrage s’attaque frontalement à la déconstruction, depuis mai 1968, des valeurs sur lesquelles repose la civilisation occidentale et plus particulièrement la société française, spécialement avec l’arrivée au pouvoir de François Hollande en 2012.

En se fondant sur le consentement au réel, l’exigence de la vérité et, plus prosaïquement, le bon sens, il dénonce, dans la première partie de son livre, les supercheries qui visent à contester l’ordre naturel et à brouiller les repères par l’indifférenciation des sexes. Il aurait pu citer le juriste Jean-Louis de Lolme qui, au XVIIIème siècle écrivait « Le Parlement anglais peut tout faire sauf changer une femme en homme », car ce qui apparaissait inimaginable à l’époque est devenu possible aujourd’hui, non par le fait de nouvelles découvertes sur les capacités humaines, mais à la suite de manipulations médicales validées par le droit. Plutôt que de succomber à la tyrannie du désir, il appelle les hommes à s’accepter tels qu’ils sont :« Tout l’enjeu d’une vie sera ainsi d’articuler sa liberté avec sa nature, donc sa généalogie et son origine géographique » (p. 79). Même si sa foi chrétienne guide sa vision, il ne s’en prévaut pas et s’attache davantage à dégager les repères communs à tous les hommes :« La nature de l’homme est de s’inscrire dans une culture, une culture universelle du soin, dans la culture particulière de la société où il naît » (p. 57). Convaincu que cette perception de la nature humaine est partagée universellement, au-delà des cultures et des religions, il écrit plus loin : « Si les valeurs d’écologie humaine sont irrépressibles, c’est qu’elles ne se détachent pas du réel : l’attrait de l’âme humaine pour le beau, le bon et le vrai ne se dément pas » (p. 199).

D’où, dans la deuxième partie du livre, l’appel à la révolution anthropologique :« Quand les normes « morales » d’une société consacrent l’inversion entre le bien et le mal, la résistance à l’injustice réclame la pratique de l’objection de conscience… Plus qu’un droit universel…, c’est d’abord un devoir…, celui de refuser courageusement toute participation à de graves atteintes à l’humanité » (p. 191). Il salue, en particulier, le réveil français, exprimé lors des démonstrations de rue, au printemps 2013, de la Manif pour Tous dont il fut l’un des porte-parole à l’encontre du projet de loi autorisant les unions homosexuelles. Cela lui donne l’occasion d’un bel hommage à la France dont il souligne les contradictions, déroutantes mais finalement créatrices : « Le pays de la personne est aussi celui de sa plus virulente déconstruction : c’est donc le foyer naturel de l’écologie humaine » (p. 178). Pour lui, si cette réaction a été possible, c’est grâce à ce qu’il appelle le mycélium, cet humus enfoui mais actif dans la société, constitué par les nombreuses associations et initiatives porteuses de sens et créatrices d’innovation sociale. A défaut d’avoir pu empêcher l’adoption de la loi sur le mariage pour tous, la mobilisation aura néanmoins permis d’en stopper les développements ultérieurs, plus personne n’osant réellement avancer sur la PMA (procréation médicalement assistée) et la GPA (gestation pour autrui).
Dès lors, l’auteur peut s’aventurer, dans sa troisième et dernière partie, à proposer des solutions d’écologie humaine. Citant abondamment Vàclav Havel, l’ancien président de la Tchécoslovaquie, il partage avec lui cette conviction : « Sursaut de la conscience, élargissement de la bienveillance à l’ensemble de la création, essor spirituel : tel est le triptyque dont le monde a besoin » (p. 239). S’appliquant à prévenir le nouveau danger qui menace l’humanité avec les perspectives ouvertes par le transhumanisme, l’auteur propose un programme d’humanisme intégral en vue de l’instauration d’« Une société d’écologie humaine portée par trois piliers : le parti pris de la bienveillance, la recherche des communs et la culture de la vulnérabilité » (p. 251). S’il s’agit encore d’une vision plus métapolitique que proprement politique, il ouvre néanmoins des champs d’action, s’agissant notamment des biens communs dont la gestion partagée pourrait faire éclore un nouveau mode d’organisation sociale.

De fait, plutôt qu’un éclatement de notre pays en de multiples communautés, c’est bien la communauté française qu’il faut aujourd’hui réinventer.

« Le temps de l’ Homme est celui du réel »