Pascal et les Jésuites - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Pascal et les Jésuites

traduit par Pierre

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Il me semble (suis-je le seul ?) que de nombreux responsables du clergé (curés et évêques) sont plutôt ”indulgents” en ce qui concerne les péchés ”de la chair” — fornication, concubinage, avortement, et homosexualité. Non qu’ils les approuvent, ils passent à côté sans les condamner.

Si on défiait quelqu’un de défendre ce ”laisser-aller” je pense qu’on obtiendrait quelque chose comme suit.

Au moins depuis l’époque de l’Empereur Constantin, l’Église a pu établir trois catégories de Chrétiens.

Catégorie 1, une minorité de ”Chrétiens authentiques” : ceux qui s’attachent coûte que coûte à leur religion ; qui croient aux doctrines officielles ; qui mettent toutes leurs forces (même s’ils n’y réussissent pas pleinement) à suivre toujours tous les commandements ; qui passent bien du temps et dépensent bien de l’énergie pour la Messe et en prières.

Catégorie 2, les Chrétiens ”ordinaires”, la majorité des Chrétiens. Ils croient sincèrement à leur religion, mais plutôt avec tiédeur. Quant à la doctrine, leur bonne volonté à réciter le Credo ou le Symbole de Nicée n’implique pas leur plein accord avec leurs termes. Et il n’est pas certain qu’ils les comprennent vraiment; et leur manque de compréhension ne les dérange guère.

Au sujet des règles morales de la Chrétienté, non seulement ils en violent pas mal, sauf les plus essentielles — par exemple meurtre ou adultère — mais ils n’y portent pas trop attention. Ils récitent habituellement leurs prières, surtout en périodes de soucis, et ils vont assez régulièrement à la Messe. Ils sont, pour la plupart des ”gens convenables”, et souhaitent arriver un jour au Paradis.
Catégorie 3, ceux qui n’agissent jamais trop bien, et se font habituellement remarquer par leur comportement en-dessous de la décence. Voleurs, bandits, prostituées, ivrognes, drogués, maris brutaux… Ils vont rarement à l’église. Et sauf devant un juge en attendant sa sentence, leurs prières sont rarissimes. Hors l’existence de Dieu (qui, espèrent-ils, les tirera un jour de leur mélasse), les dogmes de la religion ne les inspirent pas beaucoup. Et parfois, en périodes de désespoir, ils doutent même de l’existence de Dieu. Mais ils ne rompent jamais leur lien officiel avec l’Église.

Les membres de cette troisième catégorie ne sont pas une menace pour l’Église. Ils en seraient, paradoxalement, des alliés. D’une part, ils confirment par leurs affreux exemples certains enseignements de l’Église sur le péché et ses lourdes conséquences tant spirituelles que temporelles. D’autre part ils offrent aux Catholiques de la première catégorie l’occasion de faire preuve de compassion envers les “plus petits des petits“, de soulager leur peine, et de leur montrer la vraie voie. De plus, il leur arrive de donner des exemples de conversion au bien en fin de vie.

Mais les Catholiques de deuxième catégorie sont une menace potentielle pour l’Église. Car si l’Église se mettait à pousser tous les Catholiques vers la première catégorie, à viser la sainteté jour après jour, à chaque instant, la plupart des Catholiques de deuxième catégorie (Catholiques “moyens“, “convenables“) tireraient leur révérence. « je constate que cette religion n’est pas faite pour moi — diraient-ils — Elle est trop exigeante, elle n’est pas réalist, c’est du fanatisme. “Bye, bye“ » [“Au revoir“ dans le texte original] .
Alors, pour s’assurer que cette grande majorité de Catholiques ne quitte pas l’Église, portant non seulement préjudice à la religion, mais aussi mettant en péril leur propre salut, l’Église leur lâche la bride. S’ils ne croient pas à tout ce que croit l’Église, eh bien, n’en faisons pas un fromage. Et s’ils ont l’incorrigible habitude de commettre des péchés, alors, ne les rendons pas malades en condamnant publiquement les péchés auxquels ils succombent, et disons-leur que Dieu pardonne, est tolérant, et rappelons-leur que tous les péchés peuvent être instantanément effacés dans le confessionnal, ou lors des derniers moments de fin de vie. Et par-dessus tout disons-leur qu’en pratique le destin (sauf pour quelques exceptions) n’est pas le Paradis, mais le Purgatoire. Autrement dit, pas besoin d’être le premier de la classe en sainteté, il suffit de suivre le cours.

Dans ses Provinciales, Blaise Pascal (Un Catholique de première catégorie, s’il y en eût jamais) trouve le défaut chez les Jésuites de son époque infléchissant le Catholicisme afin d’aménager le “code d’honneur“ guère Chrétien alors en vigueur chez les membres de la haute société. Dans l’une de ses lettres les plus cocasses, Pascal cite un Jésuite casuiste (rien de bien nouveau!) proposant une façon pour un gentilhomme de se livrer à un duel tout en évitant, à proprement parler, de violer la règle Catholique selon laquelle le duel est un péché mortel.

De même peut-on épiloguer sur la “mansuétude“ relative aux péchés de la chair que l’on relève de nos jours chez de nombreux évêques et curés, n’est-elle pas un autre exemple de ce qui fut une habitude Catholique trop humaine depuis au moins le IVème siècle, habitude — mais non vraiment approbation — de tolérer les nombreuses imperfections du comportement de Catholiques de deuxième catégorie ?

Je ne crois pas. Lorsque les Jésuites toléraient les comportements des gentilshommes Français au XVIIème siècle — y-compris la pratique des duels et de la “galanterie“ (comme on disait par euphémisme de l’adultère dans les classes dites supérieures) — ils ne toléraient pas un comportement religieux non- ou anti- Catholique. Ils toléraient — qu’on en rie ou non — des comportements “non-Catholiques“, ce qui est bien autre chose.

Mais quand à présent les Jésuites (et bien d’autres clercs Catholiques) sont “indulgents“ envers les péchés impliquant le sexe, y-compris l’homosexualité, ils dépassent de loin un aménagement de mœurs non-Chrétiennes. Ils tolèrent une éthique sexuelle qui fait partie intégrale d’un comportement de plus en plus hostile à la religion Catholique.

Qu’est-ce que cette forme de religion ? Humanisme séculier, vision du monde jouant un rôle de religion dépourvue de Dieu. Le duel dans la haute société parisienne du XVIIème siècle, ce n’était pas bien, mais ce n’était nullement l’affirmation d’une religion anti-Catholique. Par contre, l’avortement et l’homosexualité dans l’Amérique du XXIème siècle sont l’affirmation d’une quasi-religion en pleine croissance, décidément anti-Catholique.

Les responsables Catholiques, du pape jusqu’aux petits clercs, feraient bien de prendre garde à cette nouvelle menace mortelle.

1er décembre 2017

Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/12/01/pascal-and-the-jesuits/
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Tableau : Duel après la mascarade – Jean-Léon Gérôme, vers 1857. [Musée Walters, Baltimore]