Les Semaines Sociales (notre compte-rendu) - France Catholique
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Les Semaines Sociales (notre compte-rendu)

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VIVRE AUTREMENT

Voilà l’invitation qui avait été lancée cette année par la 82ème Semaine Sociale de France.

Pourquoi cette invitation ? Quelques chiffres éclairent la situation mondiale qui a conduit au thème de cette semaine :

– environ 800 millions d’hommes souffrent encore de la faim après plus de 40 ans de programmes d’actions contre ce fléau

– un tiers environ de l’humanité n’a pas accès à l’eau potable

– l’exploitation des ressources naturelles pour le développement conduit à leur épuisement à une échéance relativement proche

– la consommation de pétrole dans le monde utilisera en quelques siècles ce que la nature a mis des millions d’années à produire. Les stocks ne sont pas renouvelables.

– le développement des activités humaines influe durablement le climat et cause un réchauffement de la planète.

Pour faire face aux défis que révèlent ces quelques chiffres, il faut penser autrement le développement de l’humanité. Les modèles mis en œuvre dans les pays occidentaux ne peuvent pas servir pour l’ensemble de l’humanité. Si l’on veut réduire les inégalités, limiter les conflits et les guerres pour l’appropriation des ressources naturelles, éviter les catastrophes climatiques il nous faut trouver d’autres modèles et penser le développement en d’autres termes pour qu’il soit durable et solidaire.

Pour un développement durable et solidaire

Ces journées s’inscrivent dans la longue histoire des efforts de la communauté internationale pour maitriser la croissance économique mondiale et en faire partager les bénéfices à l’ensemble de l’humanité présente et future. Il est bien connu que tous les hommes ne bénéficient pas aujourd’hui des bénéfices du progrès mais la prise de conscience des effets pour les générations futures est plus récente. Ces effets sont doubles d’une part nous épuisons les ressources de la planète, d’autre part nous influençons négativement son devenir car nos activités modifient le climat.
Le film d’Al Gore, « Une vérité qui dérange », en France le récent « Grenelle de l’environnement » après le manifeste de Nicolas Hulot aident à cette prise de conscience progressive. La nécessité de sauver la planète devient de plus en plus claire pour beaucoup. Mais il ne s’agit pas uniquement de la planète, il s’agit d’abord de l’homme.

Comme le soulignait Jérôme Vignon, nouveau président des Semaines Sociales :
Le titre de la session « vivre autrement, pour un développement durable et solidaire » annonce un parti pris humain, une orientation marquée davantage par un élan de vie que par la crainte d’une catastrophe. On y trouve un clin d’œil à cette lettre pastorale des Evêques de France qui fit en son temps grand bruit, lorsqu’ils se prononcèrent en faveur de « nouveaux modes de vie ».

Les journées ont été ouvertes par un brillant exposé de Jean-Marc Jancovici, expert en climatologie et utilisation de l’énergie. Avec lui les participants ont pu prendre conscience de l’urgence d’agir si l’on veut non plus éviter mais limiter le réchauffement de la planète. Il est en cours et va se poursuivre du simple fait de nos activités passées, essentiellement l’émission dans l’atmosphère des « gaz à effet de serre », ces gaz qui empêchent la terre de renvoyer dans l’espace l’énergie qu’elle reçoit du soleil, en particulier le gaz carbonique.

Après cet avertissement scientifique, sir Nicholas Stern, économiste, ancien vice-président de la Banque mondiale a montré aux participants la dimension économique mondiale du problème en affirmant « mieux vaut dépenser aujourd’hui 1% de la richesse mondiale pour éviter des catastrophes que 5 à 8% dans quelques années pour les réparer. Les participants ont aussi réfléchi aux dimensions spirituelles des questions traitées avec plusieurs orateurs dont Jacques Arnould, dominicain, ingénieur agronome et docteur en théologie et histoire des sciences. La phrase de la Genèse « dominer la terre et soumettez-la » a été souvent citée car elle sert à ceux qui reprochent aux chrétiens cette exploitation de la terre dont l’humanité souffre aujourd’hui. Plusieurs orateurs ont abordé cette question notant que ce n’est pas la seule fonction donnée à l’homme, il est aussi gardien et jardinier. A lui de « ménager » la terre, selon le mot de …

