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Notre Fléau

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« Arc-en-ciel sur le Grand Canyon de Yellowstone » par Thomas Moran, 1900

« Arc-en-ciel sur le Grand Canyon de Yellowstone » par Thomas Moran, 1900

[Smithsonian American Art Museum, Washington]

On ne sait que croire, n’est-il pas vrai ?

La nature et les conséquences du nouveau coronavirus défient la compréhension et démontrent ce que nous observons régulièrement dans d’autres domaines : la réalité déconcertante d’avis d’experts qui se contredisent, pour ne pas parler des vrombissements style mouche du coche des non-experts. Certains disent que le confinement est nécessaire pour éviter la propagation de la maladie et que par conséquent l’Amérique doit rester confinée ; d’autres disent que sans vaccin on ne peut enrayer la propagation de la maladie – on peut seulement la ralentir. Et cela ne fait que prolonger la crise.

Cela me rappelle deux choses. La première est issue des trois lois de la politique de l’érudit Robert Conquest :  « tout le monde est conservateur en ce qui concerne ce qu’il connaît le mieux ». Cela est vrai des scientifiques de tous ordres. La seconde est la manière dont un paléontologue a décrit la tension dans une conférence savante : certains des participants assuraient que les dinosaures étaient à sang froid, comme les reptiles et d’autres affirmaient que ces animaux étaient à sang chaud, comme les oiseaux. La dissension était telle que les deux groupes étaient assis éloignés l’un de l’autre, à peine capables d’accepter la présence de l’autre.

Cela est vrai des paléontologues, des épidémiologistes et des politiciens. Comme profane, je trouve cela troublant, et cela me rappelle une nuit dans un bar quand j’étais à l’université, avec un ami effondré sur le tabouret proche du mien.
« Tu sais quoi ? » disait-il, « je l’ai eu ! »
J’ai froncé les sourcils et secoué la tête d’incompréhension.
« C’est la philosophie » m’a-t-il expliqué. « Une semaine nous étudions Aristote et je suis aristotélicien. Puis alors nous sautons à Sartre et je suis existentialiste. Que suis-je supposé faire ? »

« Prendre une autre bière » ai-je suggéré. Une solution jamais entièrement mauvaise.

Dans les débuts de Notre Fléau (c’est ainsi que je fais référence au Covid 19), j’ai vu ce message Facebook (NDT : la première référence fait écho aux démêlés au Sénat) : « La semaine passée, tous mes amis étaient des experts en constitutionnalité, cette semaine ils sont tous épidémiologistes ».

Cette avalanche d’information, de fausse information et de désinformation est une sorte d’agression psychique, et beaucoup d’entre nous se sentent comme si nous étions dans une allée obscure après que des voyous nous aient dérobé portefeuille et téléphone portable. Vraiment, bien que ne désirant perdre ni mon argent ni mes cartes de crédit, je suis quasi disposé à abandonner mon téléphone – et aussi ma télé et mon ordinateur portable – au premier voleur qui passera. Tout plutôt que subir cette avalanche concernant Notre Fléau !

Et pourtant, chacun de nous doit faire un choix, dire de tel ou tel expert : c’est à lui que je fais confiance. Et nous espérons ne pas être retournés par un autre expert quelques jours plus tard, ainsi que l’avait été mon camarade de bar.

Mon expert de référence est le docteur Jay Bhattacharya. Il est professeur de médecine à l’université Stanford, là où j’ai fait mes études (médecine et également économie). Comme sa biographie le précise : « sa recherche se concentre sur les contraintes que rencontrent les populations vulnérables en prenant des décisions qui affectent leur état de santé tout comme sur les effets des politiques et programmes gouvernementaux prévus pour protéger les populations vulnérables ».

J’ai appris beaucoup de trois interviews « Savoir d’exception » réalisées par l’animateur Peter Robinson avec le docteur Bhattacharya.

Bhattacharya note trois points irréfutables :

1) Le confinement, qui a court terme « écrête la courbe », ne va pas stopper mais seulement ralentir la propagation de la maladie
2) il n’y a jamais eu de vaccin élaboré contre aucun coronavirus que ce soit, ni le SARS, ni le MERS
3) le confinement a presque sûrement créé des pathologies secondaires sérieuses (sociales comme économiques) qui peuvent en réalité conduire à plus de décès sur le long terme que si nous n’avions pas confiné dans un premier temps, puisque, en raison des points 1 et 2, nous aurons de toute façon ces morts causées par Notre Fléau à un moment ou un autre.

Je me hâte d’ajouter que le bon docteur croit qu’il existe des fractions de la population qui devraient être mises en quarantaine : les personnes âgées et les personnes atteintes de diverses comorbidités. Savoir si ce devrait être affaire de loi ou de conscience est sujet à débat. Étant une figure emblématique des comorbidités (plus de 70 ans, maladie cardiaque, antécédents de traitements anti-cancéreux, capacité pulmonaire diminuée), je sais ce que, personnellement, j’ai à faire, sans me le faire dicter par le président Trump ou le gouverneur Cuomo.

Naturellement, la nature et la Nature de Dieu peuvent nous épargner. Notre Fléau pourrait, comme l’agent pathogène extra-terrestre du roman de Michael Crichton « La variété Andromède », tout simplement muter pour devenir non-létal. Comme vous pouvez l’imaginez, je ne parie pas dessus.

Beaucoup d’Américains – y compris parmi les plus braves – sont effrayés. De nombreuses personnes ayant autorité nous ont dit d’être effrayés. Le SARS et le MERS nous ont fait peur, mais jamais un virus ne nous a mis à genoux comme l’a fait Notre Fléau.

Comme James Matthew Wilson l’a écrit dans la pénultième strophe de « On Being Ill » (Être malade) :

Le poids de la faiblesse s’accroche à toute heure
Et tout l’avenir est qualifié par des phrases
Suggérant que, si cela doit arriver,
ce sera de l’autre côté d’un passage
En chambre froide, vêtu d’une blouse de papier.
Mais – chose étrange – ensuite, ceux qui vont mieux
(c’est le cas de la plupart après quelque temps)
Laissent derrière eux non seulement toutes leurs analyses
Mais même les souvenirs de ce qu’ils ont souffert.

Il semble que nous sommes sur le point de retourner à une vie normale, et certains pourraient laisser derrière eux ce que nous avons appris, ou pensons avoir appris, si même nous avons appris quelque chose.

J’ai appris ( et il semble que ce soit ce que Dieu m’a montré dernièrement) que j’aime ma femme et qu’elle m’aime. Je ne sais pas, c’est peut-être une autre manière de dire que nous n’avons pas essayé de nous entre-tuer durant la quarantaine. Non, c’est plus, bien plus que ça.

Puisse Dieu nous guider tous dans les semaines à venir, ce qu’Il fera si nous nous souvenons de Lui dans chaque acte aimant que nous ferons. Frères et sœurs, vous êtes dans mes prières. Vivez, mais sagement.