Marguerite Hoppenot et les 70 ans du mouvement Sève - France Catholique
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Marguerite Hoppenot et les 70 ans du mouvement Sève

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Le 11 octobre 2008 le mouvement Sève fête, en union avec sa fondatrice Marguerite Hoppenot, aujourd’hui âgée de 107 ans, ses soixante-dix ans d’existence. Des délégués venus du monde entier vont se retrouver pour partager des souvenirs mais aussi pour donner une nouvelle impulsion au mouvement qui rejoint plus de 25 000 membres parmi lesquels de plus en plus de jeunes. Et ce sera surtout pour tous l’occasion de rendre grâce pour une des plus belles aventures de foi du XXe siècle.
Rien ne prédisposait la petite Mar­­guerite de Marchena, future Marguerite Hoppenot, à devenir cette femme d’Église, fondatrice d’un mouvement de spiritualité qui irrigue ce milieu parfois oublié, et souvent critiqué, celui de la bourgeoisie.

Quand elle naît le 2 juillet 1901 le monde vient d’entrer dans un des siècles les plus violents de son histoire. Un de plus meurtriers, porteurs des guerres mondiales de massacres comme on n’en a jamais vu. Elle est la seconde fille d’un couple « profondément uni » répétera-t-elle toute sa vie. Son Père particulièrement la marquera. C’est un homme droit, même s’il n’affiche pas des convictions chrétiennes très profondes. Il est ingénieur, créateur, chef d’entreprise et aussi professeur, titulaire de la chaire d’électricité à l’École Centrale.

Marguerite aurait pu rester aussi une femme de la bourgeoisie, mais son destin sera différent. Elle sera appelée à une autre mission.
Cinq grands moments vont marquer sa vie et conduire ce qu’elle appelle « sa vocation », comme cinq mystères parfois heureux et parfois douloureux. Tout commence quand elle n’est encore qu’une enfant. Elle a neuf ans à peine. Elle est alors élève dans une petite école du quartier de la plaine Monceau. Si elle prend plaisir à jouer durant la recréation avec ses amies, elle aime aussi se rendre à la chapelle située au deuxième étage ; là elle vient passer quelques minutes devant le Saint-Sacrement. C’est une visite quasi quotidienne, un rendez-vous qui lui tient à cœur. Neuf ans, c’est aussi l’âge de sa première communion et de son premier appel. « Durant ma retraite, confie t elle, j’ai eu une sorte de vision intérieure. J’étais parmi une multitude et légèrement au dessus. ce jour-là, j’ai été saisie. »
Étonnante situation qu’on pourrait prendre pour de l’orgueil. Mais elle-même en donne la signification dans un texte qu’elle écrit en 1968 : « N’oublions pas que la hauteur exige de la profondeur sans laquelle elle ne pourrait exister. »

Cette vision intérieure est donc un appel à approfondir d’abord le mystère de l’amour de Dieu, dans la plus grande humilité, ce qu’elle fera toute sa vie. Les années passent. Marguerite, excellente élève et musicienne de talent, est confrontée à un choix qui sans qu’elle s’en rende compte encore sera aussi un choix de vie. Son père lui demande, un jour, de choisir entre ses études et son violon. Après de longues hésitations elle opte pour le violon : Une chance reconnaît-elle encore aujourd’hui, elle qui écrit en 1970 : « Depuis l’avènement de Jésus Christ l’arbre de la vraie connaissance ne se résume-t-il pas en Lui, Dieu fait homme homme-Dieu, lumière du monde. »

Le deuxième mystère que vit Mar­­guerite de Marchena sera douloureux. C’est tout simplement le mystère de la mort. Cela se passe pendant la guerre de 1914. Marguerite est bouleversée à la lecture d’un livre paru en 1916 : Le voyage du centurion d’Ernest Psichari. Elle est impressionnée par l’itinéraire de conversion de ce petit-fils d’Ernest Renan, tué dès les premiers combats d’août 1914. Vers la fin de la guerre, elle vivra aussi un autre deuil. Une de ses amies, une jeune Anglaise, Marguerite Culligham, est tuée lors du bombardement de Saint-Gervais, le 29 mars 1918, le Vendredi saint. Marguerite aurait dû l’accompagner mais exceptionnellement sa mère l’en avait empêché. Quelques jours auparavant Marguerite lui avait fait part du bonheur déjà ancien de sa première communion et de son amour pour Jésus-Christ. Et sa jeune amie lui avait promis de l’accompagner pour un temps d’adoration. Là encore la vie ne le permettra pas. Étonnante similitude entre ces deux morts. Il s’agit pour Marguerite d’une redescente sur terre, d’un appel au désert mais un désert qui sera habité par la présence de Dieu.

