Newman, sur la comparaison entre le vrai et le faux développement - France Catholique
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Newman, sur la comparaison entre le vrai et le faux développement

Traduit par Vincent de L.

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Nota : nous avons promis la semaine dernière de vous fournir une série d’articles sur divers aspects de la pensée du grand cardinal John Henry Newman à l’approche de sa canonisation le 13 octobre. Nous rendrons compte de Rome de cet événement, ainsi que du Synode sur l’Amazonie, qui aura lieu en même temps. Aujourd’hui, en tant que deuxième de cette série, nous avons quelques réflexions profondes sur l’un des concepts que Newman a essayé de clarifier : le développement de la doctrine. – Robert Royal

Le bienheureux (bientôt saint) John Henry Newman (1801-1890) a élaboré des « tests » ou des indications, nécessaires mais non suffisants, pour distinguer le vrai et le faux développement doctrinal, dans son ouvrage bien connu de 1845 : Essai sur le développement de la doctrine chrétienne. Il existe sept de ces « tests » : identité de type, continuité de principe, pouvoir assimilateur, cohérence logique, fécondité, conservation et vitalité.

Ils sont nécessaires mais pas suffisants car des « garants ecclésiaux » (comme les appelle Thomas Guarino) sont également nécessaires pour évaluer le développement doctrinal. Des garants tels que l’Écriture Sainte, les conciles œcuméniques, les docteurs de l’Église, les fidèles chrétiens et le Magistère. Pourtant, tous ces « tests » et les garants qui nous accompagnent nous aident à distinguer le « développement » du changement, c’est-à-dire une croissance correcte de la compréhension, qui peut impliquer des corrections, des modifications et des formulations complémentaires, par opposition à des mutations incorrectes et des corruptions.

En particulier, Newman dit : « Un véritable développement est ce qui conserve son original, et une corruption est ce qui tend à sa destruction. » (Non en italique dans l’original). La « continuité de principe » et « l’identité de type », ou ce qu’Oliver Crisp appelle un « noyau dur conceptuel dogmatique », est ce à quoi Newman fait référence lorsqu’il parle de ce qui doit être conservé.

L’idée de « révélation propositionnelle » est fondamentale pour le développement doctrinal. Newman a soutenu que les vérités révélées, ce qu’il appelle les « vérités surnaturelles du dogme », ont été « irrévocablement engagées dans le langage humain ». La révélation écrite de Dieu, selon la lecture de Newman par Ian Ker, « implique nécessairement la révélation propositionnelle ». Cette révélation propositionnelle sous forme verbalisée, ou ce que Newman a appelé le « principe dogmatique », est à la fois vraie mais non exhaustive, « imparfaite parce qu’elle est humaine », ajoute Newman, « mais définitive et nécessaire parce que donnée d’En Haut. »

Par exemple, Jésus-Christ nous révèle les vérités sur le mariage en nous renvoyant aux textes de la création dans la Genèse (1:27 et 2:24). Ici, le « principe dogmatique » de Newman est à l’œuvre. « Homme et femme, il les créa » et « pour cette raison… l’homme s’unira à sa femme et tous deux deviendront une seule chair. »

Le mariage est l’union de deux personnes en une seule chair entre un homme et une femme. La vérité de ce jugement est fondée sur la réalité objective, selon l’ordre de la création – la façon dont les choses sont réellement. Son contact avec la réalité est à la base de la vitalité de cet enseignement. Jésus unit en un lien inextricable les concepts d’indissolubilité, de dualité et de différenciation sexuelle, et nous avons donc « l’identité de type » qui doit être conservée dans le développement de la doctrine.

Ces textes sont absolument normatifs pour le mariage, et bien sûr, pour l’anthropologie chrétienne qui explicite l’éthique sexuelle, selon le Catéchisme de l’Église catholique. (§§2331-2345).

Jean-Paul II affirme explicitement un principe fondamental de l’anthropologie chrétienne : « En effet, le corps et l’âme sont indissociables : dans la personne, dans l’agent volontaire et dans l’acte délibéré, ils demeurent ou se perdent ensemble. » (Veritatis Splendor §49). Ce principe a été développé en affirmant la différenciation sexuelle et donc la nature corporelle de la personne humaine comme constitutive du mariage.