Après les réflexions générales du temps a été consacré à la question « Que faire » sur laquelle se sont penchés sept ateliers. Un industriel, Bertrand Collomb, président d’honneur des ciments Lafarge, a montré comment une entreprise peut prendre en compte les impératifs du développement durable. Enfin, deux hommes politiques ont été invités à faire part de leur expérience. Alain Juppé, maire de Bordeaux a montré les résultats déjà obtenus dans le domaine des transports urbains et souligné la difficulté à s’attaquer à la question des économies d’énergie dans le domaine de l’habitat. Il a aussi souligné le grand besoin d’information de ses concitoyens car les questions sont d’une grande complexité. Alain Lipietz, économiste, député vert au Parlement européen a montré l’importance des normes et des règles internationales mais il a surtout mis en évidence la grande difficulté du passage à l’action dans ce domaine car si le salut que proposait l’Eglise primitive était individuel , la solution aux questions soulevées par le développement durable est collective et chacun, malheureusement, attend que son voisin commence.

Comme le soulignait aussi Jérôme Vignon :
Ne sommes-nous pas, pour la première fois peut-être dans l’histoire de l’humanité, devant l’impératif annoncé d’un changement de civilisation ? Cette limite qui nous contraint ne peut-elle nous permettre de découvrir les voies d’un nouveau vivre ensemble ? Cela ne peut se faire que si nous mobilisons toutes les énergies, toutes les cultures dans un dialogue ouvert sur l’espérance.

Ces journées ont permis de prendre conscience du fait que le salut est collectif.

Les références de Jacques Arnould à Teilhard de Chardin peuvent nous aider à voir l’humanité en marche et à ne pas attendre que tous soient partis pour nous mettre personnellement en route. Il ne s’agit pas de prêcher la décroissance mais d’abandonner des critères de croissance uniquement quantitatifs pour s’attacher à un développement qualitatif. Et comme le disait Jacques Arnould, la question est plus « Que voulons-nous être ?» plutôt que « Que devons-nous faire ? ». Quelques propositions concrètes ont néanmoins été émises à l’issue de cette 82ème Semaine Sociale.

Louis Mollaret

Les Semaines Sociales de France

Les Semaines Sociales de France sont nées en 1904, à l’initiative de deux catholiques laïcs, le Lyonnais Marius Gonin et le Lillois Adéodat Boissard, afin de faire connaître la pensée sociale de l’Église, de l’appliquer et de l’adapter aux problèmes de notre temps, et singulièrement pour améliorer la condition ouvrière, dénoncée comme inhumaine par le Pape Léon XIII dans son encyclique « Rerum Novarum » (1891).

Elles veulent être un foyer actif de réflexion et d’action. Leurs sessions sont un lieu de rencontre pour tous, croyants et incroyants, ouvert à tous ceux qui sont sensibles au dialogue, à la recherche de sens, et à la rénovation du lien social dans notre pays.

Thèmes traités par les Semaines Sociales

Les thèmes des dernières années ont été :
“Le travail et l’emploi” (1987),
“Les défis de la formation” (1989),
“Concurrence et solidarité” (1991),
“Les médias et nous” (1993),
“Une idée neuve, la famille” (1995),
“Quelle Europe ?” (1996),
“Les migrants : défi et richesse pour notre société” (1997),
“Démocratiser la République, représentation et participation du citoyen” (1998), «
D’un siècle à l’autre, l’Evangile, les chrétiens et les enjeux de société » (1999),
« Travailler et vivre » (2000),
« Biologie, médecine et société » (2001),
« La violence » (2002), « L’argent » (2003).
« L’Europe, une société à inventer » (2004).
« Transmettre, partager des valeurs, susciter des libertés » (2005)
« Qu’est-ce qu’une société juste ? » (2006).

