Sœur Simone explique le Président Biden - France Catholique
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Sœur Simone explique le Président Biden

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Soeur Campbell

Soeur Campbell

© Network Lobby for Catholic Social Justice

L’agence Catholique News Agency (CNA) rapporte que, lors d’une récente table ronde organisée par le National Catholic Reporter, sœur Simone Campbell a proposé de nous expliquer la position du président Biden sur l’avortement.

Campbell est directrice exécutive du Network Lobby for Catholic Social Justice, sur lequel d’autres informations sont données plus loin. Ce qu’elle prétend à propos de la position de Biden en matière d’avortement, sur la base d’une conversation avec lui, c’est qu’« il a une approche très élaborée de la question… Pour lui, elle dépend de la liberté religieuse et du fait qu’il n’imposera pas sa croyance religieuse à toute la nation.

Loin d’être “très développée », cela semble reprendre la vieille position « j’y suis personnellement opposé mais… » que des démocrates comme Mario Cuomo et les Kennedy utilisaient il y a des décennies pour esquiver la contradiction entre leur présumée croyance privée et leurs actions publiques. Dans ce cas, cela n’a même pas de rapport avec notre situation actuelle en matière d’avortement. Son utilisation comme défense du président Biden appelle plusieurs observations.
Premièrement, les Américains pro-vie poussent un énorme soupir de soulagement si Joe Biden s’abstient d’imposer à la nation ses croyances sur l’avortement (religieuses ou autres). La réalité est qu’il a exprimé son soutien à un programme qui impose ces croyances-là au reste d’entre nous.

Inversant une position qu’il a soutenue pendant quatre décennies, il estime que tous les Américains doivent être contraints de financer par leurs impôts la destruction des enfants à naître, « en s’assurant que tout le monde a accès aux soins – y compris aux soins de santé reproductive – quels que soient leurs revenus, race, code postal, statut d’assurance maladie ou statut vis-à-vis de l’immigration. »

Il a approuvé l’Equality Act, qui menace de forcer même les établissements de santé catholiques à pratiquer des avortements ou à être punis pour infraction aux lois fédérales sur les droits civils. Et il soutient la législation pour « codifier Roe », un euphémisme utilisé par les partisans de la promotion d’une « loi sur la protection de la santé des femmes » (Women’s Health Protection Act) qui attaquerait toute loi d’état, locale ou fédérale, qui pourrait avoir pour effet de retarder ou de réduire de quelque manière que ce soit « l’accès » à l’avortement – y compris les lois qui sont restées en vigueur même sous Roe v. Wade.

La croyance qui semble être à la base de ces positions est que l’avortement est un « soin de santé » de routine – que la grossesse est simplement un « état physique » de la femme (comme le dit la loi sur l’égalité), et non une situation dans laquelle l’obstétricien a deux patients à soigner. En d’autres termes, au moins jusqu’à la naissance, l’enfant est quelque chose comme une maladie et l’avortement est le remède. (Je dis « au moins » parce que presque tous les démocrates du Sénat s’opposent également à un projet de loi visant à traiter les enfants nés vivants lors d’une tentative d’avortement comme des enfants.)

C’est quelque chose comme une croyance religieuse, mais pas une croyance conforme au christianisme. (Aucune dénomination chrétienne n’a jamais rebaptisé l’Annonciation en « Infection ».) Contrairement à la plupart des religions, cette croyance selon laquelle à la naissance une maladie devient un être humain est non seulement au-delà des faits scientifiques, mais leur est contraire. Et elle serait imposée à une population réticente qui s’oppose au financement public de l’avortement et soutient diverses restrictions, y compris l’interdiction (au moins) des avortements tardifs.

Deuxièmement, qu’en est-il de l’affirmation selon laquelle le respect de la vie humaine à naître est en soi une « croyance religieuse » qui ne pourrait être inscrite dans la loi ? Cet argument a été rejeté de manière décisive par la Cour suprême des États-Unis depuis plus de quarante ans. Lorsque l’ACLU1 et d’autres ont tenté d’invalider l’amendement Hyde comme l’inconstitutionnel « établissement d’une religion » (en particulier la religion catholique), la Cour a répondu de façon célèbre : « Que les religions judéo-chrétiennes s’opposent au vol ne signifie pas qu’un État ou le gouvernement fédéral ne peut pas, conformément à la Clause d’Établissement, promulguer des lois interdisant le vol. » [Harris c. McRae, 448 U.S. 297, 319 (1980)].

