Romans scouts - France Catholique

Romans scouts

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Bonjour,

Je me doutais que le Père Verdin publierait quelques lignes chez vous sur
ces deux romans dont il est partie prenante.

Pour ma part, j’ai été chef d’unité de 1984 à 1995. Je me suis
empressé de les commander (suite à la présentation faite dans Famille
Chrétienne), alléché par ce qui semblait être des récits plus profonds
que les romans habituels. J’imaginais déjà pouvoir les offrir et les
recommander.

Enorme déception. Et je vais vous exposer mon point de vue après la
lecture de ces deux livres, lus dans la même journée, l’un après
l’autre, jeudi 20 mars.

Un style accrocheur, quoique un peu confus tout de même, et des
personnages croqués dès le début, d’une manière un peu humoristique.
C’est le côté sympathique. Même si le vocabulaire est parfois trop
adapté à la réalité, en contradiction avec « la noble horreur de la
vulgarité » héritée du Père Sevin.

Mais l’enthousiasme s’est vite dégonflé. Je me suis ennuyé rapidement
à ces histoires répétitives de bastons et de violence, tournant les
pages en espérant plus.

Ces livres sont comme la grenouille qui voulait être plus grosse que le
boeuf.

Un esprit proche du paganisme à la Jean-Louis Foncine, l’imagination
aventureuse en moins.

De la marche et de la baston. C’est un peu court pour deux tomes. L’auteur
aurait pu développer l’aspect vie de patrouille, relation entre scouts, et
aussi historique (citer des titres et des noms, c’est un peu léger). Il
aurait pu approfondir le questionnement intérieur des grands. Donner des
pistes de progression. Rien.
Le « grand » jeu se limite vite à du terre à terre mis en scène avec un
certain panache, certes. Avec la prise de foulard comme rengaine. Ça ne
suffit pas à faire même une bonne aventure.

En quoi ces garçons sont-ils scouts? Ce qu’ils vivent là pourrait se
dérouler dans n’importe quelle colo. Un aspect sportif développé,
surtout des conflits. Pas d’encadrement.
Quid du service? De l’engagement? De la Promesse?
Ces garçons de 17 ans font vraiment immatures. Kleb et Tophe sont plus
intéressants, même s’ils sont survolés.

Certes, les personnages apparaissent attachants au premier abord. Mais ils
restent très creux tout de même. En particulier ce Iaume. On n’en sait
finalement pas beaucoup sur lui, après deux livres.

Il y a bien quelques tentatives d’approfondir, mais ça ne va vraiment pas
loin. Les quelques allusions à la Promesse sont une approche idéalisée,
fantasmée, idolâtrée et finalement non identifiée d’un rêve flou. Qui
reste à l’état de fantasme, de mélancolie: l’évocation de la Promesse
ne débouche sur aucune tentative pour incarner cet engagement, ou le
renouveler.
Le livre nous parle de droiture, de franchise et de pureté. Bon. La
Promesse que j’ai faite était un engagement à Servir (Dieu, etc), à
Aider (mon prochain, etc), et à observer la Loi. D’abord tourné vers
autrui. Ici, qu’en est-il du Don de soi?
On dirait aussi que l’auteur est resté coincé à un stade de nostalgie
de ses 12 ans. Qu’il n’a pas mûri en grandissant. Ses personnages le
suggèrent fortement.

Iaume a une complaisance morbide dans l’autodénigrement. Il est
profondément égocentré et assez violent. En un an, il ne semble pas
avoir progressé. Les quelques infimes allusions spirituelles ne
débouchent sur rien de concret. Dommage, il y avait de belles pistes à
développer pour aider de nombreux jeunes qui ne s’aiment pas. Tant sur le
plan psychologique que sur le plan spirituel.

L’idée du garçon en crise (l’adolescence n’est pas systématiquement en
crise) était intéressante. Dommage qu’on reste au fond du trou. Evoquer
les interrogations, somme toute assez superficielles ici (il s’ennuie, mais
on ne pose pas la question du sens de la vie), d’un adolescent en fin de
troupe était une piste qui aurait pu donner lieu à des éléments très
riches. Iaume n’a aucune référence pour nourrir sa progression. Les chefs
et l’aumônier sont fantomatiques. On sait qu’ils existent, mais c’est
tout. On comprend alors que son univers de petits jeux le lasse. Il n’a pas
été initié au grand jeu du Service.
Quid de la relation CT-CP et de l’accompagnement spécifique apporté par
l’adulte au jeune chef adolescent auquel une patrouille est confiée?
L’investiture engage le CP à servir avec douceur et humilité. Dans le 2è
tome, Iaume est CP depuis un an, on dirait qu’il n’en a jamais entendu
même parler. Quant à s’y être exercé, avoir fait le point avec son
CT…

La dimension spirituelle est à peine effleurée. En outre, elle apparaît
comme un cheveu sur la soupe. Et ces évocations ne conduisent à rien.
Iaume rencontre une statue du Sacré Coeur. Et plus rien. Rien dans sa vie,
rien dans sa relation à ses garçons, rien au niveau de sa
responsabilité. Il a vu une statue. Point.
Là encore, on nous donne à voir une troupe où les adultes, chefs et
aumônier, sont absents. Or, dans les troupes, en général, on procure un
accompagnement spirituel certain.

Alors, quid du soit disant royaume? Après avoir exposé des garçons qui
se battent, se disputent violemment, et s’enfuient dans la solitude (avec
parfois une once de contemplation et de rêve). Pas exaltant.
Ce « royaume » mentionné par l’auteur me fait penser au Cercle des Poètes
Disparus. Le titre embrase l’imagination… le résultat: on se cache (dans
ce film qui je n’ai pas aimé) pour fumer et mater des images de pin-up
même pas nues. Dérisoire.

Les livres ne sont finalement pas constructifs du tout, au contraire. Ils
donnent à voir des garçons assez paumés qui ne progressent pas, un angle
de vue sur le scoutisme très étroit et déformant. Peut-on encore parler
de scoutisme? De roman scout?

Que peut-on en tirer de positif pour la construction de la personnalité?
Du développement de la Foi (c’est à peine effleuré, et plutôt en
négatif tout de même), de l’Espérance (le héros a une tendance assez
morbide, son mal être ne reçoit aucune réponse solide), de la Charité
(que de violence – et d’égoïsme – entre les garçons, et pas ou presque
de bienveillance ou d’amitié)?

Pour ma part, je déconseillerai vraiment la lecture de ces ouvrages. Aux
jeunes scouts qui ont besoin de lectures moins déprimantes, d’être
invités au dépassement de soi; aux chefs qui n’y trouveront rien de
nourrissant… sinon peut-être une invitation à ne surtout pas délaisser
leurs CPs!

Eric