L’acte sexuel entre corps sexuellement différenciés est tel que, en tant que condition fondamentale, il est intrinsèque à une union en une seule chair ; et donc la forme de l’amour qu’est le mariage n’est pas détachable de son fondement dans une union sexuelle des corps entre l’homme et la femme.
La signification morale et sacramentelle de ce principe reçoit maintenant une attention explicite compte tenu des défis anthropologiques de la révolution sexuelle, à savoir les affirmations selon lesquelles la différenciation sexuelle et donc la nature corporelle de la personne humaine sont insignifiantes.

Le déni de la validité permanente de ce principe – par l’homosexualité, le mariage et les bénédictions homosexuelles, le transgenre – est une corruption du dogme car il affirme le contraire du « noyau dur conceptuel dogmatique » de l’enseignement sur le mariage, qui considère la différenciation sexuelle comme une condition fondamentale pour parvenir à l’union de deux en une seule chair du mariage. (Gen 1:27, 2:24)

En outre, Jean-Paul II a abondamment développé cet accent mis sur le principe fondateur de l’anthropologie chrétienne, à savoir que le corps sexuellement différencié est intrinsèque à soi-même. Il a montré dans ses œuvres fondatrices – Amour et responsabilité, Homme et femme Il les créa : une théologie du corps et Personne et acte – à la fois le pouvoir assimilateur et la fécondité de cette anthropologie. Ainsi, il synthétise le personnalisme, la phénoménologie/herméneutique existentielles et le thomisme en un tout cohérent.

Cette synthèse implique un type de développement logique dans lequel la substance (l’« identité de type » et la « continuité de principe » de Newman) des vérités révélées est exprimée différemment de manière linguistique et conceptuelle mais énonce la même chose à propos de la personne humaine. En d’autres termes, la formulation alternative doit toujours être in eodem sensu eademque sententia, c’est-à-dire selon le même sens et le même jugement de vérité.

Thomas Guarino a soutenu dans son livre magistral, Vincent de Lérins et le développement de la doctrine chrétienne, que Newman est clairement inspiré par Vincent. Il en va de même pour Vatican II. Jean XXIII dans Gaudet Mater Ecclesia (son discours d’ouverture du Concile) a déclaré : « Pour le dépôt de la foi [2 Tim 1:14], les vérités contenues dans notre enseignement sacré, sont une chose ; le mode dans lequel elles sont exprimées, mais avec le même sens et le même jugement [eodem sensu eademque sententia], est une autre chose. »

La clause subordonnée de ce passage fait partie d’un passage plus long de la constitution du Concile Vatican I, Dei Filius, et ce passage est lui-même issu du Commonitorium primum 23 de Vincent de Lérins : « Par conséquent, qu’il y ait croissance et progrès abondants dans la compréhension, la connaissance et la sagesse, en chacun et en tous, dans les individus et dans toute l’Église, à tout moment et au cours des âges, mais uniquement dans les limites appropriées, c’est-à-dire dans le même dogme, la même signification, le même jugement » (in eodem scilicet dogmate, eodem sensu eademque sententia).

Bien que les vérités de la foi puissent être exprimées différemment, l’Église doit toujours déterminer, à la lumière des garants ecclésiaux énumérés dans le premier paragraphe, si ces nouvelles reformulations conservent le même sens et le même jugement (eodem sensu eademque sententia), et donc la continuité matérielle, l’identité et l’universalité de ces vérités. Ce n’est qu’alors que nous pourrons distinguer le vrai et le faux développements.

24 août 2019

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/08/24/newman-on-true-vs-false-development/

Tableau : John Henry Newman par Richard Woodman, d’après Sir William Charles Ross, v. 1845 [National Portrait Gallery, Londres]

Eduardo J. Echeverria est professeur de philosophie et de théologie systématique au Grand Séminaire du Sacré-Cœur, à Detroit. Ses publications comprennent Pape Francis: The Legacy of Vatican II (2015) (« Le pape François : l’héritage de Vatican II ») et Revelation, History, and Truth: A Hermeneutics of Dogma. (2018) (Révélation, histoire et vérité : une herméneutique du dogme).