La Cour a estimé que le gouvernement avait un légitime intérêt laïque à encourager l’accouchement plutôt que l’avortement. Elle a également critiqué l’affirmation selon laquelle l’avortement n’est qu’une procédure médicale comme les autres : « L’avortement est fondamentalement différent des autres procédures médicales, car aucune autre procédure n’implique la fin délibérée d’une vie potentielle. » (Id. À 325). L’opinion majoritaire de la Cour a été rédigée par un juge qui avait voté pour Roe (Stewart) et signée par deux autres qui l’avaient également fait (Powell et Burger).

Dans des décisions ultérieures, la Cour a abandonné l’expression biologiquement incohérente de « vie potentielle » et a simplement parlé de l’intérêt légitime du gouvernement à respecter « la vie de l’enfant à naître ». [Planned Parenthood v. Casey, 505 U.S. 833, 877 (1992) ; Gonzales v. Carhart, 550 U.S. 124 at 157, 158 (2007)]. Dans ce dernier cas, le tribunal a conclu que cet intérêt était suffisamment important pour interdire une méthode d’avortement particulièrement épouvantable utilisée après le troisième mois de grossesse.

La question de savoir si cet intérêt est suffisant pour justifier d’autres lois interdisant l’avortement, est une question ouverte pour la Cour. Mais la position déclarée du président Biden, qui considère l’avortement comme un bien positif qui doit être accepté et soutenu par tous les Américains, va bien au-delà de tout débat sur la question de savoir s’il doit être légal.

Certes, interrogée par CNA en août dernier sur la position de son réseau sur l’avortement, Sœur Simone a déclaré : « Ce n’est pas notre problème… Je suis avocate. Il faudrait que je l’étudie plus intensément que je ne l’ai fait. » Sa récente déclaration suggère qu’elle ne l’a pas encore fait.

Troisièmement, ce n’est pas un problème pour un catholique de se spécialiser dans la défense d’une question ou d’un ensemble de problèmes particuliers dans notre société. Les problèmes commencent lorsque le réseau de Campbell prétend être un « Lobby pour la justice sociale catholique » dans son ensemble et déclare sur son site Web que son programme est façonné : par Gaudium et spes du Concile Vatican II ; par la critique du Pape François d’une « culture du jetable » ; et par la vie de grands laïcs catholiques comme Dorothy Day et Cesar Chavez.

Le document de Vatican II cite l’avortement en premier dans les « pratiques infâmes » qui « corrompent la civilisation » [GS 27-3 et 51-3]. Le pape François a condamné à plusieurs reprises l’avortement comme faisant partie de cette culture du jetable, s’écriant à une occasion : « Combien de nos frères et sœurs sont victimes de la culture du jetable d’aujourd’hui, qui engendre le mépris avant tout de l’enfant à naître, des jeunes et des personnes âgées ! » Et selon tous les témoignages, Day (qui regrettait profondément l’avortement qu’elle avait subi avant sa conversion) et Chavez (qui avait une dévotion à Notre-Dame de Guadalupe) rejetaient l’avortement au nom de la justice sociale catholique.

Ignorer l’enfant à naître est plus qu’un simple manque d’intérêt pour une question particulière. L’enseignement social catholique est fondé sur l’idée que la dignité de la personne humaine est inhérente au simple fait d’être membre de la famille humaine, car chaque membre est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. C’est pourquoi chaque être humain, « de sa conception à sa mort naturelle », comme l’a dit le Pape François, a une valeur égale et inestimable, et chacun jouit des droits humains fondamentaux à commencer par le droit à la vie. Ignorer ces fondements revient à impliquer qu’il n’y a pas de droits fondamentaux de l’homme – seulement des privilèges, pour certaines personnes qui ont certaines qualités précieuses. La structure de l’enseignement social catholique se défait alors. Il ne peut y avoir de personnes « jetables ».

On est donc tenté de décrire le Lobby du Réseau pour la Justice Sociale Catholique comme un lobby pour la justice sociale de « cafétéria catholique », qui ne reconnaît que les questions de justice qui sont également approuvées par les libéraux laïques à qui il manque les bases de l’enseignement catholique. Si elle cherche également à fournir une couverture aux politiciens pro-avortement qui non seulement rejettent cet enseignement mais prévoient également d’attaquer la conscience de ceux qui le croient, l’erreur de cette organisation deviendra plus grave encore.

  1. American Civil Liberties Union