Peut-on encore croire à la transsubstantiation ? - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Peut-on encore croire à la transsubstantiation ?

Il n'est pas vrai que la science ait démontré son impossibilité.

Apologétique

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«Vieillerie médiévale, théorie périmée. » Voilà ce qu’on dit généralement de la doctrine de la transsubstantiation, doctrine canonisée par l’Église catholique lors du quatrième concile du Latran en 1215. Pensez donc ! Cette idée dépend de la physique d’Aristote, dont on considère généralement qu’elle a été réfutée par la pensée moderne.

D’après cette doctrine, lors de la consécration, les propriétés sensibles du pain – solidité, couleur, odeur, goût, etc. – demeurent, mais la substance du pain disparaît. Elle se trouve miraculeusement remplacée par celle du Christ, qui elle-même vient sans ses propriétés sensibles. D’où le nom de transsubstantiation : « passage d’une substance à une autre ». Il s’agit évidemment d’un miracle, car en temps normal, quand une substance disparaît, ses accidents sensibles disparaissent avec ! Mais c’est l’existence de cette substance qui rend le miracle possible.

Au-delà de l’apparence

Dès lors, l’objet que le prêtre tient entre ses doigts n’est plus un morceau de pain, mais bel et bien le corps du Christ, sous l’apparence du pain. Attention : il ne s’agit pas seulement des apparences superficielles : même au microscope électronique, une hostie consacrée est indiscernable d’une hostie non consacrée ! Cette théorie a le mérite d’être la seule à permettre une lecture littérale de l’affirmation du Christ « Ceci est mon corps ». Car pour que la phrase soit littéralement vraie, il faut que le « ceci » dont on parle ne soit plus substantiellement un morceau de pain.

Le problème est que la pensée moderne nous a habitués à penser qu’il n’y a pas de substance derrière les apparences sensibles des choses. Autrement dit, que les choses physiques se réduisent à ce que la science en connaît. Dès lors, le pain n’est absolument rien d’autre que la somme de ses propriétés observables. Il n’y a pas, « derrière » ou « dessous », une substance invisible qui pourrait en être séparée, même miraculeusement, et remplacée par la substance du Christ.

Par conséquent, si du pain consacré est indiscernable du pain normal, la seule conclusion à en tirer, c’est qu’il n’est rien d’autre que du pain – et qu’il est impossible qu’il soit autre chose. Bref, il faut se rendre à l’évidence : si les corps physiques se réduisent réellement à ce que nous pouvons en percevoir, avec nos sens ou avec les instruments surpuissants de la science, la doctrine de la transsubstantiation est impossible. Et si cette doctrine est impossible, l’affirmation du Christ ne peut pas être prise au sens littéral – ce qui est contraire au sens évident des Écritures.

L’erreur du scientisme

Mais est-on bien sûr que les choses physiques se réduisent à ce que la science en connaît ? La réponse est non. Affirmer une chose pareille constitue une erreur philosophique de première grandeur ­– qu’on appelle le « scientisme », et qui nous vient du XIXe siècle.

Contre cette erreur, il faut rappeler que la science, par construction, ne s’intéresse qu’aux aspects quantifiables du réel physique, et qu’elle laisse de côté tout le reste, notamment les qualités, dont elle ne saurait rendre compte, comme les couleurs. Elle ne connaît que la structure mathématisable des corps physiques, mais pas leur nature intrinsèque – qui n’en demeure pas moins réelle.

Aristote réhabilité par la science ?

Mais il y a plus : depuis une trentaine d’années, la philosophie des sciences ne cesse de réhabiliter les conceptions fondamentales d’Aristote, au rebours du réductionnisme matérialiste. La physique quantique, qui étudie l’infiniment petit, a montré que les corps ne sont pas faits seulement de « petites boules en interaction dans le vide » – les atomes. Ils sont dotés d’une unité plus profonde, dont les phénomènes corpusculaires et ondulatoires ne sont que des manifestations de surface.

Ainsi la science elle-même semble rencontrer, en creux, l’existence d’une unité réelle, quoique imperceptible, derrière les phénomènes physiques. Bref, les corps ne se réduisent pas aux phénomènes perceptibles. Ils comportent une dimension intérieure, invisible, mais bien réelle et fondamentale.

C’est sans doute cela que nous pourrions nommer « substance » au sens d’Aristote. Si une telle substance invisible existe, alors, le pain n’est pas la simple somme de ses propriétés, il est une substance distincte. Et si une telle substance existe, alors, par miracle, la transsubstantiation est possible !