Ouellet tente de réfuter mais en fait confirme Viganò - France Catholique
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Ouellet tente de réfuter mais en fait confirme Viganò

Traduit par Vincent de L.

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Note de l’éditeur : après que cet article fut prêt à être publié, l’archevêque Viganò a sorti un troisième Témoignage, que les lecteurs trouveront – en version anglaise – ici. L’archevêque confirme largement ce que le père Murray écrit si clairement ci-dessous. D’autres articles à venir commenteront les développements ultérieurs de l’histoire Viganò. RR

Le cardinal Marc Ouellet a publié le 7 octobre 2018 une « Lettre ouverte » à l’archevêque Carlo Maria Viganò, en réponse à ses premier et second témoignages, en particulier pour affirmer que le cardinal McCarrick a été sanctionné par le pape Benoît pour immoralité sexuelle avec des séminaristes et des prêtres, et que le pape François en avait connaissance et avait cependant mis de côté ou ignoré ces dispositions disciplinaires.

Il y a plusieurs points dans cet échange qui méritent une attention pleine et entière.

Entre autres choses, Viganò disait également que le pape avait demandé à McCarrick de voyager et de parler au nom du Saint-Siège dans les négociations avec le gouvernement chinois communiste : « Votre Éminence, avant que je parte pour Washington, vous êtes celui qui m’a parlé des sanctions du pape Benoît à l’encontre de McCarrick. Vous avez à votre entière disposition des documents clés qui accusent McCarrick et d’autres de la Curie pour leurs camouflages. Votre Éminence, je vous exhorte à témoigner de la vérité. »

La réponse d’Ouellet révèle que les revendications de Viganò sont soutenues au milieu de manœuvres verbales qui se contredisent.

Ouellet sous-entend d’abord que le pape François a à peine prêté attention à Viganò lorsque celui-ci a parlé au pape en juin 2013 de sanctions imposées à McCarrick par le pape Benoît XVI : « Je ne peux qu’imaginer la quantité d’informations écrites et orales à cette occasion, concernant tant de personnes et de situations. Je doute fortement que le pape ait tant d’intérêt pour McCarrick, comme vous voudriez que nous le croyions, étant donné qu’il était alors un archevêque émérite de 82 ans qui n’avait pas eu de responsabilités depuis sept ans. »

Puis Ouellet pose la question des sanctions : « [L]es instructions écrites que vous avait données la Congrégation pour les évêques au début de votre mission en 2011 ne disaient rien sur McCarrick, à part ce que je vous avais mentionné par oral à propos de sa situation comme évêque émérite et de certaines conditions et restrictions auxquelles il devait se conformer à cause de rumeurs sur sa conduite passée. » (Le soulignement est ajouté, ici et dans la suite)

Ensuite, Ouellet déclare : « L’ancien Cardinal, à la retraite depuis mai 2006, avait été enjoint de ne pas se déplacer ni faire d’apparitions publiques, pour éviter de nouvelles rumeurs à son sujet. Par conséquent, il est faux de présenter ces mesures comme des « sanctions » formellement imposées par le pape Benoît XVI et invalidées ensuite par le pape François. »

Il poursuit : « Après une relecture des archives, j’ai trouvé qu’il n’y a aucun document signé par l’un ou l’autre pape à ce propos, et il n’y a pas de notes d’audience de mon prédécesseur, le cardinal Giovanni-Battista Re, imposant à l’archevêque à la retraite l’obligation de mener une vie privée et tranquille avec le poids normalement réservé aux sanctions canoniques. La raison est qu’à l’époque, contrairement à aujourd’hui, il n’y avait pas de preuve suffisante de sa présumée culpabilité. Ainsi, la décision de la Congrégation était inspirée par la prudence, et les lettres de mon prédécesseur comme les miennes l’enjoignaient, d’abord via le nonce apostolique Pietro Sambi, ensuite par vous, de mener une vie de prière et de pénitence, pour son propre bien et celui de l’Église. »

Et, comme explications supplémentaires : « Son cas aurait mérité de nouvelles mesures disciplinaires si la nonciature à Washington, ou toute autre source, nous avait fourni des informations récentes et définitives sur sa conduite… Je pense qu’il est injuste de parvenir à la conclusion qu’il y a corruption de la part des personnes chargées du processus de discernement précédent, même si, dans le cas particulier, certaines des préoccupations soulevées par les témoignages auraient dû être examinées de plus près. L’archevêque savait aussi comment se défendre intelligemment de ces préoccupations soulevées à son sujet. »

En résumé, d’un côté Ouellet dit qu’il n’y avait pas de « sanctions » officielles imposées à McCarrick par le pape Benoît ; qu’il n’y a aucune évidence écrite que le pape Benoît ait imposé quoi que ce soit ayant le poids normalement réservé aux sanctions canoniques ; qu’on avait demandé à l’ancien cardinal de ne pas voyager ni de faire d’apparitions publiques ; que c’était par décision de la Congrégation [des évêques], pas du pape Benoît XVI, qu’il avait été poussé à mener une vie de prière et de pénitence ; et que l’origine de tout cela consistait en quelques rumeurs.

