Trois crises – et trois opportunités - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Trois crises – et trois opportunités

Traduit par Isabelle

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Ignace et son conclave, site internet drôle et méchant sur des sujets catholiques, faisait récemment remarquer, selon la logique désinvolte actuelle de l’Eglise, que la communion pour les divorcés remariés était :

I. Un affaire de conscience (Cardinal Blase Cupich), ou

II. Un sujet de réglementation locale, ce qui peut amener à des différences parmi les évêques et les conférences épiscopales nationales (Le pape dans Amoris Laetitia et divers porte-paroles à différents moments), ou

III. Qu’il n’y a pas d’autre interprétation que celle des évêques argentins, puisque la lettre du pape disant cela a été publiée dans les Acta Apostolicae Sedia (Juin 2017

Laquelle de ces possibilités qui s’excluent mutuellement, est maintenant la norme, ou le sera dans une date ultérieure, à chacun de le deviner.

Notez que ce désordre est une question purement administrative, qui ne touche pas (encore) la refonte radicale du mariage, et la compréhension de l’Eucharistie, et d’elle-même, par l’Eglise. Là-dessus, le champ est tellement submergé d’inconsistances qu’il est difficile de formuler seulement les problèmes. Bien que la Dubia fasse encore du vraiment bon travail.
Mais soyons positifs. Comme le dit le vieil adage, il y a à la fois crise et opportunité ici, et ceci crée un moment propice pour que nous connaissions plus en profondeur la tradition catholique authentique.

Par exemple, le cardinal Cupich, s’adressant à l’université de Cambridge, invoquait le grand cardinal Newman lorsqu’il substituait sa notion personnelle du rôle de la conscience, à ce à quoi les catholiques ont toujours cru. Il a même cité la fameuse description que fait Newman de la conscience comme «  le vicaire aborigène du Christ ».

Cette phrase se trouve dans la « Lettre au duc de Norfolk » de Newman, qui est en fait un livre de 150 pages. Les passages clé ne couvrent que dix pages (ici). Ils nécessitent une lecture prudente. Ou bien lisez ce résumé bref et clair – mais si vous voulez comprendre parfaitement ce qu’est la conscience, allez plus loin dans la lecture des pensées de Newman. L’interprétation de Cupich est fausse, et on l’a su bien avant que le cardinal de Chicago apparaisse sur la scène. Elle contredit si visiblement tout ce que le cardinal Newman a défendu que quiconque a écrit les discours du cardinal serait prudent de ne plus jamais faire allusion à Newman. Ils suscitent le ridicule au fur et à mesure que de nouveaux catholiques prennent conscience de la vérité.

Ceci nous amène à notre deuxième possibilité : les évêques, individuellement ou en conférence épiscopale nationale décident des règles du mariage et de la communion, même si ceci amène des conflits entre eux. En une tradition de plus de 2000 ans, il y a des échecs, des erreurs, des arnaqueurs, des lunatiques. Mais, selon la déclaration pertinente du cardinal Gerhard Muller et du père Thomas Weinandy de ces dernières semaines, depuis les temps les plus reculés, les quatre « marques » de l’Eglise – une sainte, catholique et apostolique – ont été comprises comme permettant de filtrer ce qui est vrai de ce qui est faux dans n’importe quels « évènements ».

Tout commence avec l’Eglise « une », ce qui veut dire unie à Jésus Christ Lui-même. Voilà pourquoi « l’hérésie n’est pas seulement une question d’opinions erronées, d’abandons de ce qui a été reçu et enseigné. C’est une fracture dans le Corps Mystique du Christ. Le Père Weimandy invoque saint Ignace d’Antioche (35 – 108 après J.C), disciple probable de l’apôtre saint Jean, et martyr, qui avait déjà compris ce dont il s’agissait : « Pour Ignace, l’hérésie est absolument détestable précisément parce qu’elle abolit l’unité de l’Eglise, et elle le fait en déniant à l’Eglise sa foi une catholique et apostolique ». Vatican II et l’enseignement de saint Jean Paul II, sans parler des siècles intermédiaires, sont toujours d’accord avec ceci, dit Weimandy.

Le cardinal Muller passe en revue les propres « repères » de Newman de ce qui constitue le véritable évènement, en opposition à la corruption. C’est un sujet trop compliqué pour être traité dans une brève colonne, mais remarquez la conclusion de Muller : « quand les cardinaux, les évêques, les prêtres, et les laïcs demandent au pape d’éclaircir ces questions, ce qu’ils demandent n’est pas une clarification de l’opinion du pape. Ce qu’ils recherchent est la clarté sur la continuité de l’enseignement du pape dans Amoris laetitia, avec le reste de la tradition ».

Et voilà une deuxième opportunité ; En addition à une meilleure compréhension de ce qu’est la conscience, nous avons tous besoin d’une connaissance beaucoup plus profonde de ce qui constitue la vraie tradition catholique.

Et la troisième et dernière question : est-ce que la « lettre » du pape à propos des évêques argentins règle ces problèmes ?

Muller est un ancien préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, et Weimandy demeure un membre de la commission théologique internationale du Vatican. Tous les deux répondent : non.

Il est évident que tout catholique sérieux voudra s’avancer ici avec précaution. Comme je le sais moi-même par expérience : on m’a accusé à la fois de rejeter le pape et d’être protestant, et de chercher à le satisfaire en essayant de comprendre précisément ce qu’il dit – et ce qu’il ne dit pas.
Pour Weimandy, tout le désordre vient de l’ambigüité :

Pour le pape François, il est hypocrite de prendre parti dans le débat qui s’ensuit, débat dont il est lui-même responsable, à propos de l’interprétation correcte d’un enseignement incertain. Il a maintenant autorisé d’autres personnes à être les arbitres de la vérité, alors que c’est précisément le mandat apostolique du pape d’être celui qui confirme ses frères, épiscopaux et laïc, dans la vérité. De plus, on ne peut pas proposer comme un enseignement du magistère, le fait de sembler sanctionner une interprétation de la doctrine et de la morale qui enfreint ce qui a été l’enseignement reçu des apôtres et la tradition du magistère de l’Eglise – selon la définition dogmatique des conciles et l’enseignement doctrinal des papes précédents et des évêques en communion avec lui, aussi bien qu’acceptée et crue par les fidèles.

Muller conclue avec Newman :

« Ceux qui cherchent à accommoder le message évangélique à la mentalité de ce monde, en invoquant l’autorité du cardinal Newman dans leurs efforts, devraient considérer ce qu’il dit à propos de la continuité du modèle de l’Eglise. Selon Newman, « la vraie Eglise peut être identifiée par la façon immuable dont le monde l’a perçue à travers les siècles, même parmi de nombreux événements… Et il n’y a qu’une communion de ce type. Que l’on place cette description devant Pline ou Julian ; qu’on la place devant Frédéric II ou Guizot… Chacun sait aussitôt, sans poser de question, de qui il s’agit ». Où Newman trouverait-il une telle communion de nos jours ? »

Une bonne question finale à laquelle nous aussi pouvons réfléchir profondément.

26 février 2018

https://www.thecatholicthing.org/2018/02/26/three-crises-and-three-opportunities/

Image: Buste de Newman par Richard Westmacott, 1841 [Oratoire de Birmingham]