Que faire du temps ? défi bioéthique, défi d'écologie humaine - France Catholique

Que faire du temps ? défi bioéthique, défi d’écologie humaine

Que faire du temps ? défi bioéthique, défi d’écologie humaine

Les progrès des sciences de la vie soulèvent des questions éthiques, sociales et juridiques. C'est pourquoi la loi encadre le développement du progrès biomédical. En France, les premières lois de 1994 sur la bioéthique ont fait l’objet de révisions en 2004, 2011, 2013. La loi de bioéthique en vigueur est celle promulguée en juillet 2011. Conformément à ce qu’elle a prévu, elle doit être réexaminée dans un délai de 7 ans, soit en 2018. La révision de la loi « doit être précédée d’un débat public sous forme d’états généraux » organisés « à l’initiative du Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) pour les sciences de la vie et de la santé, après consultation des commissions parlementaires permanentes compétentes et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). à la suite du débat public, le comité établit un rapport qu’il présente devant l’OPECST, qui procède à son évaluation ». Les étapes pourraient être les suivantes : débats publics au premier semestre 2018 organisés dans toute la France par les espaces de réflexion éthique régionaux (ERER), peut-être une consultation publique via Internet (comme en 2009), puis la remise d’un rapport au gouvernement, suivi d’un projet de loi « à l’automne » et l’adoption d’un nouveau texte législatif début 2019. Il est donc urgent de se former pour comprendre et participer.
Copier le lien

Pourquoi consacrer la cinquième édition en visioconférence de l’université de la vie à notre rapport au temps ? Quel est le lien avec les sujets de bioéthique ?

Tugdual Derville : Notre relation au temps est en mutation du fait des progrès techniques. Le sentiment d’une accélération irrépressible, d’une perte de maîtrise, d’une frénésie croissante de nos modes de vie pose à chacun des questions cruciales. Est-ce ainsi que nous voulons vivre ? Est-il satisfaisant de ne pouvoir échapper à la dernière évolution technique mais aussi à son obsolescence programmée, à ce « tout, tout de suite » éphémère qui nous coupe du temps de la nature, de ses cycles et de sa patience ? Ce sujet est intime. Mais il est aussi bioéthique car les biotechnologies ont parfois rompu avec les lois du temps. Et ce qui est en passe d’advenir mérite qu’on s’y arrête. Un seul exemple : l’explosion de la congélation d’embryons – auxquels on impose, alors qu’ils sont vivants, d’être figés dans leur évolution – induit déjà des confusions généalogiques inédites… Le post-humanisme promet d’affranchir l’homme de limites, qui, toutes, sont liées au temps, comme le vieillissement du corps et la mort. Le temps est assurément LE sujet… de notre temps !

Que souhaitez-vous apporter aux milliers de participants de cette cinquième édition ?

Notre priorité est d’aider chacun à se situer personnellement. Nous avons tous à nous libérer pour mieux habiter le temps qui nous est donné, goûter le présent, prendre du recul et distinguer ce qui mérite d’être permanent des évolutions positives. Il serait par exemple absurde de poser un regard critique sur la façon dont est maltraitée la procréation humaine (à cause d’une rupture de l’unité temps-espace) sans réaliser que nous sommes aussi largement victimes des mêmes syndromes compulsifs de frénésie consumériste. Pour définir l’objet de sa formation, Alliance VITA aime articuler deux verbes : comprendre pour agir. L’un ne va pas sans l’autre. Si les participants repartent avec des clés d’une transformation personnelle et des moyens pour aider la société à relever les défis bioéthiques, nous aurons réussi.

Les questions éthiques que vous abordez, ne sont-elles pas condamnées à demeurer à la traîne des progrès scientifiques exponentiels que connaît notre monde ?

Il ne s’agit surtout pas de condamner le progrès, notamment celui de la connaissance médicale et scientifique… Nous vivons dans un monde rempli de nouvelles opportunités. Mais il faut faire le tri. L’homme est devenu si puissant qu’il doit absolument acquérir davantage de sagesse, et d’humilité. La toute-puissance est toujours autodestructrice. Nous avons suffisamment de recul pour reconnaître que le « faisable » ne doit jamais être confondu avec le bien. Au fond, la célèbre maxime de Rabelais trouve une actualité renouvelée : « science sans conscience n’est que ruine… » de l’humanité !

Le gouvernement a annoncé pour 2018 les états généraux de la bioéthique. Ce contexte influe-t-il sur la forme et le contenu de cette édition ?

Ce sujet en particulier, et nos universités de la vie en général, ont comme principe d’échapper aux déterminations excessivement politiques ou conjoncturelles. D’autant plus que notre université de la vie possède un ancrage international croissant… Mais il est vrai que l’année des états généraux, en France, offre une opportunité. D’une certaine façon, Alliance VITA inaugure cette année bioéthique hexagonale en proposant aux participants de l’université de la vie 2018 de prendre de la hauteur sur les enjeux législatifs pour les appréhender de façon globale et réfléchie, sans se limiter aux débats « chauds » (PMA, fin de vie), que poussent certains groupes d’intérêts.

Quel impact attendez-vous de cette université sur la façon dont les citoyens s’approprient ces questions ?

Le grand risque des débats « biotechniques » sur des sujets de plus en plus complexes, serait que les citoyens en soient tenus à l’écart. Certains « spécialistes » affirment même que le grand public ne peut rien y comprendre. Ce n’est pas notre avis. Une éthique sans citoyens est vite livrée à un microcosme que les conflits d’intérêts vouent à la partialité. Les politiques ne doivent pas se défausser de la « biopolitique » sur une caste d’entre-soi, dont les membres sont juges et parties. Leur bioéthique relève trop souvent de l’art de compliquer les choses simples pour dissimuler la gravité des atteintes à l’écologie de l’homme. Par ses alertes, ses interventions médiatiques, ses auditions, Alliance VITA a pu montrer que nous sommes tous concernés. Nous voulons rendre accessibles les sujets qui concernent l’avenir de l’humanité et encourager les citoyens à s’impliquer dans ces débats ; une manière de servir la démocratie.