De l’autre côté, Ouellet affirme qu’il a communiqué oralement à Viganò des informations sur la situation de McCarrick en tant qu’évêque émérite soumis à certaines conditions et restrictions qu’il lui fallait respecter ; que le saint Siège avait mené un processus de discernement sur certaines questions soulevées par des témoignages qui ne furent pas examinés de manière adéquate ; que le cas McCarrick aurait nécessité de nouvelles mesures disciplinaires si la nonciature à Washington, ou toute autre source, avait fourni des informations récentes et définitives à propos de sa conduite.
Donc, selon Ouellet, McCarrick était vraiment soumis à des restrictions qu’il devait respecter et il aurait mérité de nouvelles mesures disciplinaires (ce qui signifie qu’il était déjà soumis à des mesures disciplinaires) si de nouvelles preuves avaient été avancées. Des mesures disciplinaires qui sont obligatoires (« qu’il lui fallait respecter ») sont en fait des sanctions qui ne peuvent avoir été imposées au cardinal McCarrick que par le pape Benoît XVI lui-même, selon les canons 1401 et 1405.

En outre, le pape n’est lié par aucune formalité telle que l’émission d’un décret écrit pour imposer des sanctions ayant un caractère obligatoire. Il est inconcevable que la Congrégation des évêques, agissant d’initiative, ait décidé d’imposer ces sanctions, ainsi que l’affirme Ouellet. Les sanctions n’étaient pas des demandes, ou une manière d’exhorter McCarrick à faire quelque chose. Elles possédaient la force canonique et étaient des mesures disciplinaires qui bénéficiaient de la même force qu’une peine canonique formellement imposée à la suite d’un procès canonique.

Ouellet caractérise les causes de ces sanctions comme étant de simples rumeurs qui n’établissaient pas de preuves suffisantes de sa présumée culpabilité, et plus tard les décrit comme étant le résultat d’un processus de discernement au cours duquel quelques-uns des problèmes soulevés par des témoignages auraient dû être examinés de plus près. Il est inconcevable que le pape Benoît ait pris de telles mesures disciplinaires fondées sur de simples rumeurs manquant d’une force probatoire suffisante.

Des témoignages ne sont pas des rumeurs, mais constituent des preuves s’ils sont présentés par des personnes qui peuvent prétendre véridiquement avoir des informations directes sur une question. Ouellet a dit que l’archevêque savait aussi la manière de se défendre intelligemment contre ces préoccupations soulevées à son sujet. Et il dit que de nouvelles mesures disciplinaires auraient été imposées si le Saint-Siège avait reçu de nouvelles informations définitives sur son comportement.

Ainsi, un discernement avait été mené, sous une forme ou sous une autre, McCarrick fut interrogé par le Saint-Siège sur des questions fondées sur des témoignages, et qu’il s’est défendu intelligemment. Un cardinal serait-il interrogé sur des rumeurs non corroborées ? Le résultat d’un tel processus serait-il l’imposition de mesures disciplinaires fondées sur des rumeurs dont Ouellet dit qu’elles manquaient d’éléments de preuves de culpabilité, et qu’elles furent évidemment niées ou expliquées par McCarrick ?

La décision du pape Benoît XVI fut clairement fondée sur plus que des rumeurs qui furent niées par McCarrick. Les témoignages devaient avoir de la consistance, et constituer des preuves suffisantes pour aboutir aux mesures prises par le pape Benoît contre McCarrick. C’est exactement ce que Viganò affirme s’être produit.

Il faut aussi noter que Ouellet déforme ce qui s’est passé à propos de la démission de McCarrick du Collège des cardinaux : « Il [le pape François] l’a dépouillé de sa dignité de cardinal dès qu’il y eut une accusation crédible d’abus sur mineur. »

La déclaration du Vatican sur le sujet dit que McCarrick a présenté sa démission du Collège des cardinaux et que le pape François l’a acceptée ; il n’a pas été retiré du Collège des cardinaux.

Par ailleurs, McCarrick n’a remis sa démission qu’après qu’une seconde personne se fut avancée en alléguant que McCarrick l’avait agressée sexuellement, en commençant lorsqu’il avait onze ans. Il ne fut pas retiré du Collège lorsque le pape François fut informé la première fois des accusations crédibles qu’il avait agressé sexuellement deux fois un enfant de cœur adolescent à la cathédrale St Patrick.

En bref, la lettre du cardinal Ouellet fait beaucoup pour étayer les affirmations de l’archevêque Viganò concernant ce qui fut connu et fait par le pape Benoît XVI à propos des accusations de turpitude morale et d’abus d’autorité du cardinal McCarrick, et ne fait pas grand’chose pour réfuter l’affirmation de Viganò selon laquelle le pape François connaissait ces sanctions en 2013 et qu’il ne les a pas appliquées.

20 octobre 2018

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/10/20/ouellet-tried-to-rebut-but-actually-confirmed-vigano/

Photo: Gregory A. Shemitz/CNS

Le père Gerald E. Murray, J.C.D. (Docteur en droit canon), est canoniste et curé de l’église de la Sainte Famille à New York.