Mise à part - France Catholique
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Mise à part

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« La Transfiguration » par Raphaël, 1516-1520 [Pinacothèque du Vatican, Rome]

« La Transfiguration » par Raphaël, 1516-1520 [Pinacothèque du Vatican, Rome]

© Drew Maust / CC by

L’Église du Christ est sainte. Et une part essentielle de sa sainteté est d’être mise à part. Bien sûr, cette spécificité peut être mal interprétée et conduire à une mentalité de ghetto – un isolationnisme et un repli sur soi malsain. Néanmoins, cet abus ne doit pas éliminer l’usage. Ni la vérité. Saint Pierre proclame : « Vous êtes une race choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple qui appartient à Dieu » (1 Pierre 2:9). Donc l’Église doit être, dans une certaine mesure, séparée du monde. Le récit de ce jour de la Transfiguration (Marc 9:2-10) trace le contour du pourquoi et du comment l’Église doit être mise à part.

D’abord, « Jésus prit à part Pierre, Jacques et Jean et les conduisit sur une haute montagne ». Pour former son peuple, le Seigneur le conduit toujours hors du monde. Abraham, Moïse, Élie, chacun d’entre eux a été appelé sur une montagne, séparé des autres. Leur mise à part sur la montagne signalait une différence spirituelle profonde d’avec le monde. Ils n’étaient pas comme les autres, ils appartenaient à Dieu. Alors maintenant, sur le mont Tabor, les Apôtres de notre Seigneur, et pas extension l’Église entière, sont mis à part.

Naturellement, la séparation fait mal. Personne ne veux être un indésirable. Abraham, Moïse et Élie connaissaient très bien la tentation de ne pas se séparer mais de se conformer et rentrer dans le moule. A de nombreuses reprises, les Israélites se sont rebellés contre leur différence et ont rêvé de ce qu’avaient les autres nations. Comme résultat, ils ont perdu leur propre pays. D’où le thème récurrent des prophètes : « soyez saints – mis à part – parce que le Seigneur votre Dieu est saint. »

La tentation de s’assimiler à la culture dominante est bien en évidence de nos jours. Si les catholiques possédaient par le passé une mentalité négative de ghetto, nous souffrons maintenant d’un désir quasi pathologique de nous intégrer. Nous semblons plus préoccupés d’être bien vus plutôt que de proclamer la vérité. Nous nous évertuons à rendre nos paroles plus acceptables plutôt que plus convaincantes. Ironiquement, nous sommes restés à l’écart d’une culture chrétienne avec laquelle nous avions beaucoup en commun. Maintenant, nous nous conformons à une culture qui déteste nos croyances les plus essentielles.

Nous avons été mis à part. Nous devons donc lutter contre la tentation de nous adapter et d’adapter notre foi au monde. Comme les Apôtres, nous devons accepter d’être mis à part, loin de l’irréalité du monde – peu importent l’inconfort, la souffrance et la persécution qui peuvent en découler.

Et pourtant, notre mise à part n’est pas un but en soi. Elle a pour but notre union à Dieu. Comme Abraham, Moïse et Élie, les Apôtres sont conduits en haut de la montagne afin de pouvoir rencontrer Dieu. En haut d’une montagne, Dieu a appelé Abraham, a donné la Loi à Moïse et est venu à Élie « dans un murmure » (1 Rois 19:12). En ce qui concerne les Apôtres au mont Tabor, notre Seigneur « a été transfiguré devant eux et ses vêtements sont devenus d’un blanc éclatant, tel qu’aucun blanchisseur sur terre ne peut obtenir ». Il les a emmenés hors du monde pour être avec Lui.

Donc autant nous nous détachons du monde et de ses séductions, autant nous nous attachons à Dieu et à Ses promesses. En vérité, sans cet objectif de la séparation, le détachement et les sacrifices exigés n’ont pas de sens et deviennent rapidement un fardeau déraisonnable. Notre mise à part est davantage pour Dieu qu’elle n’est contre le monde.

Cela s’applique d’abord à notre prière personnelle. Nous avons besoin de fuir le bruit et les nouvelles du monde en vue de rencontrer le silence et la vérité de Dieu.Tant que nous n’avons pas fait la difficile ascension de la montagne en tournant le dos aux distractions et tentations du monde, notre prière ne va jamais décoller. De même, notre façon d’adorer devrait être à l’écart du monde et pour Dieu. Pour que nous bénéficions de la présence eucharistique du Christ, la messe ne doit pas être influencée si peu que ce soit par le bruit et la superficialité du monde.

Mais nous ne restons pas à la messe. Ce qui nous amène au but final de notre mise à part : retourner et témoigner. Quand les grands personnages de l’Écriture redescendent de la montagne, ils apportent avec eux le fruit de leur rencontre. Abraham descend du mont Moria capable de proclamer que Dieu ne désire pas de sacrifice humain barbare mais qu’Il procurera Lui-même l’Agneau. Moïse redescend avec les Tables de la Loi de l’Alliance. Et Élie retourne vers Israël avec un zèle renouvelé pour cette alliance.

Le témoignage apostolique de la Transfiguration sera un peu retardé : « Il leur intima de n’en parler à personne jusqu’à ce que le Fils de l’Homme soit ressuscité des morts. » Cependant, les Apôtres ont transmis aux autres ce qu’ils ont rencontré et reçu sur la montagne. Ils descendent du mont Tabor capables de témoigner du Christ, le Fils de Dieu. Pierre écrira plus tard à propos de « cette unique déclaration… ‘Celui-ci est mon Fils, mon bien-aimé, en qui je me délecte’ ». Ensuite il ajoute « nous-mêmes avons entendu cette voix venue des cieux quand nous étions avec Lui sur la sainte montagne » (2 Pierre 1:18).

Séparation, communion, témoignage. Ces éléments de sainteté marquent la trajectoire de notre carême. Par nos mortifications et nos actes de renoncement, nous nous séparons et déclarons notre indépendance vis-à-vis du monde. Nous faisons ainsi en vue de rencontrer le Christ et de ne faire qu’un avec Lui, tout spécialement dans Sa passion et Sa mort. Quand nous aboutissons à Pâques, nous espérons porter témoignage avec les Apôtres, disant : « Nous ne pouvons nous empêcher de parler de ce que nous avons vu et entendu » (Actes 4:20).