Le développement durable

« Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »
Notion apparue en 1980. La définition ci-dessus fait suite à un rapport paru en 1987, rapport Brundtland, Notre avenir à tous.
Au Québec, le développement durable s’appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement. »

La 82ème semaine sur le développement durable :

Il ne s’agit pas de freiner pour durer plus longtemps, mais de saisir l’opportunité qu’offrent de nouveaux styles de vie pour le développement de relations humaines plus fraternelles, plus diversifiées, plus accueillantes aux potentialités créatrices de chacun. » (déclaration finale)

Il s’agit d’habiter la terre autrement comme une exigence éthique individuelle et collective. (déclaration finale)

A propos de l’eau …

400 litres par jour par personne en France, seulement 5 en Ethiopie
Par ailleurs, on trouve autour de l’eau un certain nombre de paradoxes. Alors qu’un milliard de personnes sont menacées par l’absence d’eau potable, 70% de l’eau mondiale est utilisée pour l’agriculture, une eau bien souvent non payée par les agriculteurs. Encore, un Français consomme 400 litres d’eau par jour environ, en moyenne, contre 5 litres pour un Ethiopien. En Afrique, 15 litres d’eau par jour et par personne sont un vrai luxe.
Aussi, un litre d’eau au Kenya coûte le même prix qu’un litre d’eau à Paris.

Extraits des propositions de la 82ème Semaine Sociale

Notre défi personnel et collectif est bien de vivre autrement, pour une société :
économiquement durable, par une gestion plus sage ;
socialement viable, pour une vie en partage ;
écologiquement vivable, pour une terre en héritage
Le premier enjeu est pour nous celui de l’éducation au développement durable.

nous proposons de mettre en œuvre l’expérimentation d’un service civique obligatoire afin d’offrir à tous les jeunes une chance d’immersion dans la diversité des acteurs, et de découverte des exigences concrètes de la citoyenneté, en particulier dans le domaine de l’environnement et de la solidarité internationale.

L’éducation nationale doit s’ouvrir à de telles initiatives. Elle doit faire place en temps et en ressource à des espaces d’expérimentation intergénérationnelle ouverts sur le monde.

Pour toutes ces raisons le ministère de l’éducation nationale ne peut agir seul. Il doit impérativement faire place à des acteurs extérieurs
Dans le domaine de l’alimentation,
Il est urgent de changer de modes de production et de consommation.
Au niveau individuel il s’agit d’inviter le consommateur à faire le choix de la proximité, des produits de saison, labellisés, équitables …

Nous invitons les chrétiens à organiser le 4 octobre, fête de saint François d’Assise, une journée de prière et de réflexion sur les modes de production et de consommation durables.

L’eau constitue l’un des plus grands défis de l’avenir.

Promouvoir une nouvelle culture de l’eau au niveau local et national pour briser l’indifférence des pays riches en eau. Nous invitons à une éducation à l’eau dès le plus jeune âge et, dans le prolongement, à susciter et soutenir dans chaque pays des forums de citoyens permettant de s’informer de se former et de donner la parole aux usagers.

Dans le domaine de l’énergie,

De multiples engagements internationaux ont déjà été pris. Ils ne seront pas atteints, si nous ne modifions pas en profondeur nos modes de vie, nos habitudes de consommation.

Cela exige que chacun s’interroge sur ses choix personnels en commençant par l’habitat et les transports, qui représentent 80% de notre consommation énergétique.

Il faut passer du consommateur passif d’énergie abondante et bon marché à l’utilisateur actif et éclairé de services énergétiques adaptés à ses besoins.

Les intervenants

Jean-Marc Jancovici,
polytechnicien, spécialiste du changement climatique et des questions énergétiques
Sir Nicholas Stern,
Economiste, ancien vice-président de la Banque Mondiale, auteur d’un rapport sur l’économie du changement climatique
Laurence Tubiana
Directrice de l’institut du développement durable, ancienne conseillère de Lionel Jospin pour l’environnement
Elena Lasida
Economiste, chargée de mission à Justice et Paix, maître de conférences à l’Institut catholique de Paris
Jacques Arnould,
dominicain, ingénieur agronome, docteur en théologie et en histoire des sciences, chargé de mission au Centre National d’Etudes Spatiales
Bernard Chevassus au Louis
Biologiste, directeur de recherches à l’INRA, ancien directeur du Muséum d’histoire naturelle
Denis Clerc
Economiste et journaliste, fondateur du magazine Alternatives économiques
Bertrand Collomb
Président d’honneur du groupe Lafarge, membre de l’Institut
Alain Juppé
Ancien premier ministre, maire de Bordeaux
Alain Lipietz,
Economiste, député vert au parlement européen
Mgr Emmanuel,
Métropolite grec-orthodoxe de France
Luc Ferry,
Philosophe, ancien ministre

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