Reconnaître Jésus - France Catholique
Edit Template
Van Eyxk, l'art de la dévotion
Edit Template

Reconnaître Jésus

915/

Copier le lien

Notre dimanche des Rameaux a été des plus humide en même temps que jour d’élections départementales. Comme ma femme fait partie du Conseil municipal, tout son après-midi comme sa soirée seront absorbés par ses obligations électorales. J’en profiterai, me suis-je dit, pour coucher dans mon Journal quelques notes sur la fête des Rameaux…

Départ pour la bénédiction des branches à feuilles et la messe. Je suis parti sans penser à cueillir des buis ou même des lauriers : ne restaient à l’entrée de l’église que des tiges étroites d’une sorte de plante inconnue peu adaptée, à mon point de vue, à l’usage que j’en fait d’ordinaire, signaler dans chaque pièce de la maison l’emplacement d’une sculpture de Dieu le Père, d’une croix portant le Crucifié, d’une icône russe où Marie tient l’Enfant-Dieu dans ses bras, d’une photographie reproduisant le Visage du Christ de Feuges près de Troyes : ce Christ admirable, sculpté par le Maître de Chaource au début du XVIe siècle, fait partie du petit nombre que je connaisse de « Christ en Croix » qui soit qualifiables de vrais chefs-d’œuvre. (Il existe en effet, et selon mon point de vue, de « faux » chefs-d’œuvre… Je pense à certains dessins contemporains entrevus lors d’expositions d’art réputé sacré.)

Fête des Rameaux, fête des cris de joie, des illusions aussi. « Le lendemain (du jour où Marthe et Marie reçurent leurs amis, surtout Celui qui avait la veille réanimé son ami Lazare quoiqu’il fut mort depuis au moins quatre jours), une foule nombreuse de gens vinrent à la fête ayant entendu dire que Jésus se rendrait à Jérusalem: ils cueillirent des brassées de grandes palmes et allèrent au-devant de Lui en criant  »Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël ! » Jésus, trouvant un ânon, s’assit dessus, selon ce qui est écrit : ‘’Ne crains point, fille de Sion, voici ton roi qui vient assis sur le petit d’une ânesse’’… »

Saint Jean 1, quelques versets plus hauts, avait précisé que le banquet de Marthe et Marie eut lieu le sixième jour avant la Pâque, le samedi du grand Shabbat, ce qui permet de situer la réception à Béthanie le lendemain du précédant shabbat. Certes, Marthe aurait pu choisir l’heure où tout shabbat s’achève, soit après six heures du soir, mais quand donc aurait-elle pu procéder aux innombrables préparatifs d’un tel repas ? Elle ne pouvait en aucun cas y songer pendant les heures interdites à tout effort, à tout travail. Restait le soir du jour suivant : ce qui permet de penser que l’entrée à Jérusalem se déroula au matin du Lundi-Saint.

Saint Jean ne retient que la concordance entre le texte biblique et l’événement de ce jour dit justement « des Rameaux » ; Jésus en effet entra dans Jérusalem comme indiqué par la prophétie et c’est bien sur une telle monture qu’autrefois les rois de Judée entraient dans leur capitale. Non pas par humilité mais tout simplement parce que les ânes étaient plus appréciés que les chevaux : c’est eux qui assuraient au mieux l’ensemble des transports et donc la vie pratique des juifs…

Jésus n’emprunte donc pas cet ânon par humilité : s’il veut indiquer qu’en effet il est roi – mais un roi d’une tout autre nature que nos rois temporels et temporaires –, il poursuit sa démonstration par la parole qu’Il est bien celui qui est annoncé par les Écritures. Mais il faut ici préciser un point décisif : Jésus ne vient pas pour être couronné roi par la foule, même si ses amis n’attendent que cela, il vient pour entrer dans sa Passion.

Il a déjà expliqué maintes fois à ces disciples et à ses apôtres qu’il n’était pas venu pour cette gloire et ces applaudissements : plusieurs fois ne leur a-t-Il pas reproché de ne pas l’écouter, lui qui veut absolument être reconnu pour « Celui qu’Il est et pour ce qu’il fait » ? Or, ici précisément, les hiérosolymitains qui l’acclament le prennent pour celui qu’Il refuse absolument d’être pris. L’erreur de la foule se comprend naturellement : la réanimation de Lazare est en quelque sorte, pour elle comme d’ailleurs pour les apôtres, un argument majeur pour justifier qu’il devienne le roi d’Israël, sans se douter un seul instant qu’elle se trompe. Les apôtres dont il n’est pas fait mention n’ont pas d’excuse à faire valoir : plusieurs fois Jésus leur a fait comprendre quelle était sa mission, en aucun cas la royauté selon leurs vues, mais la mort sur la croix.

Souvent, ayant à développer la méditation sur la Passion de Jésus selon le Linceul, je fais démarrer l’exercice au repas donné à Béthanie par les sœurs de Lazare puis à la fête des Rameaux : car en ces deux lieux s’ouvre le cœur de chair du Seigneur. Sa souffrance en effet est prévisible quand Judas se lève pour quitter le repas : Jésus aime son apôtre à égalité avec tous les autres de ses « amis » alors que Judas part afin de préparer sa trahison. Selon des cardiologues, une réaction spasmodique de son cœur de chair ne peut que se produire alors qu’une intense tristesse ne peut qu’accabler son âme et son esprit. Il en sera de même au second départ.

Revenons à l’entrée dans Jérusalem. Jean ne perçoit pas la souffrance de son Maître, mais nous comment pourrions-nous l’ignorer, alors que nous connaissons de foi la souffrance qu’il éprouve quand on le ne le prend que pour un grand homme : un sage, ou même un prophète… Quand on détourne le sens de ses paroles, quand on les nie ?

Qui supporterait d’être pris pour un autre ? Comment penser que ces ovations mille fois répétées à l’entrée de Jérusalem afin de saluer le nouveau roi auraient pu réjouir Jésus ? Il aime tous ceux qui viennent le saluer, mais ne peut supporter de les entendre commettre une telle confusion à son égard. Que de fois il a annoncé sa mort ! Son élévation, non sur un trône d’or, mais sur un gibet ! Ici, Jésus permet à son corps, par des douleurs cardiaques invasives, d’accompagner son âme dans la souffrance qui l’enveloppe et annonce celle qui l’accablera au Jardin du Pressoir à Olives, « Gethsémani » : ici s’ouvre réellement la Semaine Sainte.

  1. Combien étonnant le silence des trois synoptiques sur cette entrée de Jésus à Jérusalem. Les apôtres étaient-ils absents ? Jésus est-il venu jusque-là accompagné du seul saint Jean ?