Sauver l'Italie : continuer de sanctifier le jour du Seigneur - France Catholique
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Sauver l’Italie : continuer de sanctifier le jour du Seigneur

Traduit par Bernadette Cosyn

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J’ai récemment pris l’avion entre la Pologne et l’Italie, deux pays d’Europe extrêmement catholiques. La route vers l’aéroport de Modlin traverse la périphérie de Varsovie : un mélange de banlieues cossues, le nouveau et impressionnant Temple de la Divine Providence dans le quartier de Wilanow, des champs de blé et d’arbres fruitiers, et des zones moins prospères. Vous ne pouviez manquer de remarquer que, à de très rares exceptions près, les commerces, centres commerciaux et chaînes de magasins – même les Starbucks – étaient fermés. En novembre 2017, le Parlement Polonais a voté la suppression progressive de l’ouverture dominicale des magasins d’ici 2020, et Varsovie s’y est déjà mis. L’idée, pour les Polonais, était de passer davantage de temps avec leur famille et moins de temps à faire les magasins.

La situation en Italie était très différente. Autour de l’aéroport de Ciampino, les magasins et supermarchés étaient ouverts le dimanche. L’Italie est l’un des pays d’Europe les plus dérégulés en matière d’activités commerciales. Les magasins peuvent rester ouverts aussi longtemps qu’ils le souhaitent et faire autant d’affaires qu’ils veulent.

La libéralisation du commerce a été introduite par ‘Salva Italia’, le décret ‘Sauver l’Italie’ de 2011 : les magasins peuvent rester ouverts 24 heures par jour, tous les jours de la semaine y compris dimanches et jours fériés. Ils paient davantage les salariés, généralement 30% de plus, s’ils travaillent les dimanches et jours fériés.

Selon une étude récente, 4,7 millions d’Italiens ont travaillé le dimanche. L’intention du gouvernement en approuvant ce décret était de sauver l’Italie d’un effondrement économique et de favoriser la consommation et l’emploi.

Cependant, cela n’a pas fonctionné comme prévu. La dérégulation n’a pas engendré une explosion du PIB, le chômage n’a pas diminué en Italie et cette politique semble avoir eu un effet négatif sur le bien-être spirituel des travailleurs.

Les pays comme l’Allemagne, l’Autriche et la Pologne, qui ont tenté par le passé la libéralisation des activités commerciales ont fait marche arrière, rejetant les ouvertures de magasins et les activités commerciales inconsidérées les dimanches et jours fériés.

Alors, ‘Salva Italia’ a-t-il sauvé l’Italie ?

Manifestement non. Les syndicats italiens et l’Eglise Catholique se sont fait beaucoup entendre, critiquant le travail du dimanche et des jours fériés. Ils ont fait valoir que prolonger les activités commerciales nuisait aux droits des travailleurs ; l’Eglise a ajouté que le travail prolongé du dimanche nuisait aux droits des croyants.

L’Eglise Catholique a constamment enseigné que le dimanche appartient au Seigneur, et que le Jour du Seigneur devait être centré sur le Seigneur et la famille. Chaque dimanche, les fidèles du Christ se rassemblent à l’église pour écouter la Parole de Dieu et prendre part à l’Eucharistie, se rappelant la Passion et la Résurrection du Christ et remerciant Dieu qui « dans sa grande miséricorde nous a fait renaître, par la résurrection de Jésus-Christ, pour une espérance vivante. » (1 Pierre 1:3)

Dans son homélie n°16, intitulée « Le jour du Seigneur », Eusèbe d’Alexandrie, un écrivain ecclésiastique du cinquième siècle, a expliqué pourquoi le Jour du Seigneur appartient exclusivement au Seigneur et non au travail. Le saint Jour du Seigneur est un mémorial au Seigneur : « il est appelé le Jour du Seigneur car il est le Seigneur des jours de la semaine ».

Selon Eusèbe d’Alexandrie, dimanche est le début de la Création, le jour de la Résurrection et le commencement d’une nouvelle semaine. Ce commencement en trois volets symbolise la Sainte Trinité. Dieu a accordé à son peuple six jours pour travailler et un pour prier et se reposer – et ne pas travailler : « malheur à tous ceux qui, le Jour du Seigneur, jouent de la cithare, dansent, poursuivent en justice, travaillent, prêtent serment ou obligent d’autres à prêter serment, parce qu’ils seront condamnés au feu éternel et leur destin sera avec les hypocrites. Même essayer d’aider les pauvres en les faisant travailler le dimanche n’est pas juste. Les esclaves, les embauchés, le bétail, tous ont besoin du repos du dimanche. »

Le pape Benoît XVI, dans une homélie du 09 septembre 2007 à la cathédrale Saint-Etienne de Vienne, a dit :

Sine dominico non possumus ! Sans le don du Seigneur, sans le Jour du Seigneur, nous ne pouvons pas vivre : telle était la réponse donnée en l’an 304 par les chrétiens d’Abitène (dans l’actuelle Tunisie) quand ils ont été pris à célébrer l’Eucharistie dominicale interdite et amenés devant le juge. On leur avait demandé pourquoi ils célébraient l’Eucharistie dominicale alors même qu’ils savaient que c’était un crime capital. Sine dominico non possumus… Pour ces chrétiens, l’Eucharistie dominicale n’était pas un commandement, mais une nécessité intérieure. Sans le Seigneur comme soutien pour nos vies, elles sont vides. Faire sans ou trahir ce point va priver la vie de son fondement, lui ôter sa beauté et sa dignité intérieures.

En Italie, beaucoup de travailleurs sont forcés par leurs employeurs à travailler en équipe les dimanches et jours fériés, privant ainsi la famille de se réunir et de passer du temps ensemble. Dans certains cas, les parents travaillent en équipe tout au long de la semaine et les moments passés ensemble en famille deviennent une rareté.

L’ouverture dérégulée des magasins et centres commerciaux ne laisse pas de place pour autre chose de différent, ou une rupture salutaire d’une routine commerciale afin d’apprécier d’autres aspects de la vie – pourtant à cet égard l’Italie a beaucoup à offrir ! En 1891, dans son encyclique ‘Rerum Novarum’, le pape Léon XIII a expressément demandé que la législation protège le repos dominical :

Se reposer du travail ne doit pas être compris comme donner du temps à la paresse ; il doit encore moins être l’occasion de dépenser de l’argent ou de s’adonner à des plaisirs coupables comme vont faire certains ; il devrait être le repos du travail sanctifié par la religion. Le repos (couplé à la pratique religieuse) dispose l’homme à oublier pour un temps les problèmes de la vie quotidienne.

L’actuel ministre du travail italien, Luigi di Maio, a déclaré le 21 juin dernier qu’il veut rediscuter le décret sur le travail dominical de l’ancien premier ministre Mario Monti, ajoutant : « nous devons essayer de combattre la précarité et d’éliminer l’exploitation. » C’est peut-être un premier pas pour réellement « salva Italia » – en sanctifiant toujours le Jour du Seigneur. C’est une leçon dont les autres pays feraient bien de s’inspirer.

Ines Angeli Murzaku est professeur d’histoire de l’Eglise à l’université de Seton Hall. Son travail exhaustif sur l’histoire du christianisme, le catholicisme, les ordres religieux et l’œcuménisme a été publié dans de multiples articles érudits et dans cinq livres.

Illustration : « Le bénédicité », tableau de Fritz von Uhde, 1885 [Ancien musée national, Berlin]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/07/08/salva-italia-keeping-the-lords-day-holy/