Mozambique : Jour de joie, dix-sept ans après l'horreur - France Catholique
Edit Template
Van Eyxk, l'art de la dévotion
Edit Template

Mozambique : Jour de joie, dix-sept ans après l’horreur

Une chapelle a été inaugurée à Nyapapa le 26 juillet dernier. L’Aide à l’Église en Détresse (AED) a soutenu sa construction. Un jour de joie extraordinaire, sur les lieux de l’une des nombreuses tragédies de la guerre civile, terminée en octobre 1992. Récit.
Copier le lien

Par Eva-Maria Kolmann, AED International
Adaptation: Mario Bard, AED Canada

http://www.acn-aed-ca.org/2-francais/findex23.htm

— –

Les gens du village de Nyapapa se réjouissent. Ils s’avancent en une joyeuse procession colorée vers leur chapelle qui vient d’être construite. Leur pasteur, Mgr Adriano Langa, évêque d’Inhambane, célèbre la messe avec eux et inaugure la chapelle. Beaucoup d’enfants sont présents et des femmes vêtues de couleurs vives chantent et dansent, plusieurs portent leurs bébés dans des étoffes, sur le ventre ou sur le dos. Elles louent le Seigneur par leurs danses, leurs chants et au son des tambours. En effet, la maison de Dieu consacrée à Sainte-Marie-Madeleine, que les fidèles ont attendue si longtemps et qui a pu être construite grâce au soutien de l’Aide à l’Église en Détresse (AED), est enfin achevée. C’est un grand jour pour tous. Le curé Diamantino Antunes nous écrit : « Pendant la messe, toute la paroisse a pensé aux bienfaiteurs, a prié pour eux et les a remerciés. C’était un beau moment pendant lequel nous avons senti que nous n’étions pas seuls. »

Mais la paroisse de Guiua, dont fait partie le village de Nyapapa, n’a pas toujours connu des jours de joie. Le 22 mars 1992, vingt-trois personnes y ont été sauvagement assassinées. Un groupe de catéchètes avait été invité par le prêtre local à se perfectionner au centre pastoral de Guiua. Le cours devait durer un an, et ils avaient donc amené leurs familles avec eux. Ils sont venus de loin, plusieurs ayant dû parcourir quatre cents kilomètres. Le voyage était dangereux, car la guerre civile, qui avait déjà causé une souffrance incommensurable pendant seize ans à travers le Mozambique (et qui ne devait se terminer que quelques mois plus tard), faisait encore rage. Leur volonté de servir l’Église et l’être humain, dans leur pays, était plus forte que leur peur.

C’est ainsi que les catéchètes se sont mis en chemin avec leurs femmes et leurs enfants. Ils ont fait une joyeuse fête le soir de leur arrivée – ils étaient enfin arrivés à destination sains et saufs. Le soulagement était grand, mais il n’a pas duré longtemps, car ils ont été attaqués pendant la nuit par une horde de rebelles. Parmi eux, il y avait même des enfants soldats, incités et entrainés à tuer au moyen de l’alcool et des drogues. Une violence sans nom a commencé. Deux catéchètes ont immédiatement été abattus.

Des exemples pour les catéchètes d’aujourd’hui

Sœur Thérèse Balela de l’ordre des Franciscaines de Marie venait tout juste de tresser des nattes aux petites filles. Elle était entrée dans la maison quand les rebelles sont arrivés. Sans penser à elle-même, elle a essayé de mettre ses consœurs en sécurité, en les barricadant dans une pièce. Alors, elle a couru dans la chapelle pour sauver le Saint-Sacrement. L’un des agresseurs l’a vue à travers la fenêtre et a tiré sur elle, mais les balles ont manqué la courageuse femme.

Les rebelles, manifestant toute leur monstruosité, ont finalement séparé les enfants des adultes. Certaines personnes ont été torturées. Lorsque les adultes se sont rendu compte qu’ils allaient mourir, ils ont demandé aux soldats de pouvoir prier. En conséquence, ils ont été assassinés à coups de couteaux et de hachettes. Même des nourrissons ont été sauvagement égorgés. Certains d’entre eux ont survécu malgré leurs graves blessures, mais au total dix enfants et treize adultes sont morts. Il y a encore plus de monde qui serait mort si le curé n’avait pas réussi à prévenir l’évêque, lequel a appelé les militaires à l’aide. Surpris par les troupes gouvernementales, les rebelles se sont enfuis et n’ont pu achever leur œuvre sanguinaire. Sinon, il n’y aurait probablement pas eu de survivants.

Aujourd’hui, un lieu de commémoration rassemblant les tombes des martyrs se trouve derrière le centre pastoral de la paroisse. Les noms de toutes les victimes sont inscrits sur une croix devant les tombes. Les tombes sont simples et une croix verte en bois, avec le nom de la victime, est plantée sur chacune. Une petite chapelle au toit de paille a été construite derrière. Le 22 de chaque mois, les fidèles de tous les environs se rassemblent ici et font souvenir des morts lors d’une messe. C’est aussi à cet endroit précis que les catéchètes ayant achevé leur formation au centre pastoral font chaque année à l’évêque la promesse solennelle de servir l’Église. Les catéchètes qui ont souffert ici sont pour eux un modèle.

Le centre pastoral de Guiua, qui est aujourd’hui dirigé par le curé Diamantino Antunes, a une grande importance. En effet, il y a trop peu de prêtres dans tout le diocèse d’Inhambane pour les quelque 300 000 catholiques. L’annuaire de l’Église catholique compte huit prêtres séculiers et trente-huit religieux pour cette année. Il y n’a que vingt-deux paroisses pour une superficie totale de 72 000 kilomètres carrés, et chacune d’entre elles rassemble de nombreux villages très éloignés les uns des autres. Il est donc important que les quelques prêtres soient soutenus par des catéchètes – et que des chapelles apparaissent dans les villages, car l’église paroissiale est souvent très loin pour les fidèles qui veulent se rassembler pour prier.

Les catholiques de Nyapapa se réjouissent déjà de leur nouvelle chapelle, mais la paroisse de Guiua est grande, et le curé Antunes espère que nous aiderons aussi les fidèles du village de Maunzo à construire leur propre chapelle. Il y a huit kilomètres de Maunza à Guiua. Les fidèles doivent les parcourir à pied s’ils veulent assister aux offices dans l’église paroissiale. C’est un gros effort, surtout pour les femmes, les enfants et les personnes âgées. Par contre, comme partout en Afrique, Dieu est à la première place pour tous les fidèles. Une chapelle mettra Dieu au milieu d’eux, dans leur village. Montrons aux gens de Maunzo qu’ils ont des amis dans le monde entier. Aidons-les à pouvoir bientôt, eux aussi, faire une joyeuse célébration!