Marie-Hélène Mathieu - France Catholique

Marie-Hélène Mathieu

Marie-Hélène Mathieu

Copier le lien

Ces pages ont quelque chose d’une redevance, à l’endroit de Marie-Hélène Mathieu. Ces dernières semaines, dans l’éclat d’un jeune été Marie-Hélène recevait la légion d’honneur. Ces amis, par centaines, l’entouraient ce soir-là. L’événement, c’en était un tout de même, n’avait rien de protocolaire. On était dans un autre ordre qui n’était rien moins que celui de l’Évangile et de ces étranges principautés qui font des plus petits les princes de ce royaume.

Ceux qui nous devancent dans un cortège dont nos yeux se détournent. Ces pèlerins-là n’ont qu’une particularité qui en fait des êtres pas comme les autres. Il leur en coûte parfois une incompréhension de leur état. Marie-Hélène Mathieu sait bien ce que cela veut dire. Ce sont les pleurs et les chagrins d’une de ses compagnes d’école qui l’ont amenée à une prise de conscience qui n’a cessé depuis de s’approfondir avec le temps. Marie-Hélène se préparait alors à devenir éducatrice spécialisée. Elle l’est devenue en effet mais d’une manière qui devait occuper plus largement sa vie qu’elle ne l’aurait imaginé.

Dans les mêmes moments, Jean Vanier fut à l’origine de cette révolution silencieuse qui se nomme l’Arche. On ne saurait oublier aucun de ceux qui se sont levés pour répondre à ce bruissement d’âmes. Ce malheur innocent dont on commençait à prendre la dimension. La démarche n’allait pas de soi. Il fallait une sorte de folie pour ouvrir des chemins que d’autres, et bien plus nombreux, tenaient pour des impasses. Ce fut le cas quand Marie-Hélène et Jean Vanier orga­nisèrent le premier pèlerinage Foi et Lumières à Lourdes. C’était tellement improbable qu’on vouait l’entreprise à l’échec. Le flot de ces marcheurs à l’étoile n’a fait que grossir depuis lors. Aujourd’hui ils se retrouvent par milliers en ces lieux où la foi a fini par devenir le réel. Le réel le plus important.

Il n’en allait pas autrement en d’autres lieux qui s’appellent Montjoie par exemple chez Lucette et Jean Allingrin. Cette clairière aux enfants qui trouvent là des fa­milles et des bras pour les accueillir. Miracle de l’amour qui se fait convergence pour nous redire les vraies directions. Et que là où il y a l’ombre il y a aussi une lumière. Ce n’était pas seulement Marie-Hélène Mathieu qui se trouvait honorée le temps d’une soirée. Autant de ses amis se retrouvaient dans la clarté d’une rencontre. Un livre* venait d’ailleurs de paraître sur le même thème de la rencontre. De ce bonheur restitué qui fait toute la richesse d’une œuvre.
On ne peut pas si fa­cilement parler de ces choses dont les proportions font penser à un échec de la création et donc, si on va jusqu’au bout de nos raisonnements, du Créateur. Celui dont les chrétiens disent qu’il est notre Père. Dans l’effroi de la détresse il nous remet en vérité dans la condition qui est la nôtre. Ce ne sont pas des considérations que Marie-Hélène Mathieu nous donne à relire en partage, mais un vrai carrefour d’humanité qui ne sait pas toujours vers qui se tourner.

Au lendemain de la tragédie du Rwanda, Ma­rie-Hélène est revenue sur les lieux de cet immense malheur. Marie-Hélène, qui n’a pas pour habitude de fuir le réel, avait entrepris son voyage en pensant aux mille collines et à leur beauté ini­tiale. Ce qu’on admirait hier, notre regard s’en détourne désormais. La main de l’homme est passée par là et n’a laissé en ces lieux que des souvenirs d’horreur.

Au lendemain du génocide du Rwanda, un papa m’a raconté comment son fils de 10 ans, pacifique, handicapé très profond qui ne parle pas, ne lui a pas moins sauvé la vie. Des soldats armés jusqu’aux dents ont fait irruption dans la maison et menaçant le père en vociférant « Nous allons te tuer. ». L’enfant s’est alors élancé vers son papa. Il a tourné autour de lui, comme pour le protéger, en poussant des cris de douleur. Les soldats ont eu un moment d’hésitation. Étonnante histoire. Un enfant à lui seul l’emportait. L’amour même quand il n’a pas de mots peut au besoin se faire entendre. La Bible est pleine d’imprévus de ce genre.
Marie-Hélène, cette femme qui semble tout droit surgir de ces rivages d’où s’élève, comme au premier jour, une lumière qui ne s’éteint pas. Un grand destin qui mérite d’être entendu et largement si possible. Le temps presse, il y a des urgences. On ne peut laisser notre univers dans cet état.

Robert MASSON

* Marie-Hélène Mathieu et Jacques Perrier « La lumière d’une rencontre : Quand la personne handicapée nous fait signe », 174 pages, Edifa-Mane.