Quand les parents changent de sexe - France Catholique
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Quand les parents changent de sexe

ENTRETIEN AVEC FRANCK MEYER

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On vous connaît comme président du Collectif des maires pour l’enfance, qui avait réuni 20 000 signatures d’élus contre le « mariage pour tous ». Vous êtes l’un des porte-parole de La Manif pour tous et vous présidez le Comité protestant évangélique pour la dignité humaine… Faites-vous une interprétation militante des circulaires ministérielles ?

Franck Meyer : C’est tout le contraire. Nous avons affaire à des circulaires militantes qui désorganisent le travail des maires en tant qu’officiers d’état civil. Je réagis en praticien, en élu respectueux de la laïcité et de l’indépendance de la justice… Le 18 novembre 2016, a été votée une loi dite « de modernisation de la justice ». Selon une circulaire du 10 mai dernier, elle avait seulement pour ambition de « simplifier le quotidien des citoyens ». Mon attention a été attirée dans cette circulaire sur ce qui concerne le transfert aux maires et à leurs adjoints de la gestion des PACS et surtout par le transfert à l’officier d’état civil d’une compétence élargie en matière de changement de prénom et par la création d’une procédure spécifique de changement de sexe.

Quelles conséquences cela aura-t-il ?

Les greffiers des tribunaux n’auront plus la gestion des PACS, mais ce sont les communes qui, dès ce 1er novembre, en auront la charge (pour les notaires, la compétence reste inchangée). Qui plus est, la circulaire prévoit que la procédure pourra se faire par Internet. Nous avons donc un peu d’appréhension puisque nous savons qu’en 2015 plus de 188 900 PACS ont été conclus (dont 16 % devant notaire) et plus de 79 300 PACS ont été dissous… (pour rappel, il y a eu 239 000 mariages en 2015 selon l’INSEE). Je doute que ce transfert de compétences soit accompagné par un transfert de moyens…

Et pour le changement de prénom ?

Je vous cite la circulaire : « La demande de changement de prénom doit désormais être effectuée auprès de l’officier de l’état civil du lieu de résidence de la personne concernée ou du lieu où l’acte de naissance a été dressé. S’il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime, l’officier de l’état civil saisit le procureur de la République. » Dans ce cas, c’est le juge aux affaires familiales qui devra trancher si le procureur de la République s’oppose au changement de prénom… Ce qui nous préoccupe c’est le fait que les décisions de changement de prénom donneront lieu à une mention en marge des actes de l’état civil… (3 000 demandes de changement de prénom en 2015) et impliquent, nolens volens, l’officier d’état civil dans la procédure de changement de sexe.

Le changement de prénom implique le changement de sexe ?

Dans certains cas, c’est ce qui va se produire. Le but affiché de la loi du 18 novembre 2016 était de « simplifier et démédicaliser totalement cette procédure » de changement de sexe. La Cour européenne des droits de l’homme a également jugé qu’on ne pouvait plus demander un élément médical, ou même seulement d’apparence physique, pour prouver la réalité de ce changement. Dans un arrêt du 6 avril 2017, elle a jugé que « l’exigence d’un processus irréversible de transformation de l’apparence constitue un manquement par l’État à son obligation positive de garantir le droit des personnes au respect de leur vie privée ». Alors l’usage reconnu d’un prénom féminin va devenir quelque chose d’essentiel sur quoi le juge d’instance va se fonder.

Vous avez relevé 1 que la circulaire em­­­ployait en toutes lettres le terme de « syndrome transsexuel ». Cela va à l’encontre de la démédicalisation.

Si les mots ont un sens, oui. Il n’y a qu’à regarder Wikipedia ou le Larousse pour se rappeler que ce vocabulaire est de l’ordre du diagnostic médical.

Comment le juge fondera-t-il son jugement ?

Sur une réunion de faits (article 61-65 du Code civil) ou un « faisceau d’indices ». La personne qui veut changer de sexe peut en apporter la preuve par tous moyens. Les deux premiers étant qu’elle se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué et qu’elle est connue sous le sexe revendiqué par son entourage, familial ou professionnel. Mais un troisième élément déterminant est qu’elle a obtenu le changement de son prénom sur ses papiers d’identité. La circulaire du 10 mai 2017 ajoute que ces « trois circonstances qui sont expressément énoncées par le législateur ne sont pas exclusives ». Le faisceau d’indices « pouvant être constitué d’un ou plusieurs éléments de la liste donnée par le Code civil » ou « d’autres éléments non compris dans cette liste ».

Est-il impertinent de demander aux rédacteurs de la circulaire si un faisceau d’indices composé d’un seul élément est encore un faisceau ?


Ces rédacteurs se moquent de la logique – et accessoirement du droit à l’objection de conscience des maires – et n’ont qu’une idée en tête…

Absolument, car tout jugement du tribunal apparaît contestable par avance s’il n’est pas conforme à la demande du demandeur. Je cite : « L’exigence de production de documents en relation avec des comportements sociaux […] ne doit pas conduire à considérer que c’est la société qui détermine le sexe du demandeur » et la circulaire ministérielle de citer, en un sens inattendu, un « droit à l’autodétermination », et d’enfoncer le clou en faisant un usage bien particulier des guillemets : « L’évaluation du comportement ne peut pas conduire à entériner des stéréotypes de genre et/ou de refuser des demandes au motif que la personne ne serait pas suffisamment « femme » ou « homme » sur la base de perceptions relevant de l’ordre des préjugés. »

Donc changement de prénom et changement de sexe seront quasiment automatiques dès lors qu’ils seront demandés. Quelles conséquences pour les familles ?

C’est là que ça se corse car, toujours selon la même circulaire « la publicité du changement de prénom en marge des actes subséquents suppose l’accord du conjoint pour la mise à jour de l’acte de mariage et de la mention du mariage en marge de son acte de naissance, […] l’accord de l’enfant majeur ou de ses représentants légaux s’il est mineur (art. 61-7 du Code civil) » ; « la loi n’a pas prévu de recueillir le consentement du partenaire du PACS ». Je vous laisse imaginer ce qui va se passer avec les livrets de famille et les extraits d’acte de naissance… notamment quand certains enfants sont majeurs et d’autres encore mineurs et dans des familles recomposées…

Le Collectif des maires pour l’enfance conteste que les enfants mineurs n’aient pas leur mot à dire et exige une réécriture de cette circulaire du 10 mai 2017 pour protéger ces mineurs ainsi que le maintien de la référence à la décision de justice dans le nouveau livret de famille qui serait délivré à la suite d’un changement de sexe de l’un des parents.

  1. Note sur la loi du 18 novembre 2016 réalisée par le Collectif des maires pour l’enfance : http://www.mairespourlenfance.fr/