Terminologie journalistique et nos Baals modernes - France Catholique
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Terminologie journalistique et nos Baals modernes

Traduit par Yves Avril

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Il y a deux jours je lisais une information sur un terrible accident de la circulation qui avait fait plusieurs victimes, y compris, comme il était indiqué, celles d’une femme enceinte « et de son fœtus ».

Cette triste nouvelle avec cette façon hygiénique de la rapporter, me laissa interloqué. Je n’ai pas, d’année en année, été particulièrement attentif à ce genre de choses, mais la pratique générale chez les partisans médiatiques du Zeitgeist depuis la légalisation de l’avortement, a été de traiter l’enfant non-né de toute mère qui désire et a l’intention de mettre cet enfant au monde comme un « enfant ou un bébé pas encore né ».

Parfois dans une information on va simplement parler d’une femme qui est morte « enceinte de six mois », sans insister. Pourtant, je n’ai pas enregistré – peut-être suis-je ici en retard – cette sorte de langage déshumanisé à propos du « fœtus », langages qui nous est à tous trop familier quand on parle d’un enfant non né, « non désiré et non prévu », désignant un petit être pour lequel sa mère a, peut-être, prévu une pouponnière, choisi des noms de bébé et acheté de mignonnes petites grenouillères roses ou bleues.

Je ne sais pas bien si ce changement représente une régression ou une sorte de progrès inattendu dans la lutte prolongée pour la vie. D’un côté, la pratique d’utiliser des termes doubles est illogique et fait un peu bizarre. C’est un des aspects de notre désir actuel de croire que la réalité est ce qu’on choisit de la faire. On connaît la célèbre phrase du Horton du dr Seuss qui pour défendre les vies des microscopiques petits « Qui » affirmait : « Une personne est une personne même si elle est toute petite. » Pourtant des partisans du statu quo de l’avortement légalisé choisissent une variante : « Une personne est une personne même si elle est toute petite  – si vous choisissez d’accepter cette personne, si il ou elle est une personne désirée. Sinon, il faut voir. »

Ainsi il est possible (je ne suis pas marié à cette hypothèse, mais je la lance pour examen) que le choix du terme inauguré par le journal soit en réalité, sous des dehors autres, un pas en avant. Cela peut représenter une impression accrue de malaise avec les verres correcteurs qui voient telle femme enceinte habitée par « les produits de la conception » ou telle autre angoissée de sentir son « bébé » remuer à l’intérieur d’elle-même. Peut-être les videos sur la récolte et la vente par le Planning familial d’organes provenant de fœtus ont accru ce sentiment de malaise, ou vont l’accroître de plus en plus pour ceux qui ne persistent pas à détourner leur regard de tout ce scénario. Ou non. Nous verrons.

Le lendemain du jour où j’appris la mort de cette femme enceinte et de son « foetus », je lus la brève biographie de saint Martin de Tours qui précédait les lectures de la messe du jour dans mon exemplaire du Magnificat.. Une phrase a attiré mon attention. : « Martin parcourait son immense diocèse en prêchant, consolant et renversant les temples païens. » Ce qui me remit en mémoire une autre information datant d’il y a quelques mois : le récit de l’EI faisant sauter les restes d’un ancien temple syrien de Baal (ils tuèrent aussi l’ancien directeur des Antiquités des trésors archéologues de la région, âgé de 83 ans, mais vous devez descendre 10 paragraphes plus bas dans le récit du New York Times pour le savoir).

Le reportage sur la destruction du temple de Baal, complété par des photos aériennes prises avant et après la destruction, me frappa sur le moment parce que quelques-uns des détails qui racontaient l’événement semblaient concerner plus la perte causée à l’archéologie que l’assassinat de chrétiens ou autres qui, selon le jugement de l’EI , étaient tombés punis par Allah. Raser les restes d’un temple païen faisait clairement partie d’une conception plus large : s’en prendre à toute chose ou à toute personne qui n’était pas soumise à l’islam.

D’un point de vue de l’histoire chrétienne, pourtant, la destruction du temple était probablement la partie la plus défendable de leur programme1. Saint Martin de Tours aurait pu l’approuver, comme les prophètes juifs qui se répandaient en insultes contre les « monuments » païens que les Israélites pécheurs élevaient à Baal et aux autres dieux cananéens et qui souvent impliquaient prostitution sacrée ou même sacrifices de nouveaux-nés.
Quand elle était confrontée aux cultes païens ou à leurs lieux d’adoration, la primitive Eglise employait souvent une combinaison de deux pratiques. Saint Martin, comme nous l’avons vu, démolissait les édifices où étaient adorées des divinités druidiques. Des missionnaires comme saint Boniface ( qui, on le sait, abattit le chêne sacré et utilisa son bois pour bâtir une chapelle) « baptisaient » ensuite les anciens sites des temples païens en construisant à leur place des édifices chrétiens pour le culte pour mieux reporter l’allégeance des faux dieux sur le vrai Dieu.

Pour les chrétiens post-modernes, ce genre de choses semble dangereusement intolérant. En contraste, leur attitude à l’égard, disons, des ruines aztèques où avaient lieu sur une grande échelle des sacrifices humains, prend un aspect théorique. Si des actes inacceptables ont eu lieu il y a bien longtemps, ou dans des régions assez lointaines, le sentiment général des gens qui se sont initiés aux idiosyncrasies de tolérance laïque semble être : « Qui suis-je pour juger ? »

Ils n’ont pas encore atteint la sorte d’impartialité dont leurs descendants pourraient faire preuve dans 500 ans à l’égard de sites de massacres plus récents comme les crématoires des camps de concentration nazis. Pourtant ils ne nous ont pas encore montré pourquoi, d’un point de vue moral ou philosophique, les générations futures pourraient traiter la chose différemment.

Mais nous savons pourquoi il y a une différence, et pourquoi les sacrifices, qui vont maintenant jusqu’à 50 millions, pratiqués sur les autels hygiéniques des avortoirs ne devraient pas être purement et simplement relégués dans le royaume neutre du fait historique.

Tableau : Saint-Martin et le mendiant par El Greco, c. 1598 (National Gallery, Washington, DC)

samedi 14 novembre 2015

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/11/14/journalistic-terms-and-our-modern-baals/