Les chrétiens et la culture antique - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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Les chrétiens et la culture antique

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Pourquoi faut-il que nous soyons profondément blessés par le saccage des trésors antiques d’Irak par les islamistes ? Bien sûr, nous sommes indignés par les crimes, les supplices que ces mêmes djihadistes accomplissent contre les personnes, et notamment nos frères chrétiens. Mais l’atteinte aux œuvres d’art nous touche très personnellement, comme s’il s’agissait d’une blessure intérieure, d’un coup cruel porté à notre sensibilité profonde. Nous avons eu comme un sentiment analogue, lorsqu’un attentat avait été commis à Florence dans la galerie des Offices en 1993. Attentat qui était, semble-t-il, d’origine mafieuse et qui avaient détruit des œuvres inestimables.

Mais un ami, voulant sans doute me donner mauvaise conscience, tient à me rappeler que les chrétiens eux aussi ont accompli des destructions, lorsqu’à la fin de l’Antiquité romaine, ils s’en sont pris à des statues et des temples païens. Le fait n’est pas niable. Il n’est que trop certain que l’empereur Théodose, dans sa volonté d’abolir la paganisme, avait mis en œuvre des pratiques, dont les effets ne furent pas toujours heureux. C’est le moins qu’on puisse dire. Cependant, il faut faire attention, avant d’assimiler les événements actuels à ces pratiques anciennes. Le rapport du christianisme à la culture antique, notamment greco-latine, n’est nullement éradicateur. Bien au contraire ! Certes, le paganisme était contraire à la foi chrétienne, et il y avait nécessairement un affrontement sur les questions les plus décisives du sens de la vie. Pourtant, comme l’a montré Henri-Irénée Marrou, dès le départ, le christianisme est une religion savante qui ne saurait exister dans un contexte de barbarie1.

« Fait considérable, écrit Marrou, il s’est noué au cours des premiers siècles, entre christianisme et classicisme un lien intime dont l’historien ne peut que constater la solidité. » Le signe le plus probant de cette intimité, c’est l’acceptation par les chrétiens des premières générations de l’école greco-latine pour les enfants. Mais il y avait une certitude préalable, dit encore Marrou : « Pour pouvoir être chrétien, il faut d’abord être un homme, assez mûr sur le plan proprement humain, pour pouvoir poser un acte de foi et des actes moraux. » D’où une alliance féconde avec le meilleur de la culture humaine.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 3 mars 2015.

  1. Henri-Irénée Marrou, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Seuil, Points Histoire.