Le troisième mystère sera un mystère heureux. C’est la rencontre avec Philippe Hoppenot. Quelques mois après l’armistice la vie mondaine reprend à Paris. Au cours d’une soirée elle rencontre Philippe Hoppenot. C’est la révélation de l’amour humain qui pose la réelle question de l’amour à tout homme et à toute femme. Et Philippe, alors qu’ils ne se sont encore rien déclaré, lui pose la question qui le dépasse et qui la dépasse : « Aimez-vous Dieu ? »

Le quatrième mystère est à la fois plus discret et plus radical. Il lui est signifié de vivre l’abandon total. C’est au cours d’une audition de la messe en Si mineur de Bach qu’elle a la révélation de l’abandon total à la volonté du Seigneur. Elle ne sait pas ce qu’elle fera, elle sait qu’elle doit se mettre en route comme Abraham ne sachant pas vers quel pays la mène le Seigneur.

Le cinquième mystère enfin, résume tout. C’est la certitude de l’identité de Dieu : Dieu est amour. « Un jour j’ai été arrêtée, stoppée, scotchée pourrait-on dire sur cette parole : « Dieu est amour ». Cette parole comme tout le monde, je l’avais bien souvent lue et entendue ; mais cette fois elle m’a frappée en plein cœur. »

Tout s’ouvre maintenant pour elle. Elle s’est mise en route. Il lui reste à travailler. Et ce sera la création du mouvement Sève. Nous sommes en 1936 ; Marguerite Hoppenot qui a assisté aux nombreuses manifestations politiques regarde d’un coup les événements avec un œil différent : « Ma découverte que Dieu est amour et que ‘l’homme est appelé à le devenir, à être et à être amour comme Dieu, à sa mesure certes, me fit faire la prise de conscience brûlante que ce sont justement les êtres qui possèdent les trois pouvoir du pouvoir de l’avoir et du savoir qui suscitent haine et violences (…) Cela m’a amené à cette prise de conscience qui depuis ne m’a jamais quittée ; les biens, quels qu’ils soient, sont des instruments de division s’ils sont aux mains d’un égoïsme « pour moi seul » et ils sont des instruments de promotion humaine et de communion fraternelle s’ils sont aux mains d’un amour « pour tous » ». Paroles qui entrent en résonance avec les mots de Benoît XVI aux Invalides le 13 septembre dernier : « l’argent, la soif de l’avoir, du pouvoir et même du savoir n’ont ils pas détourné l’homme de sa fin véritable, de sa propre vérité ? »

À ce paradoxe fondamental Marguerite Hoppenot répondra : « C’est cette intuition qui a fait jaillir en mon cœur la devise du mouvement : Être, aimer, Être amour, être un service d’amour et d’unité. » aujourd’hui simplifié et résumé en quatre mots : Être, Aimer, Servir, Unir.

Quelques années plus tard, comme une graine qui doucement pousse, naît le mouvement Sève. Pas de publicité, pas de grandes manifestations. « Il faut être avant de dire qu’on existe, répète-t-elle souvent. C’est la vie qui donne la vie. »

Sève est avant tout un projet de vie animé par une spiritualité nourrie de l’Évangile, fondé sur l’Amour et l’unité.

« Vivre le message du Christ plutôt que de tenter de convertir les autres, tel en est le cœur », affirment ses responsables actuels. Ainsi le mouvement peut-il être, ou devenir, pour ceux qui adhèrent à son esprit, un chemin de vie et un foyer d’unité. Chemin de vie au sein d’équipes de laïcs, soutenu par une pédagogie destinée à faire se rejoindre la foi et la vie, concrétisé par une entraide fraternelle interpellée par les appels du « prochain » et du monde. Et un foyer d’unité où sont appelés les chrétiens, quelle que soit leur confession de chrétien. Ainsi, catholiques et protestants se retrouvent-ils en équipe, dans le même enracinement en Jésus-Christ.

Albéric de PALMAERT *

* auteur de « Marguerite Hoppenot », éditions Salvator

Mouvement SEVE, 14 rue Freycinet, 75116 Paris.