Réfugiés à Lyon - L'accueil c'est maintenant - France Catholique
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Réfugiés à Lyon – L’accueil c’est maintenant

Connu pour son engagement dans le dialogue interreligieux avec les musulmans, le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, est aussi en pointe du soutien aux chrétiens du Proche Orient.

Propos recueillis par Vincent Aucante

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■ Comment a commencé l’aventure lyonnaise avec les chrétiens d’Orient vivant en Irak ?

Tout a commencé en mars 2014. À l’occasion d’un colloque organisé par l’Université catholique de Lyon sur les rapports entre les chrétiens d’Orient et l’islam, sujet particulièrement délicat, j’ai rencontré le nouveau patriarche des chaldéens, Mgr Sako. Une amitié s’est nouée et nous sommes restés en contact. Après la prise de Mossoul, je lui ai fait part de mon intention de venir visiter les chrétiens en Irak. Il en a été à la fois surpris et très heureux, car alors personne ne venait les voir.
Avec mes confrères, Mgr Dubost, évêque d’Évry, et Mgr Gollnisch, directeur général de l’Œuvre d’Orient, nous avons programmé cette visite pour la fin du mois de juillet 2014. Mais entre-temps, juste avant que nous n’arrivions, les chrétiens ont été expulsés de Mossoul. Et nous nous sommes retrouvés à écouter pendant plusieurs jours ces chrétiens réfugiés à Erbil, Karakosh, Alkosh, Kirkouk. J’ai alors proposé de créer un jumelage entre Lyon et Mossoul tant que nos frères chrétiens resteront expulsés de cette ville. Et depuis, je dis chaque jour le Notre-Père en chaldéen, en union de prière avec les chrétiens d’Irak.

■ Comment ont réagi les Français à cette initiative ?

Les réponses ont été nombreuses, de tous horizons, et d’une manière générale les Français se sont montrés très généreux. Grâce aux dons, nous avons d’abord contribué à leur apporter des logements, des vêtements, de la nourriture. D’autres initiatives se sont mises en place, avec l’Œuvre d’Orient notamment. La fondation Merrieux s’est aussi engagée sur le terrain.
Le 6 décembre 2014, je suis retourné à Erbil célébrer en anticipation la fête des lumières si chère aux Lyonnais. Au terme d’une procession mariale dans le quartier chrétien, nous avons pu voir en direct le témoignage du Pape projeté dans la rue sur écrans géants.

■ Comment se poursuit à présent votre action ?

Nous avons vu l’an passé qu’il manquait une école : il y avait bien des instituteurs, des enfants, mais pas d’école. Nous avons donc fondé l’école saint Irénée à Erbil cet été. Elle est tenue par les syro-catholiques et accueille 900 enfants de toutes confessions.

■ Quel est selon vous la principale difficulté aujourd’hui ?

Leur moral est bas. Ils pensaient retrouver assez rapidement leurs maisons, et ils ont été détrompés par la réalité militaire du terrain. Loin de s’effondrer, DAESH est riche et bien armé, et semble même s’être renforcé.

■ Comment ont réagi les chrétiens irakiens à l’appel du pape François demandant aux paroisses françaises d’accueillir migrants et réfugiés ?

L’appel du Pape n’a rien changé sur le terrain. Les chrétiens sont très divisés entre eux : certains veulent rester à tout prix, et d’autres ne pensent qu’à partir. Malheureusement, il existe un décalage important entre les patriarches, qui espèrent faire rester les populations, et de nombreux croyants qui décident de partir.

■ Et chez vous, comment les paroisses lyonnaises ont-elles répondu à cet appel ?

Il faut préciser que l’appel du Saint-Père concerne les migrants qui ne sont pas tous des réfugiés. Nous avons constitué une cellule à l’évêché pour coordonner les actions et les initiatives pour l’accueil des migrants et des réfugiés. Toutes les bonnes volontés peuvent s’y faire connaître, tant pour mettre à disposition des logements que pour aider comme bénévoles ou pour soutenir financièrement.

Il y a eu de nombreuses réponses à l’appel du Pape : 30 familles de migrants albanais ou kosovars de toutes religions sont généreusement accueillies par nos paroisses. Les paroisses lyonnaises se sont vraiment engagées, en lien avec les mairies et la préfecture.

Je pense par exemple à la paroisse et à la mairie de Limonest qui se sont adressées aux sœurs du Prado pour leur demander d’assurer l’hébergement d’une maman et de son petit garçon, tandis qu’elles prenaient en charge l’accompagnement. Il y a eu aussi l’engagement de la mairie de Craponne qui a accueilli en urgence 14 familles albanaises dans une maison paroissiale dépendant du diocèse, avec une équipe de bénévoles de la paroisse, tous très engagés et volontaires pour recevoir ces migrants.
La Maison du Rhône a assuré l’accompagnement social. Ces familles restent autonomes, notamment pour la nourriture. Et puis tant d’autres exemples de dévouement et de générosité…

■ Et les réfugiés proprement dits ?

Ils vont arriver. Nous attendons des Syriens dans les prochaines semaines.

■ Quelle serait votre recommandation à ceux et celles qui seraient tentés par cette aventure ?

Je dois dire qu’il est très important de ne pas faire cet accueil à titre individuel, en se reposant seulement sur notre bon cœur : il faut faire attention, se faire aider pour les questions d’ordre médical, scolaire, administratif, social… Une famille d’accueil doit se faire accompagner par des bénévoles, en lien avec sa paroisse et avec sa mairie.
L’implication du tissu associatif existant est un facteur essentiel de réussite : il faut l’impliquer dans cette démarche. Le rôle des accueillants volontaires est de proposer l’hébergement, d’apporter une chaleur humaine au quotidien. Ils doivent absolument pouvoir se reposer sur les structures qui sont en place pour les démarches administratives et les autres facettes de l’accueil des réfugiés.

■ Peut-on craindre une compétition entre les associations qui s’occupent des SDF et des autres personnes en difficulté en France et dans le monde, et ces initiatives nouvelles au profit des migrants et des réfugiés ?

On pouvait le craindre, mais je constate que ce n’est pas le cas. Quand on demande plus, les gens donnent plus, avec générosité, plus encore que ce qu’on avait pu imaginer.