Les dons du Père sans le Père - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Les dons du Père sans le Père

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Le retour du fils prodigue, Guercino (Giovanni Francesco Barbieri) 1619.

Le retour du fils prodigue, Guercino (Giovanni Francesco Barbieri) 1619.

[Kunsthistorisches Museum, Vienne]

« Un homme avait deux fils. » Ainsi commence la parabole de notre Seigneur la plus connue et familière. Certains l’ont décrite comme l’Évangile en miniature. Il est encore mieux de la voir comme toute l’histoire du Salut en miniature.

« Père, donne-moi la part de tes biens qui doit me revenir. » Ainsi parle le plus jeune fils, le prodigue. Il demande son héritage avant l’heure, ce qui est une méchante chose à faire. Pour commencer, cela prive la ferme familiale d’un capital important. Ce qui aurait pu servir à l’investissement et aux bénéfices a disparu (ce qui pourrait expliquer le ressentiment du frère aîné).

Plus important est ce que la demande du fils révèle de sa vision de son père. Il exige maintenant ce qui devrait lui revenir seulement après la mort du père. Il ne veut pas son père mais uniquement les choses (littéralement la substance, la vie) de son père. En intention, il dit à son père : « Je ne te veux pas toi mais ce qui est tien ; je souhaite te voir mort. »

L’exigence du fils est un abus de sa situation de fils, une déformation de la liberté et du privilège accordés par son père. Mais le père le permet, ce qui est un des aspects les plus déconcertants de la parabole. C’est une image de la possibilité radicale de la liberté humaine de défier jusqu’à Dieu.

Le fils part. Après un certain temps, il découvre qu’il lui est impossible d’avoir la vie de son père sans son père. Coupé de la source de sa dignité, il se retrouve réduit au niveau d’un animal. Il brûle d’envie « de se remplir la panse des gousses dont se nourrissent les cochons ».

Suivent ces mots cruciaux : « Retrouvant ses esprits… » ou « Rentrant en lui-même ». C’est à dire quand il prend conscience de la vérité sur lui-même et la source de sa dignité. En rejetant son père, il est devenu étranger à lui-même, moins qu’un animal. Le seul moyen de se retrouver est de retourner vers son père.

Ensuite, il y a le frère plus âgé, à la maison avec le père. Plus qu’une pensée après coup ou un ajout à l’histoire, il est de bien des manières la raison d’être de la parabole, adressée aux pharisiens et aux scribes qui en voulaient aux prodigues entourant Jésus. Convaincu de sa propre justice, le fils aîné a vraiment fait la même erreur que son jeune frère : il a séparé son père de ses dons.

Mais en ce qui le concerne, il voit les dons du père – partager sa substance, participer à son œuvre – comme un fardeau et un esclavage. « Vois, je t’ai servi toutes ces années » répond-il effrontément aux supplications de son père. Il ne voit pas que les dons du père sont destinés non à la servitude mais à la dignité et à la liberté.

Séparer les choses de Dieu de Dieu. Vouloir sortir Dieu du tableau afin que nous puissions avoir ce qui est Sien mais sans la difficulté de Sa présence. C’est fondamental dans tout péché. Nous le voyons tout d’abord dans la rébellion de Satan et de ses anges. Ils voulaient leur beauté, leur puissance et leur dignité angéliques par eux-mêmes, sans leur Créateur.

Propagateur à peine asymptomatique, Satan a alors infecté Adam et Ève avec ce virus spirituel. Il les a conduit à exiger leur héritage pour « être comme des dieux » sans Dieu. Ils se sont rebellés et ont essayé de saisir le don du Père tout en le rejetant Lui simultanément. Ils ont été les premiers à dire : « Père, donne-moi la part de tes biens qui doit me revenir. »

Mystérieusement, le Père le permet, de nouveau comme une possibilité totale de la liberté humaine. De même, Adam et Ève ont découvert, horrifiés, qu’ils sont en désaccord avec eux-mêmes. Ils ne sont, littéralement, plus à l’aise dans leur peau, ils se couvrent de feuilles de vigne. L’humanité attend depuis le jour où elle « rentrera en elle-même ».

Les dons de Dieu existent et perdurent seulement dans une relation vitale avec Dieu. Notre Dieu n’est pas celui des déistes, qui imaginent une divinité distante et déconnectée dont nous pouvons apprécier les dons sans sa présence ni son interférence. Non, l’acte créateur du Père se poursuit et nous maintient en vie. Aucune créature ne peut exister sans la présence constante du Créateur. Coupés de leur source, les dons du Père se tarissent finalement, ou pire, se corrompent. Pour préserver Ses dons et leur excellence, nous devons rester unis à Lui.

Vouloir les choses de Dieu sans Dieu. Nous voyons cela en abondance dans notre culture. Le génie de notre biotechnologie cherche à dominer la vie sans l’Auteur de la vie. Les environnementalistes séculiers veulent la Création (« la nature » comme ils l’appellent) sans le Créateur. Le résultat est prévisible : plus nous bannissons Dieu de notre monde, moins nous devenons humains. Nous sommes coupés de nous-mêmes, ne distinguant même plus l’homme et la femme.

Vouloir les choses de Dieu sans Dieu. Nous trouvons cela dans nos péchés. Chaque fois que nous utilisons les dons de Dieu – notre liberté, notre intelligence, notre volonté, notre corps – indépendamment de Lui, alors nous disons avec le prodigue : « Je veux Tes cadeaux, mais je ne Te veux pas Toi ». Avec le frère aîné, nous permettons que cela contamine même nos dévotions. La liturgie devient notre création et non un don. Les pratiques pieuses deviennent un moyen de faire des choses pour Dieu mais non pas les choses de Dieu.

Dans le Christ, l’homme parvient enfin à lui-même. En Lui, nous voyons l’accomplissement et la joie de vivre une vie humaine dans une union complète et vitale avec le Père. Par Sa grâce, nous sommes rendus au Père et ainsi à nous-mêmes.