Reconnaître le Christ et vivre de sa Passion - France Catholique

Reconnaître le Christ et vivre de sa Passion

Reconnaître le Christ et vivre de sa Passion

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Il est parfois nécessaire, au-delà de notre « Credo », de reformuler ou de réinventer pour soi-même la foi reçue de nos pères. En revenant ce matin du studio d’enregistrement de RCF Anjou, je me suis aperçu que j’étais dans un état de joie explosive : simplement parce qu’il m’avait fallu expliquer en cinq minutes le « pourquoi » de la conférence que j’allais donner ce soir même en l’Université catholique d’Angers ! En précisant notamment ma certitude que le Linceul de Turin est sans contestation possible le dernier vêtement de Jésus de Nazareth, ce qui s’est traduit, tout au long de mon retour à la maison, par une énumération de tout ce qui justifiait ma foi en ce vrai Dieu, en ce vraiment homme. Oui, il arrive que l’on soit pleinement heureux d’être de ses fidèles, mieux, de ses amis ; mieux encore : de ses frères.

Petit frère de rien du tout certes, mais la foi ne consiste pas à s’estimer, à se croire de quelque importance ou même de quelque petitesse : l’oubli de soi vient alors si naturellement que l’on se retrouve être au-delà même de la conscience de qui l’on est… parce que saisi tout entier par la conscience de qui est notre Sauveur.

« Et vous, que dites-vous de Moi », interroge Jésus, et Pierre, dans une inspiration lumineuse venue de l’Esprit-Saint, déclare : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! »… À la Pentecôte, avec plus de vigueur, de certitude, il ajoutera : « Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que ‘’vous’’ avez crucifié ! ». Le « vous » dont use le premier des papes nous comprend tous aujourd’hui encore : ce « vous » englobe l’humanité entière… Pas un seul pécheur pour prétendre véridiquement qu’il n’est en rien responsable des insultes, des crachats, des morceaux de barbe arrachés, des coups de poing au visage, des appels au meurtre ; aussi de l’arrestation fort insidieuse, de la danse horrifique des deux bourreaux armés du fouet romain qui causèrent, en cour de supplice et de par le nombre inouï de coups potentiellement mortels reçus par la Victime expiatoire, la première mort dont elle dut annuler la survenue ; encore des épines enfoncées tout autour du crâne, du Portement de la « Crux sublimis » que Siméon le Cyrénéen fut, sans ménagement, obligé par les soldats d’aider Jésus qui allait sombrer d’épuisement ; de l’enclouage des poignets avec des clous de huit millimètres de diamètre, des deux pieds avec un seul clou géant d’un centimètre de côté : la violence de ces tiges de métal enfoncées dans sa chair ne peut être qu’inimaginable ; il faut également évoquer les infection et inflammation dues à la flagellation et qui provoquèrent des douleurs effrayantes des deux plèvres, au sein de sa poitrine…
Oui, il faut, à chaque pécheur, oser prendre conscience de l’événement en tous ses aspects pour en venir enfin, dans une contrition résolue, parvenir à la demande d’un « Pardon » dont alors on ne peut que reconnaître qu’il procède d’un amour infini. Certes, pour l’apôtre Pierre, dire de Jésus qu’Il est le « Fils du Dieu vivant » c’est s’avancer en l’inconnu de ce Dieu Père, c’est découvrir en une affirmation insensée ce que jamais jusque-là il n’aurait pu penser ou croire : cet aveu soudain est exorbitant pour un juif, il faut le concevoir. Et pourtant, ce sont ces mots-là qui un jour le conduiront à Rome sur la croix inversée qu’il exigea pour lui.

Et moi, à la suite de saint Pierre, j’affirme cela qui est tout aussi insensé aujourd’hui quoique tout aussi nécessaire, tout aussi véridique car de cette « reconnaissance » de qui est Jésus découle toute l’histoire de l’Incarnation. Une histoire qui s’impose comme la seule issue ouvrant la porte qui va du Temporel vers l’Éternel comme, en origine, fut dans l’autre sens la porte qui se referma sur le seul Temporel…

Quand Jésus déclare « Qui Me reconnaît pour celui que Je suis, je le reconnaîtrai devant le Père ; qui ne Me reconnaît pas Je ne le reconnaîtrai pas devant le Père ». D’emblée je comprends comme une évidence que Jésus ne pouvait pas s’exprimer autrement, Lui venu pour nous arracher à la mort, celle qui s’origine en le « péché initial », rien de moins, rien de plus pour les Humains que refuser de vivre avec le Père afin, étant ainsi libres de se croire maîtres de l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, de le conquérir et d’ainsi posséder la Création : soit, en somme, devenir l’égal de Dieu puisque disposant d’un réel pouvoir susceptible d’évacuer ce Dieu si encombrant, si présent, si écrasant de par sa grandeur. Nous sommes, en ces jours que nous vivons, au plein de cette prétention dont l’Orgueil initial est toujours l’inspirateur.

Un interlocuteur m’a récemment avoué qu’il trouvait « la déclaration de Jésus dure à entendre ». Certainement, mais la parole du péché d’origine fut dure aussi à entendre pour le Père qui attendait de l’Homme, sa créature la plus belle, d’accepter pleinement de se situer au cœur de son Arbre de Vie, en la plénitude de son Ordre de l’Amour. D’une pénibilité d’ailleurs bien davantage insupportable que ce que nous fit entendre le Christ : ne nous suffit-il pas de dire, en toute sincérité, notre Acte de Foi pour nous retrouver inclus dans la première partie de ce qu’Il avance ?

Si Jésus n’était qu’un homme tel que nous et non le Fils de Dieu, aurait-Il pu être en mesure d’accomplir sa mission de salut en ces jours d’autrefois comme en ces jours de notre présent ? Sa Passion serait restée assurément un événement tragique mais sans la moindre efficacité salvatrice : alors sa mort aurait été impuissante à traverser « La Mort » par une quelconque victoire, celle même dont nous avons besoin pour sortir de la prison en laquelle depuis toujours nous enclot le péché, d’origine aussi bien qu’actuel. Sa résurrection ne serait qu’un mot nul, une idée folle, un concept absurde, non une réalité vivante ; l’« Amour infini », qu’Il avoue être le Royaume éternel, ne signifierait pour nous rien de plus qu’une utopie sans intérêt ; le Salut qu’Il annonce comme enfin accompli ne paraîtrait qu’une indigente chimère. Les miracles, langage nouveau, qu’Il multiplia n’auraient jamais pu être ainsi semés : surtout ceux qui ont avec tant d’éclat manifesté sa puissance dominatrice sur les vents, les eaux, la terre.