Les Virilius : Homens version gay - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Les Virilius : Homens version gay

Une parodie croque les Homens. Nous avons demandé à Philippe Ariño de voir pour nous cette pièce. Peut-elle toucher un public autre que « gay friendly » ?
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On connaît les Homens, ces jeunes gens qui manifestent torse nu contre la loi Taubira avec créativité, humour et courage, en réplique aux Femens, ces féministes dépoitraillées, aux messages injurieux…

Les Virilius est une pièce écrite et mise en scène par Alessandro Avellis et Roman Girelli, jouée à La Folie Théâtre, 6 rue de la Folie-Méricourt, 75011 Paris, jusqu’au 25 mai 2014. Elle croque les travers supposés des Homens.

En apparence, les cinq comédiens de Virilius ont pensé à tout. Ils ont l’attirail du parfait petit manifestant de droite, galvanisé par sa propre révolte naissante et inattendue : les pancartes roses de La Manif pour tous (« Papa, maman et les enfants, c’est naturel ! »), le Code civil rouge en main, les ballons gonflés, les fameux pantalons de couleurs unies (popularisés par les Veilleurs et les Sentinelles), les chemises à carreaux BCBG, les prénoms composés dérivant de Jean, les coutumes des scouts paramilitaires, le discours indigné et antifasciste des prisonniers politiques jouant les fashion victims en garde à vue, l’euphorie adolescente pour les notoriétés faciles (« Le problème, c’est qu’on n’a rien pour alimenter le compte Twitter… »), les slogans scolaires connus de tous les manifestants anti-mariage-pour-tous (« On ne lâchera rien ! Jamais ! »), le tractage, etc. Si l’on ajoute les détournements satiriques (Sarko devient « Starko », Frigide Barjot « Perfide Garbo », Hervé Mariton « Tonton Gégé Maricón », La Manif pour tous la « La Manif pour n’importe qui »…), etc., on a tout pour se marrer. Malheureusement, on ne sent aucun amour de la part des parodistes vis-à-vis des seules personnes qui peuvent se reconnaître dans leur portrait parfois bien senti.

Malgré les apparences, Virilius n’est pas une œuvre comique. D’ailleurs, le public ne rit presque pas (même dans les rares moments « faits pour ça »). Pour une raison bien simple : en plus de faire appel à un référentiel ignoré des pro-mariage-pour-tous, les acteurs n’arrêtent pas de vociférer pendant toute la pièce. Or la haine a pour caractéristique de manquer de subtilité. Elle masque l’absence d’analyse par l’énergie, par le bruit, par la caricature, par le trop-plein d’intentions. C’est simple : cette pièce est un concert de slogans (« un chouilla » déformés…). Il n’y a aucun débat d’idées, aucune nuance, aucune pensée étayée. Les comédiens, certainement drôles dans d’autres contextes et pour des combats beaucoup plus nobles que la destruction des anti-mariage-pour-tous, semblent s’être, hélas ! pris trop au sérieux…

Pourtant, Virilius met le doigt sur certaines contradictions réelles de notre propre camp. En vérité, elle relève une seule vérité incontestable : que nous, les opposants au « mariage pour tous », n’avons pas été compris par ses promoteurs, parce que d’une part nous n’avons pas souvent été bons dans nos arguments et dans les formes de notre opposition (la méthode du groupe commando qui veut absolument créer le buzz médiatique est-elle vraiment la meilleure ?) et surtout parce que nous ne nous sommes pas opposés clairement à l’hétérosexualité. Du coup, pendant toute la pièce, nous sont renvoyés à la figure nos slogans hétérosexuels et notre défense inconsciente de l’hétérosexualité, c’est-à-dire de la différence des sexes sans amour, de la différence des sexes procréative (centrée uniquement sur l’enfant, la filiation et la biologie) : « Notre théorie, c’est de sauver les enfants ! » ; « Mes parents ne font pas l’amour. Ils font juste des enfants » ; « Attention : HÉTÉROSEXUALITÉ en DANGER ! » ; « Nous sommes tous des enfants d’hétéros ! : première, deuxième, troisième génération ! » ; « Nous ne sommes pas homophobes. Nous sommes mariageophiles ! » ; « Y’a pas d’ovules dans les testicules ! » ; « Un papa, une maman, c’est très bien pour nos enfants ! » ; « Nous devons sanctuariser la famille hétérosexuelle ! » ; « Nous sommes pour la filiation père-mère-enfant ! », etc. Dans la bouche des comédiens, on entend beaucoup de propos qui ont réellement été tenus lors des manifs. Massivement. Sont caricaturés aussi dans Virilius nos bonnes intentions, c’est-à-dire nos raisonnements naturalistes trop rapides et souvent contradictoires : « Nous ne sommes pas homophobes. Nous avons quelques très bons amis homos ! » ; « On n’est pas homophobes !… sales pédés ! » ; « Bientôt, on va justifier l’inceste et donner des médailles aux pédophiles ! », etc.

