« Si je n’étais pas venu, si je ne leur avais pas parlé… » - France Catholique

« Si je n’étais pas venu, si je ne leur avais pas parlé… »

« Si je n’étais pas venu, si je ne leur avais pas parlé… »

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Pourquoi le fait de penser est-il important ? Pourquoi ce que pense quelqu’un d’autre constitue-t-il une différence ? Cependant, « Allez et enseignez toutes les nations » demeure un mandat, même lorsque de grands efforts, incluant la persécution, sont faits pour empêcher que ce qui doit être enseigné soit proposé. Mais si les gens « n’entendent » pas l’Évangile, seront-ils sauvés d’une autre façon que celle qui fut édictée dans le mandat original ? Menez la vie que vous pensez bonne, quelle qu’elle soit, tout ira bien. Pas de souci. Pas besoin de contrarier quiconque.

Dans le livre « Islam » de Bernard Lewis et Buntzie Churchill, la question de la diversité et de la tolérance se présente. Ils maintiennent que deux types de religions existent : l’un est relativiste, l’autre est triomphaliste.

La religion relativiste stipule que « tout comme les hommes ont inventé différentes langues pour se parler, ils ont inventé différentes religions pour parler à Dieu, et Dieu les comprend tous. »

La façon de voir triomphaliste, que partagent les chrétiens et les musulmans, considère que Dieu a révélé à l’un ou l’autre Son « message ultime à l’humanité, que leur devoir consiste à ne pas le garder comme les juifs, les hindous ou d’autres, mais à apporter au reste de l’humanité. »

Évidemment, l’islam et le christianisme peuvent tous les deux se tromper. Ils ne peuvent pas avoir raison simultanément. Le christianisme ne peut pas considérer que la révélation musulmane remplace et corrige ses erreurs. L’islam considère que la Trinité et l’Incarnation sont impossibles.

La présupposition relativiste est que « la religion » est une création de l’homme. C’est une forme de justice. Ni le christianisme, ni l’islam, ne pensent avoir développé une religion par une action humaine. Des directions séparées ont été données à chacun sur ce qu’est Dieu et ce que chacun doit faire. Une connaissance exacte de Dieu est quelque chose que Dieu veut que les hommes sachent.

Le doux Christ est souvent plus rude que nous ne l’admettons. Au chapitre 15 de l’évangile de Jean, les croyants s’entendent dire que le monde les haïra.

Mais il l’a haï, Lui, d’abord. Le monde aime celui qui accepte sa façon de penser et de faire. De plus, les disciples du Christ furent choisis. Pas d’auto-sélection dans ce cas-là. Les chrétiens doivent s’attendre à être traités comme le fut le Christ.

Aujourd’hui, de nombreux chrétiens sont traités exactement comme le fut le Christ. C’est plutôt étrange : « Et ils feront cela en Mon Nom parce qu’ils ne connaissent pas Celui qui m’a envoyé. » « Connaître le nom », c’est savoir ce qu’est la chose nommée.

Chez Jean, ces paroles énigmatiques viennent ensuite : « Si je n’étais pas venu et que je ne leur eusse pas parlé, ils seraient sans péché mais, comme Je l’ai fait, ils n’ont pas d’excuse à leur péché. » Des mots émoussés. Le passage de Jean n’est pas toute la révélation, mais nulle part dans la révélation ces mots ne sont rejetés ni déniés. Le Christ est rejeté parce que le Père l’est.

La question initiale était : « Pourquoi la pensée a-t-elle de l’importance ? » Que nous aimions cela ou non, nous devrions savoir certaines choses.

L’Incarnation s’est produite pour que nous les connaissions. Aucune des manières de parler de Dieu n’était adéquate. Les mauvaises façons de concevoir Dieu ne sont pas que des réflexions neutres. Si nous n’avons pas une idée juste sur Dieu, nous n’en aurons pas sur ce qui est le plus important pour nous. Par conséquent, s’ils M’ont « persécuté », ils vous persécuteront.

L’accusation contre Dieu vient indirectement de Judas. Il vaudrait mieux qu’il ne fût pas né (Mc, 14-21). Donc, Dieu lui-même est la cause de nos problèmes en envoyant le Christ nous informer plus clairement sur qui est Dieu et sur ce qu’Il est. Donc, si le Christ n’était pas venu, ce péché n’existerait pas. Au premier abord, cela semble une bonne affaire.

Cependant, Dieu rejette évidemment cet argument de « ne pas L’envoyer parmi nous pour nous éviter le péché ». Pourquoi ? Nous nous le demandons.
Aujourd’hui, le caractère unique, la dignité et l’autonomie humaine sont principalement érigés sur la prémisse que la liberté est avant la vérité. Mais en Dieu, la liberté suit le Père, et le Verbe suit ce qu’est Dieu. Cette séquence est également vraie en nous : « Ils ne connaissent pas Celui qui m’a envoyé. » Donc, la question la plus importante de l’être humain a à voir avec Celui qui a envoyé le Christ, la Parole, dans le monde. Le Père accomplit son œuvre de création d’êtres finis tels que nous en envoyant Son Fils dans le monde.

En ce monde, le Christ fut et est rejeté par beaucoup. Le drame se poursuit en chacun de nous tout le temps. Ce n’est pas quelque chose dans un passé imprécis, mais quelque chose dans le présent vivant. Nous choisissons de ne pas le voir. « Si je ne leur avais pas parlé, », il n’y aurait pas de péché. Le péché consiste à ne pas reconnaître ce que nous sommes. Ce refus est la liberté sans parole.

Cette dernière liberté est un enseignement que l’on trouve presque partout aujourd’hui, y compris dans l’islam. Le christianisme signifie évidemment qu’aucune liberté véritable n’existe sans le Verbe sui est relié à Celui qui a envoyé le Christ dans le monde. Voilà pourquoi le fait de penser a de l’importance.

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Illustration :
La pierre angulaire, par J.J. Tissot, c. 1890 [Brooklyn Museum]


James V. Schall, S.J., qui a servi comme professeur à l’Université de Georgetown pendant trente-cinq ans, est un des écrivains catholiques les plus prolifiques d’Amérique. Parmi ses récents ouvrages figurent The Mind That Is Catholic (L’esprit qui est catholique »), The Modern Age (« l’Âge moderne »), Political Philosophy and Revelation: A Catholic Reading (Philosophie politique et révélation : une lecture catholique »), Reasonable Pleasures (« Plaisirs raisonnables »), et, tout neuf aux Presses de St Augustin, Docilitas: On Teaching and Being Taught (« Docilité : sur le fait d’enseigner et d’être enseigné »).