Quelque chose d'enfantin - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Quelque chose d’enfantin

Traduit par Bernadette Cosyn

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Laissez-moi commencer avec Bambino Gesù. Je ne fais pas référence à l’Enfant Jésus de la loi et des Ecritures, mais à l’hôpital pédiatrique de Rome.

C’est le nom qui a premièrement retenu mon attention, il y a quelque temps, dans un article de presse et depuis la curiosité m’a pris à son sujet.

L’honorable lecteur qui attend de moi des nouvelles fracassantes restera sur sa faim. Je ne sais rien de plus que qui que ce soit ayant examiné l’endroit d’une distance de plusieurs milliers de kilomètres. Je ne connais personne y travaillant, et personne ne m’a informé d’un scandale.

Ajoutons que mes sources sont principalement en italien, une langue que je n’ai jamais maîtrisée, et que je n’ai pas de diplôme d’infirmier, bien que ma mère ait autrefois dirigé un service dans un hôpital pour enfants malades. (Selon les critères journalistiques, cela devrait faire de moi un expert.)

Si l’on consulte Wikipédia, la première chose que l’on « apprend » est que cet ‘Ospedale Pediatrico’ a subi une enquête pour corruption au moins deux fois. Une fois, il a été accusé de faire du profit. Une autre fois, aucune irrégularité n’a été trouvée.

Selon ma défunte mère, un hôpital sans scandale quelque part ne pourrait pas être un véritable hôpital ; et une enquête qui n’a rien trouvé doit avoir supprimé ce qu’elle a trouvé.

Comme les médias d’information n’en sont peut-être pas conscients, la vie dans une grande structure type se fait au jour le jour sans incidents mémorables. Honnête ou pas, le travailleur moyen effectue ses tâches (souvent rébarbatives). Seuls ceux extrêmement attentifs sont susceptibles de remarquer quelque chose.

C’est vrai également pour les petites structures.

Des générations de travailleurs ont appris que la sécurité se trouve dans la médiocrité et une bonne raison d’éviter de commettre des crimes est qu’ils attirent l’attention. (Il m’est arrivé de louer la lâcheté pour cette raison.)

Il est important de le comprendre : la vie civilisée dépend d’une discrète médiocrité. Il est également important de comprendre que lorsque quelque chose de bon arrive – quelque extraordinaire acte de charité, de miséricorde, de compassion ou autre – cela sera ignoré du monde. Seuls ceux directement impliqués seront « touchés ».

Ce n’est ni une doléance ni une critique. C’est une constatation flagrante de la marche du monde. Presque tout y est invisible.

Pour aggraver le tout, il est dans la nature des anges (apparemment les bons comme les mauvais) de faire l’essentiel de leur travail anonymement. Seuls les humains ont un motif – généralement mauvais – pour s’attribuer le mérite. (C’est une des raisons pour lesquelles nous sommes tellement peu efficaces.)

Cependant, l’idée même de Bambino Gesù me fascine. Le nom évoque une innocence qui brave le monde moderne. Pour un contemporain qui reçoit la majeure partie de son information d’internet et des médias d’information, c’est presque offensant par sa désinvolture.

Nous pouvons savoir immédiatement par le nom que cette institution a été fondée en un autre siècle. Il communique une idée théologique rétrograde. Il suggère que chaque enfant soit considéré, comme s’il était le Christ enfant, avec un amour dépassant la sentimentalité.

Il évoque un monde perdu dans lequel, par exemple, la contraception et l’avortement n’étaient pas des sujets de débats. C’étaient des crimes ; et même ceux qui les commettaient ne prétendaient pas qu’ils n’en étaient pas.

C’était un monde dans lequel l’obligation d’aider les démunis allait de soit, même quand l’obligation était évitée ou ignorée.

Bien sûr, des fragments de ce monde survivent à notre époque, mais sous une forme ouvertement sentimentale, individualiste par nécessité et signe de vertu par habitude. Ce n’est plus « ce que tout le monde croit » sans même réfléchir.

De nos jours, nous – et j’écris nous pour inclure la plupart des chrétiens – ne pouvons pas facilement envisager l’Enfant Jésus comme une histoire surnaturelle, seulement comme une histoire naturelle. Cela parce que nous ne pouvons pas nous concevoir nous-mêmes comme des entités aussi bien surnaturelles que naturelles.

Ce qui veut dire notre compréhension de la christologie est abolie, et dans un urgent besoin d’être restaurée.

Pour nous, les bébés sont mignons ou peuvent l’être. Tout comme les chiots, et à peu près de la même manière.

L’autre jour, j’ai remarqué dans un ascenseur bondé une femme se débattant avec à la fois un bébé et un petit chien. Le bébé était ignoré. Cependant le chien a été complimenté et la femme a été interrogée sur son nom. Le babillage du bébé s’adressait au chien.

Quelqu’un écrira, m’accusant d’être toujours prompt à critiquer et offrant quelque spéculation explicative. Peut-être que le bébé était familier mais que le chien était nouveau. Ma « promptitude à critiquer » fera partie des fragments de cette vision chrétienne du monde qui a été perdue.

Jusque récemment, on pouvait dire que la crèche dans un centre commercial à Noël était un autre fragment. Depuis, c’est devenu une source de controverse.

Et donc, à la fin (mais ce n’est pas encore la fin), le Bambino Gesù est devenu sujet à controverse. Le pire que l’on puisse dire à mon sujet est que je comprends la controverse.

Plutôt, ce n’est pas le pire, mais c’est déjà joliment mal. Car la bonne façon de répondre aux protestations contre le bambino en question n’est pas par une défense musclée, sûrement pas, mais plutôt par une incompréhension sans artifice.

Il se trouve que je suis père d’un enfant trisomique. Il a maintenant atteint la trentaine, mais par certains aspects, il est toujours un enfant. Il m’a plus appris sur Jésus que je n’aurais pu le faire autrement.

L’un des exemples qu’il m’a donnés est cette aptitude pour une incompréhension sans artifice quand quelque chose de « cruel et inhabituel » survient auprès de lui ou envers lui – comme c’était souvent le cas dans une cour d’école.

Que nous vivions maintenant à une époque où de tels enfants, détectés dans le sein maternel, seront presque certainement avortés, fait partie des choses qu’il ne comprendra pas ni ne tentera d’analyser. Il lui manque l’équipement mental adéquat. Les gens appellent cela une « infirmité ».

Pour un journaliste moderne, ainsi que je le sais pour en avoir été un, un hôpital dénommé « Bambino Gesù » est une cible tentante pour un exposé. N’essayons pas de comprendre l’incompréhensible.

David Warren est ancien rédacteur du magazine Idler et chroniqueur dans des journaux canadiens. Il a une profonde expérience du Proche-Orient et de l’Extrême-Orient.

Illustration : l’entrée de l’hôpital de l’Enfant Jésus à Rome

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/10/11/on-something-childish/