Les musulmans après Charlie : la majorité silencieuse. - France Catholique
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Les musulmans après Charlie : la majorité silencieuse.

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Hormis quelques manifestations ici et là, la majorité des musulmans à travers le monde n’a pas réagi publiquement à la publication de « Charlie-Hebdo ». Ils n’en pensent pas moins.

On aurait pu s’attendre à un déferlement de violences comme lors des caricatures danoises. Il n’en a rien été. Ceci est révélateur de plusieurs choses. La première est que l’émotion est canalisée. Lorsque les gens sortent dans la rue, partout en même temps, il y a un effet de contagion mais celui-ci est clairement instrumentalisé au départ. Les autorités quelles qu’elles soient n’ont cette fois donné aucun mot d’ordre et ont stoppé la propagation des manifestations là où accidentellement ou mécaniquement elles avaient surgi : au Pakistan où existe en permanence une sorte de réflexe de Pavlov qui est d’abord anti-indien, ou dans des micro-climats bien identifiés comme à Zinder au Niger.

Pourquoi les musulmans ont-ils accusé le coup en silence ? Plusieurs hypothèses : quelque part une honte de l’attentat de Paris ; un sentiment diffus de menace commune, les musulmans étant les premières victimes du terrorisme jihadiste ; dans plusieurs pays l’effet des progrès d’un espace public démocratique qui privilégie le débat ; enfin parce que l’objet en cause est la représentation encore mythifiée et rêvée d’un pays clairement idéalisé, la France, « une certaine idée de la France ». Les élites ou autorités musulmanes qui d’habitude donnent le ton, cette fois, étaient partagées, sinon divisées sur la marche à suivre. L’Islam mondial s’est senti interpellé.

Quand on parle d’oslam mondial, on a en vue par exemple mais de manière non limitative, l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), l’Arabie saoudite gardienne des Lieux Saints, l’Iran du Guide suprême. Tous ces gens-là se sont tus ou ont fait le service minimum. Pourquoi ? Pour les raisons qu’on a dites et aussi et encore parce que plus que jamais la France ne cesse de compter en son nom propre. Ces pays et ces organisations et leurs dirigeants ont conscience que si la France venait à manquer au monde musulman, à la politique arabe, quoi qu’il en reste, ils auraient tous perdu quelque chose d’important, de stratégique. L’arrivée au pouvoir en France d’une majorité politique anti-musulmane quoi qu’elle en dise, l’absence de l’Europe, le tête-à-tête exclusif des musulmans avec Washington et Londres, révèlent l’étendue du vide qui se creuserait.

Ceci vaut au premier chef des chefs d’Etat des pays à majorité musulmane d’Afrique occidentale, spécialement des plus récents, le malien qui a fait forte impression aux côtés du président Hollande au premier rang de la marche du 11 janvier et par ses interviews, le sénégalais, des chefs d’État élus démocratiquement, responsables, intelligents. Bamako et à plus ou moins brève échéance Dakar ont été sauvés l’an dernier par l’armée française ! La vérité est dans le film d’une rare finesse politique et d’un grand sens spirituel, « Timbuktu ». Ces chefs d’Etat ont su contrôler leur population, bien sûr au prix de l’interdiction de la distribution de « Charlie-hebdo », mais l’essentiel était sauf.

Le Maghreb continue d’éprouver des doutes sur la société française. La société plus que la politique du gouvernement du moment, car la population musulmane française est en dialogue permanent avec la population maghrébine au pays. Le Maroc officiel s’est abstenu. La Tunisie officielle sortait à peine de ses élections qui ont coupé l’électorat en deux, y compris ceux qui votaient sur le territoire français. L’Algérie officielle est aux abonnés absents. Dans ces trois pays – et en Égypte – de larges pans de la société civile étaient en phase avec la manifestation du 11 janvier et ce qu’elle contenait d’amorces de dialogue avec l’Autre beaucoup plus que de rejet ou d’exclusion. C’est dans ces trois pays que les enjeux de l’après-Charlie seront les plus lents à se préciser mais aussi les plus durables.

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