Marie immaculée, « tabernacle vivant » - France Catholique

Marie immaculée, « tabernacle vivant »

Marie immaculée, « tabernacle vivant »

Le tabernacle aide à comprendre le dogme de l’Immaculée Conception, fêtée le 8 décembre. 
Copier le lien
Consécration de la chapelle Notre-Dame du Sourire dessinée par l'artiste Fleur Nabert.

Consécration de la chapelle Notre-Dame du Sourire dessinée par l'artiste Fleur Nabert.

© Philippe Lissac / Godong

Une fois n’est pas coutume, je me permets une confidence personnelle. Quand j’étais petit, le moment de la messe que je préférais, c’était celui où le prêtre ouvre le tabernacle pour en sortir les ciboires : la petite porte dorée parfaitement brillante, le cliquetis léger de la serrure dans le silence, le frôlement des étoffes, l’extrême attention du célébrant, l’intérieur qu’on devinait capitonné de soie, l’éclat de l’or et du vermeil – tout cela me paraissait d’une douceur et d’une beauté qui me donnaient une idée du surnaturel. Quam pulchra sunt tabernacula tua Iacob et tentoria tua Israël ! « Que tes tentes sont belles, Jacob, et tes demeures, Israël ! » (Nb 24, 5).

Plus tard, quand on essaya de m’expliquer le dogme de l’Immaculée Conception, je crois que c’est le souvenir de ce moment précis de la messe, qui m’a aidé à le comprendre, et même à le trouver parfaitement logique. Pourquoi donc ? Mais c’est très simple : parce que la Vierge Marie est, comme le disent les litanies, la « Maison d’or », l’« Arche d’Alliance », la « Demeure toute consacrée ».

Une demeure absolument pure

Or, si les hommes mettent un soin extrême à concevoir la réserve où l’on garde les hosties consacrées, il est a fortiori évident que Dieu a dû concevoir une demeure absolument pure pour l’Incarnation du Fils. Il fallait donc que la Mère du Sauveur fût parfaite, sans tache, préservée du péché originel. Cette analogie est peut-être simpliste et enfantine, mais elle n’est pas trompeuse.

Saint Jean-Paul II dans sa splendide encyclique Ecclesia de Eucharistia (§55) donne à ce thème toute son ampleur : « Dans le mystère de l’Incarnation, Marie a aussi anticipé la foi eucharistique de l’Église. Lorsque, au moment de la Visitation, elle porte en son sein le Verbe fait chair, elle devient, en quelque sorte, un “tabernacle” – le premier “tabernacle” de l’histoire – dans lequel le Fils de Dieu, encore invisible aux yeux des hommes, se présente à l’adoration d’Élisabeth, “irradiant” quasi sa lumière à travers les yeux et la voix de Marie. Et le regard extasié de Marie, contemplant le visage du Christ qui vient de naître et le serrant dans ses bras, n’est-il pas le modèle d’amour inégalable qui doit inspirer chacune de nos communions eucharistiques ? »

Il a fallu dix-huit siècles

Mais alors, me direz-vous, si c’était si clair, pourquoi l’Église a-t-elle attendu dix-huit siècles pour proclamer l’Immaculée Conception, en 1854 ?

C’est qu’il y avait une difficulté : que Marie ait été emplie de grâce avant sa naissance, tous les chrétiens en convenaient, mais qu’elle ait été conçue sans la moindre trace du péché originel, cela semblait aller trop loin. N’était-ce pas dire que Marie n’avait pas eu besoin de la Rédemption ? Ce qui est contraire à la doctrine du Salut (lisez Rm 3, 23). Comprenons bien : on peut admettre facilement qu’un grand saint n’ait jamais commis aucun péché, mais qu’un être humain – fût-il un saint – soit exempt des traces du péché originel – c’est-à-dire de la moindre radicelle de mauvais désirs ou de mauvaises pensées – cela paraît plus difficile à concevoir : c’est comme s’il était né avant la Chute.

Le dilemme paraissait indécidable : d’un côté, la piété estimait indécent d’imaginer la Mère du Seigneur en proie aux simples traces du péché originel, d’un autre côté, la raison reculait à l’idée de l’exclure de l’humaine condition. Pendant longtemps, l’opinion des théologiens fut ainsi partagée, oscillant entre les deux.

« Rédemption préservatrice »

Puis vint Jean Duns Scot (1266-1308). C’est ce théologien franciscain d’origine écossaise, – surnommé le « docteur subtil » – qui trouva la solution. Elle lui valut son titre de « docteur marial ». Il élabora, en effet, la notion de « rédemption préservatrice » : partant du principe que l’action divine est hors du temps, Duns Scot soutient que la Vierge a bel et bien bénéficié de la Rédemption, mais sous une forme anticipée, par mode de préservation, et non par mode de purification. Ainsi les deux vérités sont respectées sans contradiction : pureté dès la conception, rédemption universelle.

En dépit d’une certaine opposition des thomistes, la solution de Scot fut favorisée par les papes, en particulier Sixte IV et Alexandre VII, jusqu’à ce que Pie IX, après une vaste consultation des évêques, la proclame par la bulle Ineffabilis Deus, qui reprenait très exactement les termes du docteur subtil.

Les hosties dans le tabernacle, c’est ainsi la foi catholique dans toute sa splendeur, la figuration des plus hauts mystères de la vraie religion, le résumé de toute l’histoire sainte : c’est la présence de Dieu dans le Saint des Saints, la nouvelle Ève portant le Fils de l’Homme, l’anticipation des fruits du Golgotha dans les entrailles de l’Immaculée, la proximité éternelle de la Mère de Dieu et de son Fils dans le ciel, l’image de Marie, tabernacle vivant du Fils encore invisible, mais déjà réellement présent.