C’est pour cela qu’elle est « un peu bien vue », cette pièce. Le problème, c’est que ce dévoilement parodique qu’elle nous offre n’est pas pleinement conscient de lui-même ni bienveillant. Car je doute fort que les auteurs de la pièce soient capables de faire la distinction entre l’hétérosexualité et la différence des sexes aimante, et qu’ils aient cherché ensuite à nous la faire comprendre. Je doute fort également qu’ils aient compris la gémellité entre homosexualité et hétérosexualité : elle est juste dépeinte comme humoristiquement exceptionnelle (les héros hétéros de la pièce finissent homos, d’ailleurs), mais elle n’est pas du tout identifiée ni universalisée.

Les meilleurs caricaturistes sont ceux qui savent quand ils exagèrent ou quand ils exagèrent à peine. Ils ont conscience d’être caricaturaux. Dans cette pièce, les trois quarts du temps, il est facile de prendre les comédiens en péché de sincérité et de naïveté. Et on le voit sur les réseaux sociaux : les acteurs se conduisent en idéologues bobos, qui acculent les clichés méprisants sur les gens qui ne pensent pas comme eux. Ils tiennent des propos à la teneur clairement anti-catholique et anti-droite. Ils n’ont pas compris que l’opposition au « mariage pour tous » était universelle et dépassait le clivage droite/gauche, homos/hétéros, croyants/non-croyants. Elle est de l’ordre du bon sens et de l’humanité.

Cette pièce est un enchaînement de clichés faux sur les Homens, dans lequel se noient quelques clichés vrais. Certes, Virilius a pris en photo nos « anarchistes en culotte courte » sous toutes les coutures, elle les cite scolairement et amplifie ce qui a été parfois vraiment dit par certains d’entre eux. Mais elle n’accède pas à l’interprétation et encore moins à la compréhension du combat des Homens.
Virilius sent l’infiltration… mais l’infiltration timide, partielle, peu audacieuse. Car ses auteurs ne sont pas rentrés dans le cœur des Homens, ni dans leurs idées, ni dans leur âme. Ils n’ont vu que le décorum, la carapace, la vitrine médiatique, les beaux corps masculins tatoués.

Entre les personnages de la pièce, il n’y a aucune place faite à l’amitié. Les héros sont juste des requins entre eux. Alors que les Homens réels ont vécu des amitiés fortes, une vraie camaraderie, une solidarité d’audace et d’actions. Ce ne sont ni des brutes, ni des soldats beaufs, ni des ados boutonneux attardés, ni des êtres isolés, ni des jeunes loups carriéristes assoiffés de pouvoir, ni des gros machos sexistes et racistes, ni un club de libertins sado-masos, ni des homos refoulés… contrairement à ce que laissent entendre beaucoup de répliques de la pièce.

Les personnages de Virilius n’ont aucune psychologie, y compris ceux qui se rebellent contre leur propre système ou groupe. Ils sont réduits à l’état de robots, de moutons formatés par les idéologies fascistes anti-fascistes, d’hommes-sandwiches qui aboient du slogan et qui sont guidés par la recherche de jouissance, de cupidité et de haine.

Le plus navrant dans l’histoire, c’est quand même d’être pris pour des imbéciles par des gens aussi ignorants et peu aimants sur scène. Là où les naturalistes anti-gender et pro-famille ont la bêtise de réduire la différence des sexes à une affaire de Nature, eux la réduisent à une histoire de cul. D’ailleurs, sur l’affiche de la pièce, les mots « papa » et « maman » figurent chacun sur une des deux fesses de l’homme nu photographié de dos. Tout un symbole !

Virilius, en somme, est trop en avance et trop en retard sur son sujet. Assez précise sur certains détails, mais éloignée du fond et du cœur du phénomène dépeint. C’est une pièce qui ne manque pas de finesse mais qui se condamne à l’isolement, à l’incompréhension générale et au manque de soutien car tacitement elle s’est enfoncée dans l’idéologie anti-chrétienne. Elle sera forcément mal accueillie : et par ceux qu’elle est censée conforter dans leur gay friendly attitude (les moins bêtes l’aimeront pour ses intentions plutôt que pour ce qu’elle dit vraiment ; les plus beaufs n’y verront même pas une caricature puisque pour eux, ce qui est représenté est forcément la réalité), et par ceux qu’elle est censée « casser » (qui pourront se sentir d’emblée agressés de se voir caricaturés aussi violemment). Cette pièce est donc trop subtile pour ses amis, pas assez pour ses ennemis.

Quand on fait de la caricature en prenant sa caricature pour vraie, on finit, comme l’arroseur arrosé, par afficher sa propre ignorance ou son manque de foi comme de l’esprit ou une superbe profession de foi. Et là, c’est la circonspection chez les gay friendly. Et c’est objectivement la contradiction et l’échec assurés.

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