Nos révolutionnaires utopies - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Nos révolutionnaires utopies

Traduit par Claude

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Autrefois la Réforme protestante (dont on commémore le 500ème anniversaire cette année) détruisit l’unité religieuse de l’Europe Occidentale et je suppose qu’il était inévitable qu’il y aurait un scepticisme croissant concernant la chrétienté en général. Après tout, si les protestants argumentaient que le catholicisme est une fausse religion, et si les catholiques argumentaient que le protestantisme est une fausse religion, il devait arriver tôt ou tard que quelqu’un dirait: « Les deux parties sont correctes ; les deux sont de fausses religions ».

Parmi certains intellectuels, ce scepticisme prit essor presque immédiatement. Prenez Montaigne, par exemple, qui était né seulement à peu près quinze ans après que Martin Luther placarda ses fameuse Quatre-Vingt Thèses sur la porte de l’église de Wittenberg. Montaigne était catholique, mais il aurait été heureux de vous dire qu’il était catholique en raison des coutumes locales, et non en raison ou même à cause du don de la Foi. S’il avait vu le jour à Constantinople il aurait été musulman.

Parmi les gens ordinaires, cependant, la foi dans le christianisme, aussi bien dans sa forme catholique que protestante, persista – bien qu’il soit probable qu’une part du scepticisme des élites intellectuelles se propagea parmi les gens ordinaires. Si une chose telle que l’ « l’économie au goutte-à-goutte » existe, il doit doit sûrement y avoir un « scepticisme au goutte à goutte ».

Ce ne fut pas avant le 18ème siècle que débuta une attaque à grande échelle du christianisme. Théoriquement elle arriva sous la forme du déisme et de ses cousins plus radicalement anti-chrétiens, le scepticisme et l’athéisme. Pratiquement elle arriva sous la forme de la Révolution française.

Avec Waterloo (1815) et l’exil de Napoléon à Ste-Hélène (ils auraient préféré l’envoyer sur la lune, mais, cela n’étant pas praticable à cette époque, l’Atlantique du Sud devait faire l’affaire), il semblait aux observateurs superficiels que la Révolution était terminée et que même la version édulcorée bonapartiste de la Révolution était à son terme.

Mais personne n’aurait être plus dans l’erreur que ces observateurs. La première incarnation de la Révolution était terminée, c’est certain, mais il y aura beaucoup de réincarnations. Car les idées de la Révolution avaient survécu, et la défaite politique et militaire de la Révolution, loin d’avoir tué ces idées, les ont simplement rendu plus puissantes. L’arbre a été élagué et rendu plus fort et n’a pas été détruit.

Une des idées qui a survécu, peut-être la seule vraiment importante de ces idées, est l’idée d’une société utopique, l’idée que nous les humains, ou du moins les révolutionnaires éclairés parmi nous, pouvons créer quelque chose qui ressemble à un paradis sur terre. C’était pour remplacer le concept de la pensée chrétienne d’un paradis surnaturel un paradis que certains parmi nous atteindront après la mort. L’espoir d’une utopie terrestre devint une version sécularisée de la vieille espérance chrétienne du paradis.

Les révolutionnaires utopiques qui depuis plus de deux siècles ont promu ces idéaux se sont manifestés sous une variété de formes différentes.

En premier il y eut les « socialistes utopiques » des décennies du milieu du 19 ème siècle – Robert Owen, Fourier, la communauté Oneida, les compagnons de la Brook Farm, et bien d’autres.

Puis vinrent des socialistes plus modérés dans la fin du 19ème et au début du 20ème siècle, les sociaux-démocrates en Allemagne, puis les fabians en Angleterre, et des personnes comme Gene Debs et Norman Thomas aux USA.

Finalement vinrent les communistes – Lénine, Trotsky, et Staline en Russie; Mao et Ho Chi Min et Castro hors de la Russie; et des millions et des millions d’autres en Russie et hors de la Russie : des personnes qui avaient bonne conscience au sujet de leur tyrannie et des massacres parce que c’était nécessaire pour apporter un éventuel bonheur à la race humaine.

J’ai dit « finalement » vinrent les communistes. Ceci est en partie faux. Bien que le mouvement communiste puisse avoir partiellement échoué, les idées qui ont inspiré le communisme ont survécu. Le serpent de l’utopie révolutionnaire a été écrasé mais pas tué.

Ces idées sont vivantes et actives en Amérique aujourd’hui. Où pouvons-nous les trouver ? Dans le coeur et l’esprit de ceux qui se nomment eux-mêmes « progressistes ».

Et quelles sont exactement ces idées, les idées actuellement partagées par les descendants de la Révolution initiale de la fin du dix-huitième siècle?

1. L’égalité – pas simplement politique et légale, mais une société sans classe, c’est à dire, une égalité grossière des conditions économiques.

2. La liberté personnelle – La liberté de faire, de dire, ou d’être ce que vous voulez, à condition de ne pas causer de tort évident à vos camarades humains.

3. Le cosmopolitisme (la fraternité humaine) – la disparition de tous préjugés et de discrimination basée sur la race, l’ethnique, la nationalité, la religion, le sexe ou le genre, les orientations sexuelles et bien entendu il ne doit y avoir aucune limite nationale.

4. La grande prospérité – le résultat d’un système économique basé sur la justice et l’amour vrai et non dans le but de profit.

5. Un monde de paix – c’est la suite logique des n° 3 et n° 4.

6. La santé – la mort ne sera peut-être pas éliminée, mais aussi longtemps que nous resterons en vie, nous devrons être maintenu en bonne santé

7 L’éducation – chacun sera éduqué jusqu’aux limites de ses propres potentialités

8. Le bonheur universel – selon les points 1 à 7 , comment pourrions-nous ne ne pas être heureux?

Si c’est cela que nos progressistes américains veulent, c’est aussi ce que les communistes russes voulaient, mais cela signifie-t-il que nos progressistes, quand ils arriveront au pouvoir, utiliseront les mêmes instruments de tyrannie que ceux utilisés par les Russes ? Non, les Russes utopiques utilisaient des organismes de contrôle social qui étaient déjà en place dans la Russie pré-révolutionnaire, il y en avait spécialement trois :

une immense bureaucratie,

la police secrète,

et une monarchie autocratique.

Par contraste, les utopistes américains se serviront des agences de contrôle déjà en place aux Etats-Unis, et en particulier les trois suivantes :

La bureaucratie fédérale,

une presse libre

et l’enseignement supérieur.

Nous pouvons voir que nos progressistes utopiques nationaux ont déjà un grand contrôle des trois, et particulièrement des deux dernières. Aussi, il n’y aura aucun besoin d’une police d’État.

Au bout du compte, il est possible que l’Amérique soit un terrain plus fertile pour les courants utopiques que la Russie, la Chine ou même Cuba pourraient l’être.

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David Carlin est professeur de sociologie et de philosophie au « Community College » de Rhode Island, et l’auteur de « The Decline and Fall of the Catholic Church in America ».

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Photo du 1er mai à New York en 1934.