Simone Weil contre les partis - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Simone Weil contre les partis

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Pourquoi ne pas profiter de l’intensité de l’attention portée à la « res publica », la chose publique, pour tenter un début de réflexion de fond ? Ce n’est pas facile, lorsque c’est la passion et le trouble qui dominent. Cette passion que Simone Weil, la grande philosophe, fustigeait au titre des pires périls qui s’abattent sur la cité : « La passion collective, écrivait-elle, est une impulsion de crime et de mensonge infiniment plus puissante qu’aucune passion individuelle. » Cette phrase est tirée d’un document que les éditions Climats viennent de rééditer opportunément : Note sur la suppression générale des partis politiques. Qu’il n’y ait aucune équivoque au sujet de ce titre plutôt abrupt. Simone Weil n’appelle pas de ses vœux une suppression du régime parlementaire. Elle souhaite, au contraire, que ce régime fonctionne dans de meilleures conditions, à partir d’une lecture très rigoureuse du « contrat social » de Jean-Jacques Rousseau.

C’est la pure rationalité qui devrait gouverner les esprits, guidés par le sens de la vérité et de la justice. Or, pour Simone Weil, l’esprit partisan est ce qui porte précisément atteinte à ce caractère essentiel. 1. Un parti politique est une machine à fabriquer de la passion collective. 2. C’est une organisation qui exerce une pulsion collective sur la pensée personnelle. 3. Son unique fin est sa propre croissance, sans aucune limite. Conclusion : les partis sont le malheur même de la politique. On retrouve bien là l’intransigeance magnifique de cette véritable Antigone. Mais cette pureté ne devient-elle pas dangereuse, en ce qu’elle entend corriger l’imperfection humaine pour atteindre une perfection qui n’est pas de ce monde ?

Peut-être que comme philosophe, pourtant pétrie d’hellénisme, elle n’est pas assez sensible à la nature des médiations, des métaxu. Pourtant, cette notion elle la connaît, et elle en défend la nécessité au titre des biens relatifs. Le général de Gaulle, qui n’avait pas de mots assez sévères à l’encontre du régime des partis, est le premier à avoir inscrit dans la constitution que les partis « concourent à l’expression du suffrage ». Imparfaits, terriblement imparfaits, excitant les passions collectives, il est pratiquement impossible de se passer de leur concours dans nos démocraties.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 8 mars 2017.