Tristes tropiques - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Tristes tropiques

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L’ouragan irma suivi de l’ouragan José qui viennent de balayer les Antilles et les États-Unis laissent derrière eux un cortège de misère et de désolation. Une trentaine de victimes d’abord, dont un tiers dans les îles françaises de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy, une destruction massive ensuite, les deux îles précitées ayant été, par le vent et les inondations, rasées à 95 % de leur habitat et de leurs infrastructures, en attendant de connaître plus précisément ce qu’il en est ailleurs.

Ce phénomène météorologique de vaste ampleur a frappé les esprits au point de laisser penser que nous serions entrés dans une nouvelle ère. Sans vouloir minimiser l’événement, il convient de l’apprécier sur le temps long pour mieux le comprendre et mieux le situer.

Il est certain que l’ouragan Irma, le terme ouragan désignant un cyclone tropical en Atlantique Nord, est un des plus importants jamais enregistrés. Il a été classé en catégorie 5, la plus élevée, sur l’échelle de Saffir-Simpson, qui, depuis 1969, mesure les ouragans en fonction de la force du vent, de l’onde de la tempête et des impacts potentiels. Depuis cette date, ont été classés dans cette catégorie les ouragans Okeechobee et Camille en 1969, Édith en 1971, Gilbert en 1988, Hugo en 1989, Andrew en 1992, Dean et Félix en 2007 et Patricia en 2015. La vitesse du vent enregistré pour Irma s’élève à 360 km/h, dépassant le record jusqu’ici détenu par l’ouragan Patricia qui avait frappé l’Amérique centrale en octobre 2015 et qui, avec des vents de 343 km/h, était considéré jusqu’ici comme le cyclone tropical le plus intense jamais observé dans l’hémisphère occidental. Pour autant, ce n’est pas le plus grand cyclone tropical connu de l’Histoire car, même si la vitesse de ses vents est à ce jour la plus élevée, son diamètre reste bien inférieur au typhon Tip, le terme typhon désignant un cyclone tropical en Asie, survenu au Japon en 1979. Sans vouloir établir un décompte aussi macabre que vain, il convient de reconnaître qu’Irma n’a pas non plus été le cyclone le plus meurtrier comparé aux 259 morts de Camille et aux 318 morts de Gilbert et surtout aux typhons Bhola (Bengladesh 1970), Nina (Chine 1975) et Gorky (Bengladesh 1991) qui ont fait respectivement 300 000, 222 000 et 139 000 victimes.

Comment se fait-il, dès lors, que l’ouragan Irma émeuve autant l’opinion publique ? Une première raison est sans doute à trouver dans l’apparition des chaînes d’information continue qui tendent à dramatiser les événements afin de s’assurer la fidélité de leurs téléspectateurs. Une autre raison provient certainement aussi du fait que le phénomène a touché le territoire français : c’est oublier cependant qu’en son temps, Hugo avait déjà affecté la Guadeloupe et Saint-Barthélémy, provoquant la mort d’une dizaine de personnes et provoquant des dégâts estimés à deux milliards de dollars, soit à peu près le double de ceux annoncés aujourd’hui.

Mais la raison principale est plutôt à chercher dans la Grande Peur de l’An 2000, à savoir le réchauffement climatique. De fait, tout phénomène météorologique perturbateur lui est désormais systématiquement imputé. Une grande partie de la classe politique s’est engouffrée dans la brèche alors même que les scientifiques se montrent beaucoup plus prudents. En effet, la seule donnée fiable est que, si le nombre et la durée des ouragans restent stables depuis 35 ans, leur violence est de plus en plus importante, les ouragans de catégorie 4 et 5 ayant pratiquement doublé depuis 1970.

Cette intensité est-elle due au réchauffement climatique ? Ce qui est certain, c’est que l’une des conditions indispensables à la formation d’un cyclone est la température des eaux de surface de la mer qui doit être d’au moins 26,5° C sur 60 mètres de profondeur. Or, il est établi que la température des bassins océaniques où se forment les cyclones a augmenté de 0,5° entre 1970 et 2004. Pour autant, d’autres facteurs entrent en ligne de compte comme les courants marins et l’humidité de l’air, moins perméables au réchauffement climatique. En fait, les scientifiques admettent ne pas disposer de données sur des périodes suffisamment longues pour en tirer des conclusions définitives.

En revanche, ce sur quoi les dirigeants devraient se pencher avec plus d’assurance, concerne la dimension sociale de l’ouragan Irma. Les scènes de pillage qui ont suivi et prolongé la catastrophe sont à rechercher dans la situation économique des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy, tournées vers un tourisme au luxe ostentatoire rendant encore plus scandaleuse la pauvreté d’une partie totalement marginalisée de la population.

Avant de se préoccuper des causes du prochain ouragan qui ne manquera pas d’arriver, nos responsables politiques seraient plus avisés d’en rendre les inévitables conséquences plus acceptables parce que plus équitables.