Pour en finir avec Dawkins - France Catholique
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Pour en finir avec Dawkins

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Richard Dawkins est un biologiste britannique qui a publié en 2006 The God Delusion (en français : Pour en finir avec Dieu), vendu à plus de deux millions d’exemplaires et traduit en trente et une langues. Dawkins est sûrement un bon biologiste, mais il lui manque quelques notions élémentaires en mathématiques.

Le passage du qualitatif au quantitatif a conduit à des essais de mise en forme mathématique du processus de mutation aléatoire. Francis Crick (prix Nobel de médecine 1962) en donne, bien involontairement, un exemple catastrophique pour la thèse qu’il veut soutenir. Dans son livre Une vie à découvrir (éd. Odile Jacob, 1989), on peut lire la citation suivante, pages 40 à 42 (on ne peut pas la couper sans la trahir) :

«  Je vais essayer d’illustrer les résultats étonnants qu’un mécanisme simple comme la sélection naturelle peut produire sur une longue période. On trouvera une explication bien plus détaillée et très lisible dans les premiers chapitres du livre de Richard Dawkins, L’horloger aveugle. Ce titre peut laisser rêveur. L’Horloger est celui de Paley, invoqué pour expliquer la montre trouvée sur la lande. Mais pourquoi « aveugle » ? Laissons Dawkins l’expliquer lui-même : « En dépit des apparences, le seul horloger de la nature, ce sont les forces aveugles de la physique, même si elles se déploient d’une manière tout à fait particulière. Un véritable horloger anticipe ce qu’il va faire : il dessine ses engrenages et ses ressorts et prévoit la manière dont il va les assembler en vue d’un certain but qu’il s’est fixé. La sélection naturelle, le processus aveugle, inconscient, automatique, découvert par Darwin et dont nous savons aujourd’hui qu’il explique l’existence de la vie et son apparence d’avoir été conçue dans un but précis, n’a pas de but précis en tête. Elle n’a pas d’esprit, et elle n’a pas l’œil de l’esprit. Elle ne prévoit pas le futur. Elle n’a pas une vision, un pouvoir d’anticipation ; elle ne peut rien voir. Si l’on peut dire qu’elle joue le rôle de l’horloger, alors c’est un horloger aveugle. »

Dawkins utilise un très bel exemple pour réfuter l’idée selon laquelle la sélection naturelle ne pourrait pas produire la complexité que nous observons autour de nous. L’exemple est d’une grande simplicité, mais il va droit au but. Dawkins prend une phrase courte (extraite de Hamlet) :

METHINKS IT IS LIKE A WEASEL

Il montre d’abord par un calcul qu’il est extrêmement peu probable que quelqu’un (dans l’exemple traditionnel il s’agit d’un singe, mais dans son exemple il s’agit de sa fille de onze ans ou d’un programme d’ordinateur) puisse taper cette phrase, par hasard, à la moindre lettre près. (La probabilité est de l’ordre de 10exp-40.) Il appelle ce processus « sélection en une étape ».

Dawkins propose ensuite une approche différente qu’il appelle « sélection cumulative ». L’ordinateur choisit une séquence aléatoire de 28 lettres. Il reproduit cette séquence de nombreuses fois avec une certaine probabilité de commettre des erreurs aléatoires. Il choisit ensuite la séquence qui ressemble le plus à la phrase cible, aussi minime que puisse être la ressemblance. Avec cette version améliorée il répète le processus de reproduction (avec mutation), suivi de sélection. Dawkins donne des exemples d’étapes intermédiaires. Dans un cas, après 30 étapes, l’ordinateur avait produit :

METHINKS IT ISWLIKE B WEASEL

Et après 43 étapes, il avait obtenu la phrase exacte. »

Hélas ! Des auteurs « sérieux » en flagrant délit de dérapage. «  On choisit la séquence qui ressemble le plus à la phrase cible, aussi minime que puisse être la ressemblance » !!! La sélection cumulative est basée sur l’introduction, dans l’ordinateur, du but à atteindre. L’« abominable » cause finale est introduite dans le processus de sélection ! On ne peut pas imaginer un plus bel argument pour ruiner la thèse qu’on veut défendre. Dawkins considère que si le hasard a placé une lettre à la «  bonne place », il s’agit d’un caractère acquis, d’un « avantage » qui n’est pas remis en jeu au tirage suivant. Mais où est cet avantage ? Cette lettre isolée n’a aucun intérêt, sauf pour le maître du jeu qui sait, lui, où il veut en venir.

Tout le monde peut se tromper ! Pourtant, un bon élève de terminale sait que la probabilité de sortir d’un chapeau les 26 lettres de l’alphabet dans le bon ordre, de A à Z, est égale à l’inverse du produit des 26 premiers nombres, soit une chance sur 400 millions de milliards de milliards. Pour reprendre l’image traditionnelle du singe, évoquée par Francis Crick, le malheureux animal va beaucoup se fatiguer inutilement. à raison de un essai par seconde, un seul singe parmi un milliard de singes aurait une chance raisonnable de tirer une fois le gros lot à condition de se livrer à ce passionnant exercice depuis l’origine du monde, soit environ dix milliards d’années.

Conclusion : il est plus facile d’en finir avec Dawkins que d’en finir avec les énigmes de l’évolution et plus encore avec Dieu. Il ne faut pas fausser la recherche de la Vérité par des affirmations simplistes : c’est vrai pour la science et pour la religion.

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* dernier livre paru : Et si Malraux avait raison ?, Édilivre, 244 pages, 19 €.