Le système allemand : « payer pour prier» - France Catholique

Le système allemand : « payer pour prier»

Traduit par Antonina R.-S.

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L’excellent article du père Gerald E. Murray « Bad News from Deutschland » [Mauvaises nouvelles d’Allemagne] peut suggérer pour examen un autre sujet, plus urgent, au prochain Synode extraordinaire des évêques : l’effondrement d’une Eglise qui a rompu la relation entre sa mission d’enseignement et son union avec l’Eglise universelle. A cette fin, il convient d’analyser certains autres éléments très perturbants dans cette histoire déjà très triste.

Murray a absolument raison quand il résume ainsi le rapport envoyé par l’Episcopat allemand au prochain Synode extraordinaire sur la famille dans le contexte de l’évangélisation : « Le rejet généralisé de l’enseignement de l’Eglise que révèle ce rapport constitue une autoaccusation de l’Eglise en Allemagne. De toute évidence, très peu d’efforts ont été déployés au cours des cinquante dernières années pour expliquer et promouvoir les préceptes de l’Eglise sur le mariage, la famille et la moralité sexuelle ».

Il est également vrai qu’il n’y a dans ce rapport « pas l’ombre d’un regret ou de remords » et pas « d’autocritique ». Il est bien plus facile de critiquer « l’intransigeance » de Rome que l’échec des évêques en tant qu’enseignants et pasteurs. Mais cela entraînera à coup sûr l’effondrement de l’Eglise en Allemagne. De telles rebellions contre la doctrine de l’Eglise mènent inévitablement à la désunion et à la perte de la foi.

La vérité derrière tout cela c’est que, pendant les cinquante dernières années, la hiérarchie de l’Eglise en Allemagne (ainsi que dans d’autres pays européens) a pratiquement gardé le silence sur l’encyclique Humanae vitae et sur d’autres documents faisant autorité qui énonçaient dans les termes les plus clairs possible la doctrine perpétuelle de l’Eglise sur la sexualité humaine. La désertion de l’Eglise par les catholiques allemands pendant la même période témoigne du rapport entre l’anarchie morale et la perte de la foi.

L’expérience de l’Eglise anglicane devrait certainement servir de leçon aux évêques de l’Eglise allemande qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre. Tout ce qu’ils réclament dans ce document existe déjà depuis des décennies dans l’Eglise anglicane. Les Anglicans ont depuis longtemps adopté tout le programme exposé dans ce rapport allemand, ce qui a provoqué une défection massive des fidèles de cette Eglise, aujourd’hui pratiquement réduite à l’état de squelette : une hiérarchie presque dépourvue de paroissiens.

Les responsables de l’Eglise doivent comprendre que l’unité de celle-ci ne se situe pas simplement au niveau dogmatique, mais exige aussi une unité des modes de vie basée sur celle d’un enseignement moral. On ne peut avoir une Eglise vraiment unifiée s’il n’y a pas d’unité au niveau de la vie morale de ses membres. Et quand cette unité des modes de vie disparaît, la foi desdits membres ne peut pas se maintenir. Si l’Eglise allemande réussissait à réviser l’enseignement de l’Eglise sur la sexualité humaine, à s’adapter aux désirs de ses membres qui sont déjà des apostats virtuels, l’unité ne s’en trouverait pas renforcée, mais diminuée, et les églises non pas plus remplies mais plus vides, comme en Angleterre aujourd’hui.

En outre, l’abandon virtuel des normes traditionnelles de la sexualité humaine professées par toutes les Eglises chrétiennes jusqu’au siècle dernier a également entraîné la nouvelle crise démographique que tous les pays européens commencent maintenant à affronter. Il y aura de moins en moins de catholiques allemands dans les églises non seulement à cause du déclin de la foi, mais aussi du déclin de la population allemande en général.

L’épiscopat assume-t-il une part de responsabilité dans cette crise qu’on peut dans une certaine mesure imputer à leur silence sur les relations entre mariage et procréation, amour et accueil généreux de la vie ?

Des informations récentes en provenance d’Allemagne peuvent nous éclairer sur l’une des raisons de ce silence vieux de plusieurs décennies et de cette incitation à modifier les enseignements sur la sexualité humaine. Le journal britannique The Guardian a récemment attaqué la hiérarchie allemande au sujet de ce que, comme d’autres publications européennes, il appelle le « décret sur la prière payante» pris par la Conférence des évêques allemands.

Il signale que la Conférence a récemment publié un décret avertissant les catholiques allemands qui choisissent de ne pas payer l’ « impôt cultuel» [ne pas confondre avec le denier du culte] allemand qu’ils seront privés de sacrements, de sépulture religieuse et de vie paroissiale.

Voici la lecture que pouvons donner de ce décret : les catholiques ne seront pas exclus des sacrements s’ils votent pour l’avortement et l’euthanasie, mais on leur refusera les sacrements et une sépulture chrétienne s’ils ne paient pas l’impôt cultuel. Vous comprenez pourquoi cela fait des vagues en Europe.

Certaines revues européennes réclament également une révision des liens financiers étroits entre l’Eglise et l’Etat en Allemagne. L’Eglise tire un solide revenu de cet « impôt cultuel » et les membres du clergé reçoivent des traitements assez importants de l’Etat. La plupart des Américains seraient choqués d’apprendre que les évêques allemands gagnent entre 8000€ (10 965 $) et 11 500€ (15 763$) par mois, en fonction de leur ancienneté. Soit un traitement se situant entre 131 000$ et 189 000$ par an. Les prêtres gagnent moins, mais beaucoup plus que leurs homologues américains.

Bref, le clergé allemand a tout intérêt sur le plan financier à dorloter ses ouailles pour qu’elles continuent à payer cet impôt au lieu de quitter l’Eglise.
Soit, il n’y a peut-être aucun lien direct entre le silence des pasteurs et le fait que leurs salaires dépendent des impôts payés par leurs agneaux. Mais compte tenu de la nature humaine, ce n’est pas non plus à exclure complètement.

Je suis convaincu que ces mêmes évêques et prêtres conviendraient sans problème que le mode de vie fastueux des évêques et des cardinaux pendant la Renaissance a joué un rôle dans la corruption de l’Eglise et le déclenchement de la Réforme. Peut-être pourraient-ils remettre en cause leurs modes de vie actuels. Et examiner en toute honnêteté l’accord tacite et impie qu’ils ont conclu avec les contribuables au cours des dernières décennies : votre présence contre notre silence.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/germanys-pay-to-pray-regime.html


Photographie. La cathédrale de Cologne

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Père Mark A. Pilon, prêtre du diocèse d’Arlington (Virginie), a obtenu un doctorat en théologie de l’Université Santa Croce à Rome. Ancien professeur titulaire de chaire de théologie systématique au séminaire Mount Saint Mary, ex-rédacteur du magazine Triumph, il est à la retraite de la Notre Dame Graduate School of Christendom College où il a le statut de professeur invité. Il écrit régulièrement sur le site littlemoretracts.wordpress.com.