Quand serai-je libre? - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Quand serai-je libre?

Traduit par Isabelle

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Je vois la silhouette d’un homme, est-il jeune ou vieux, je ne peux pas le dire. Il se peut qu’il ait cinquante ans ou peut-être trente. Par moments Il ressemble à l’un, par moments à un autre. Il y a quelque chose d’inexprimable dans Son visage qui ne peut être résolu. Peut-être que, comme il porte tous les fardeaux, il porte aussi celui de la vieillesse. Mais c’est ainsi ; Son visage en même temps le plus vénérable, et cependant le plus enfantin, le plus calme, le plus doux, le plus modeste, rayonne de sainteté et de bonté aimante. Ses yeux sont rivés sur moi et touchent mon cœur. Sa respiration est toute parfumée et me transporte hors de moi. Oh, je regarderai ce visage pour toujours et ne cesserai jamais de le faire.

Et tout à coup, je vois quelqu’un venir à Lui et lever la main et brutalement frapper ce saint visage. C’est une main dure, celle d’un homme grossier peut-être garnie de fer. Cela ne pouvait pas être soudain au point de Le prendre par surprise, Lui qui connait tout dans le passé et le futur, et Il ne montre aucun signe de ressentiment, demeurant calme et grave comme avant ; mais l’expression de sa figure est marquée ; Un grand œdème apparaît et en peu de temps, ce visage tout gracieux m’est caché par les effets de cet acte indigne, comme s’il était recouvert d’un nuage.

Une main s’est levée contre le Visage du Christ. La main de qui ? Ma conscience me dit : « l’homme, c’est toi ». J’ai confiance que ce n’est plus mon cas maintenant. Mais, O mon âme, regarde cet acte terrible. Imagine le Christ devant toi, et imagine-toi levant la main et Le frappant ! Tu diras : « C’est impossible : Je n’ai pas pu faire cela. » Si, tu l’as fait. Chaque fois que tu as péché sciemment, alors tu l’as fait.

Maintenant, Il est au-delà de la souffrance : pourtant, tu l’as frappé, et si cela s’était passé au temps de sa vie physique, Il aurait éprouvé la douleur. Retourne dans tes souvenirs, et souviens-toi de l’époque, du jour de l’heure où par un péché mortel volontaire, en te moquant des choses sacrées, ou en profanant, ou en manifestant une sombre haine à celui qui est ton Frère, ou par des actes d’impureté ou par un rejet délibéré de la voix de Dieu ou par n’importe quel autre moyen diabolique connu de toi, tu as frappé Celui qui est toute Sainteté.

O mon Seigneur blessé, que puis-je dire. Je suis très coupable envers Toi, mon Frère ; et je vais sombrer dans un désespoir maussade si Tu ne me relèves pas. Je ne puis Te regarder ; je recule devant Toi ; je cache mon visage derrière mes bras ; je me recroqueville par terre. Satan va me faire tomber si Tu ne me prends pas en pitié.

Il est terrible de se tourner vers Toi ; mais oh, tourne-Toi vers moi, et ainsi, je serai retourné. C’est un purgatoire d’endurer de Te voir, de me voir – moi, si vil, Toi si saint. Pourtant, fais-moi Te regarder encore une fois, Toi que j’ai affronté de façon si incompréhensible, car Ta figure est ma seule vie, mon seul espoir et ma seule santé reposent dans le fait de Te regarder, Toi que j’ai transpercé. Aussi, je me tiens devant Toi de nouveau ; j’endure la souffrance pour être purifié.

O mon Dieu, comment puis-je Te regarder face à face quand je pense à mon ingratitude, installée si profondément, si habituelle, si immuable – ou plutôt, si terriblement croissante ! Tu me charges jour après jour de Tes faveurs, et me nourris de Toi-même, comme Tu l’as fait pour Judas, alors que non seulement je n’en profite pas, mais je ne m’en rends même pas compte.
Seigneur combien de temps ? Quand serai-je libéré de cette captivité réelle et fatale ? Celui qui a fait de Judas sa proie, a mis le pied sur moi dans ma vieillesse, et je ne puis me libérer. C’est la même chose jour après jour.

Quand me donneras-Tu une grâce plus grande encore que ce que tu m’as donné jusqu’ici, la grâce de faire mon profit des grâces que tu me donnes ?
Quand me donneras-Tu Ta grâce efficace qui seule peut donner vie et vigueur à cette âme affaiblie, misérable et mourante qui est la mienne ? Mon Dieu, je ne sais pas comment je peux Te blesser dans Ton état glorieux ; mais je sais que tout nouveau péché, tout péché d’ingratitude que je commets maintenant faisait partie des coups et blessures qui sont tombés sur Toi lors de Ta passion. O permets que ma part à Tes blessures passées soit aussi petite que possible.

Au fur et à mesure que le temps passe, je découvre que j’y ai une part de plus en plus grande par chaque nouveau péché, chaque jour. Je sais que de toutes façons, j’ai une part réelle in solido (« pour l’ensemble ») dans Tes souffrances, mais c’est choquant de constater que ma participation est de plus en plus grande. Que les autres Te blessent – mais pas moi. Je ne veux pas penser que Tu aurais eu moins de chocs au corps ou à l’âme sans moi.
O mon Dieu, je suis si solidement prisonnier que je ne puis en sortir. O Marie, prie pour moi. O Philippe, prie pour moi, bien que je ne mérite pas Ta pitié.

extraits de « Souffrances Mentales de Notre Seigneur », 1855

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/04/20/when-shall-i-be-free/

20 Avril 2019