Le royaume qui prend soin de nous - France Catholique

Le royaume qui prend soin de nous

Le royaume qui prend soin de nous

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Les médias sont pleins de récits concernant l’incompétence, pour ne pas dire l’indifférence, du gouvernement quant aux besoins des gens. Les commentateurs se sont jetés sur la récente publication du nombre de morts causées par l’ouragan Maria en septembre 2017 à Porto Rico, une tribune libre du Washington Post blâmant les réponses « locale et fédérale » à cette tragédie. D’autres observateurs ont déploré les tentatives du gouvernement pour réduire l’accès aux soins ou stopper la politique d’immigration en faveur des mineurs. De tels récits, indépendamment de notre affiliation politique, nous rappellent que les gouvernements – avec leur approche généralement « à taille unique » des problèmes – offrent inévitablement aux citoyens des services loin d’être parfaits.

Grâce à Dieu, il n’en est pas de même pour le Royaume de Jésus-Christ et ceux qui sont à sa charge.

Le Nouveau Testament offre de nombreux exemples de fonctionnaires témoignant d’une totale indifférence pour le bien-être des personnes sous leur autorité. Le plus tristement célèbre étant le procurateur romain Ponce Pilate qui, ayant reçu la responsabilité de décider du destin de Jésus de Nazareth, manifestement innocent, est impatient de « se laver les mains » de toute l’affaire.

Cette irresponsabilité est d’autant plus accablante que son épouse lui a dit d’éviter de s’impliquer de quelque manière dans tout mal qui serait fait à Jésus, qu’elle appelle « cet homme juste » (Matthieu 27:19). Comme tant de fonctionnaires d’état, Pilate espère que son inaction fera de Jésus le problème de quelqu’un d’autre, déclarant à la foule des Juifs : « je suis innocent du sang de ce juste ; c’est votre affaire » (Matthieu 27:24).

L’indifférence civile est également vue pendant les voyages missionnaires de Paul. Quand Paul évangélisait à Corinthe, les chefs juifs ont essayé de le desservir auprès de Gallion, proconsul d’Achaïe. Plutôt que de défendre Paul, qui était manifestement persécuté, il a cherché à se dérober, déclarant : « puisqu’il s’agit d’une querelle à propos de mots, de noms et de votre loi à vous, c’est votre affaire : je refuse d’être juge de ces choses ». Il les fait tous sortir du tribunal, et dans le tumulte qui s’ensuit le chef de la synagogue, Sosthène, est saisi et battu. Et cependant, « Gallion ne s’en soucie pas » (Actes 18:12-17).

L’historienne britannique Mary Beard suggère dans son livre à succès (SPQR : A History of Ancient Rome = Le Sénat et le peuple de Rome : l’histoire de la Rome antique) que les actions de Pilate et de Gallion étaient probablement un comportement typique au sein de l’Empire : « aussi loin que nous puissions dire, même sous la férule des empereurs, il n’y a pratiquement rien qui ressemble à une politique générale pour gérer l’empire ».

On attendait des gouverneurs qu’ils collectent les impôts des autochtones et qu’en dehors de cela ils laissent tranquilles les institutions politiques et culturelles locales. Chose étonnante, à quelque moment que ce soit, il y avait probablement moins de 200 administrateurs romains d’élite, secondés par quelques milliers d’esclaves de l’empereur pour gouverner un empire de 50 millions d’habitants. Avec une politique impériale aussi désinvolte, il n’est guère surprenant que Pilate, Gallion et consorts ne portent aux affaires de leurs sujets que l’intérêt strictement nécessaire pour collecter les impôts et préserver la paix.

Le Royaume de Dieu proclamé par Jésus se démarque de la loi romaine. Il dit à ses disciples que les cieux se réjouissent du repentir d’un seul pécheur (Luc 15:7). Les sujets de son royaume doivent se préoccuper des plus marginalisés, honorés rien que pour leur avoir donné « un verre d’eau fraîche » (Matthieu 10:42). A une autre occasion Jésus déclare : « les derniers seront les premiers et les premiers derniers » (Matthieu 20:16). De fait, les membres de ce royaume sont exhortés à inviter à leurs fêtes « les estropiés, les boiteux, les aveugles ». Il est difficile d’imaginer un fonctionnaire romain agissant ainsi.

Une telle préoccupation pour tous les membres du royaume découle du propre amour du roi divin pour son peuple. Le psaume 41 le déclare : « Béni celui qui a de la considération pour le pauvre ! Le Seigneur le délivre au jour de détresse ; le Seigneur le protège et le garde en vie ; on le dit béni dans le pays ».

Ailleurs le psalmiste demande : «  Qui est comme le Seigneur notre Dieu, qui siège dans les hauteurs et regarde tout en bas le ciel et la terre. Il relève le pauvre de la poussière et le nécessiteux du tas d’ordures, pour les faire asseoir avec les princes, avec les princes de son peuple » (psaume 113:5-8). Bien plus, le roi du ciel et de la terre s’intéresse suffisamment à nous pour connaître intimement la vie de chacun de nous, nos allées et venues, il a créé nos organes internes, nous a tissés dans le sein maternel (psaume 139).

Ce n’est pas pour dire que Rome n’était pas intéressée à projeter une image de bienveillance divine sur ses empereurs. Octavien, fils adoptif de César prétendument divin, s’est intitulé lui-même « fils de dieu » (Imperator Caesar Divi Filius Augustus). Lui aussi, selon les allégations des biographes romains, est monté aux cieux. Des sources antiques nous disent que Vespasien, qui a régné environ une génération après le Christ, était supposé avoir redonné la vue à un aveugle en crachant dans ses yeux et avoir guéri la main atrophiée d’un autre homme en marchant dessus.

Pourtant, en dépit de ces supposés miracles et prouesses, la grande majorité des citoyens de l’empire romain vivait dans la pauvreté, leurs personnalités et leurs besoins étant bien loin des connaissances et de l’intérêt de leurs législateurs. Pas étonnant que tant d’entre eux se soient convertis à la foi chrétienne qui promettait un empereur aimant véritablement ses sujets.

A l’époque moderne, bien sûr, nous ne sommes pas en si mauvaise posture que les Romains du premier siècle. Même les citoyens des états les plus dictatoriaux de la planète jouissent d’allocations d’état dont un Romain de l’Antiquité ne pouvait que rêver.

Pourtant, tout pareillement, les structures politiques nous laisseront tomber un jour ou l’autre. L’impersonnalité inhérente à une gouvernance est un obstacle permanent à concrétiser l’aide dont nous avons besoin pour vivre une vie heureuse et comblée.

Le ciel en soit loué, ainsi que le disent les Ecritures, jamais des membres du Royaume de Dieu ne seront laissés de côté. Comme Jésus l’a enseigné : « Bienheureux êtes-vous, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous » (Luc 6:20).

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Casey Chalk est un rédacteur du site internet oecuménique « Called to Communion » (Appelés à la communion). Il est diplômé d’une école de théologie.

Illustration : « Le sermon de Jean-Baptiste » par Pierre Bruegel l’Ancien, 1525 [musée des Beaux-Arts de Budapest]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/07/01/the-kingdom-that-cares/