Nombrilisme, plaie du témoignage et de la littérature française - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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Nombrilisme, plaie du témoignage et de la littérature française

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Jamais 2 sans 3, dit-on ; et voici donc, après son livre « Catholique anonyme », et le film qu’en a tiré sa femme – « Qui a envie d’être aimé »-, un second ouvrage de Thierry Bizot.

Il y poursuit le récit de sa conversion, ou plutôt raconte la suite de son histoire; comme s’il voulait donner des nouvelles à ses fans de « catholique anonyme », où il racontait avec simplicité et humour sa rencontre improbable avec Jésus.

On ne présente plus l’homme, fondateur de la société Eléphant avec Emmanuel Chain et producteur entre autres de la série « Fais pas ci, fais pas ça » . Lui-même, quoi qu’il en dise en jouant les faux modestes, s’est très bien fait à son rôle de catho de service qu’on invite partout à témoigner et à défendre cette Eglise si peu douée pour la communication, dans les diners en ville. Mais cette fois, la veine s’épuise, et pour parler vrai, ce livre est sans nul doute celui de trop ; certes, il se lit bien mais la chronique de sa vie quotidienne et de ses états d’âme est non seulement ennuyeuse mais d’une mièvrerie à dégouter d’être catho : il y égrène les affres traversées pour la production du film, entrecoupées de déjeuners dans des très bons et chics restaurants, sa vie de père d’enfants normaux et d’époux d’une femme forcément formidable dans une banlieue verte et paisible, juste troublée un week-end par une inondation dans la cave de sa maison, ses rencontres avec des gens toujours bienveillants, ses soirées de témoignage où il ne fait jamais de bide, mais au contraire parvient toujours à gagner à sa cause un public difficile : bref une vie sans aspérité et sans péché, à 10 000 lieux de la réalité de la vie et d’une planète catho où il existe comme partout des imbéciles, de médiocres, des hypocrites, des familles brisées et des grands blessés.

Très loin aussi des préoccupations des gens engagés, à leurs risques et périls, dans un monde violent et désespéré. Il y a 30 ans, un autre homme de médias, Dominique Ferry, se convertissait à la stupeur de ses collègues et amis ; il faut dire que son changement de vie – abandon d’une carrière et entrée dans une communauté avec femme et enfants — était autrement plus radicale. M. Bizot devrait relire la parabole de l’homme riche, à qui Jésus conseille d’abandonner tous ses biens ; peut-être comprendrait-il enfin ce que veut dire suivre Jésus.

Est ressorti également, en poche, le Limonov d’Emmanuel Carrère : un récit passionnant pour comprendre l’histoire passée et présente de la grande Russie ; remarquable ouvrage s’il n’était gâché par la propension d’Emmanuel Carrère à s’introduire lui-même dans la narration pour raconter en parallèle sa vie d’enfant choyé et privilégié, dont on se contrefiche. Quel dommage de gâcher tant de talent !

Au final, je conseillerai un autre livre publié au Seuil comme celui de Bizot, plus difficile car moins médiatique mais oh combien plus riche : Aimer comme Dieu nous aime de François Heumann ; à consommer sans modération par ceux qui sont prêts à se battre pour qu’advienne le règne de Dieu.